Devant l’émergence des pathologies chroniques dites non transmissibles, qui représentent maintenant approximativement 71 % des causes de décès dans le monde, une attention toute particulière s’est portée sur la prévention de ­facteurs de risque communs à toutes ces pathologies. C’est ainsi qu’on a identifié quatre principaux facteurs de risque : le tabac, la consommation d’alcool, la mauvaise alimentation et l’inactivité physique.
La prévention primaire est définie par l’Organisation mondiale de la santé comme toute action destinée à diminuer l’incidence d’une maladie, donc à réduire ­l’apparition des nouveaux cas dans une population saine, par la diminution des causes directes et des facteurs de risque. Les objectifs de cet article sont de rappeler les effets respectifs de l’inactivité et de la sédentarité, autre facteur de risque, sur l’incidence de pathologies chroniques, et d’évoquer les recommandations actuelles qui contribuent à réduire leur risque d’apparition.

Contexte général

L’activité physique peut être définie comme tout mouvement corporel produit par l’activation coordonnée des muscles squelettiques, ce qui entraîne une augmentation de la dépense énergétique par rapport à la situation de repos. L’activité physique regroupe l’ensemble des activités qui peuvent être pratiquées dans différents contextes, dont le travail, les transports, les activités domestiques et les loisirs (incluant les activités sportives). Partant de cette définition, l’inactivité se caractérise par un niveau d’activité physique quotidien ­insuffisant, inférieur aux recommandations nationales ou internationales. En France, la prévalence de l’inactivité a récemment été évaluée grâce à deux grandes enquêtes qui ont montré que 25 à 33 % seulement des enfants et adolescents de 6 à 17 ans sont suffisamment actifs, les filles étant toujours moins actives que les ­garçons (18 vs 28 %).1, 2 On estime par ailleurs que 37 à 39 % des adultes de 18 à 74 ans ne sont pas suffisamment actifs. Chez les adultes aussi, les hommes sont en général plus actifs que les femmes (73-70 % vs 54-53 % chez les femmes).
La sédentarité (ou comportement sédentaire) est ­définie comme une situation d’éveil en position assise ou allongée, associée à une très faible dépense énergétique, inférieure ou égale à 1,6 fois le métabolisme de repos.3 Dans la vie professionnelle et dans la vie quotidienne, la part prise par ce type de comportement est grandissante, à la suite des profonds changements environnementaux, sociaux et technologiques qui ont entraîné une très nette augmentation des activités réalisées en position assise. On estime que 50 % des enfants de 6 à 10 ans, 70 % de ceux de 11 à 14 ans et 80 % des adolescents de 15 à 17 ans passent plus de 3 heures par jour devant un écran.1 Par ailleurs, 40 à 41 % des adultes de 18 à 74 ans passent plus de 7 heures par jour en activités sédentaires, avec une relative égalité entre hommes et femmes.1, 2

Inactivité, sédentarité et risque de maladies chroniques

La consommation de tabac reste le premier facteur de risque évitable de maladie chronique, avec plus de 7 millions de décès chaque année. La consommation excessive d’alcool explique 2,3 millions des décès dans le monde (3,8 % des décès annuels), et on estime que près de 3,2 millions de personnes décèdent chaque année par manque d’activité physique. En revanche, on ne dispose actuellement pas de suffisamment de données pour estimer le poids de la sédentarité per se dans la mortalité globale et/ou l’incidence de maladies chroniques. En France, le coût économique direct de l’inactivité dans la survenue de quatre des principales pathologies chroniques (coronaropathies, diabète de type 2, cancers du sein et du côlon) est estimé à 1,215 milliard d’euros. Le coût économique indirect de ces pathologies est évalué à 8,25 milliards d’euros.4
Toutes les méta-analyses les plus récentes concluent à une relation inverse entre la pratique d’activités physiques modérées à intenses et la mortalité générale (toutes causes confondues). L’activité physique correspondant aux recommandations réduit de 11 % le risque de décès prématuré chez les pratiquants de la marche et de 10 % chez les adeptes du vélo.5 Il existe une relation positive entre le niveau d’activité quotidien et la réduction de la mortalité toutes causes confondues, avec une réduction du risque de décès prématuré qui peut atteindre 39 % chez les personnes qui pratiquent 3 à 8 fois le minimum recommandé (fig. 1).6
La lutte contre l’inactivité tient une place importante pour la prévention de la survenue de près de 35 pathologies chroniques et états de fragilité (sarcopénie, avancée en âge, etc.).7 C’est ainsi par exemple que l’activité physique régulière réduit le risque de survenue de certains cancers (côlon, sein, en particulier). Comparativement aux femmes ayant les niveaux d’activité les plus faibles, les femmes très actives ont une réduction de 20 % du risque de cancer du sein survenant avant ou après la ménopause.8 Toujours par comparaison à des personnes très inactives, l’application des simples recommandations en activité physique permet de réduire de 8 % le risque de cancer du côlon.8 Ce risque est encore réduit de 8 % pour chaque tranche de 1 heure par semaine d’activité modérée à intense. Il existe une relation curvilinéaire entre l’activité physique et ­l’incidence de pathologies coronariennes, avec une dé­croissance rapide du risque dès les plus faibles intensités d’activité de loisir.9 Le risque de pathologies coronariennes baisse de 14 % dès l’atteinte du minimum recommandé d’activités physiques de loisir. Des résultats similaires sont observés pour le diabète de type 2 avec une réduction non linéaire de son incidence, les effets les plus marqués étant retrouvés chez les sujets initialement les moins actifs.

Sédentarité et facteurs de risque de maladies chroniques

Même si l’on ne dispose que de peu de données épidémiologiques de comportement, on sait maintenant que la sédentarité per se joue un rôle important dans la mortalité globale et/ou l’incidence de pathologies chroniques. On estime entre 5 et 12 % l’augmentation du risque de décès prématuré pour chaque heure passée en position assise, au-delà de 7 heures par jour (fig. 2).10 Regarder la télévision est probablement la forme la plus répandue de sédentarité, surtout pendant les loisirs. Le risque de mortalité prématurée augmente nettement au-delà de 3 heures par jour passées devant le petit écran ; cette relation est retrouvée après ajustement par la qualité des apports alimentaires, la consommation d’alcool, l’indice de masse corporelle, l’apport énergétique, etc. L’ajustement par l’activité physique ne change pas la forme de la relation, suggérant ainsi que les effets négatifs du temps passé devant la télévision ne sont pas expliqués par un faible niveau d’activité physique (fig. 3).11
Chaque augmentation de 2 heures par jour du temps total passé en position assise augmente de 8 % le risque de cancer du côlon, de 10 % le risque de cancer de l’endomètre, et de 6 % le risque de cancer du poumon.8 L’incidence des pathologies cardiovasculaires (cardiomyo­pathies, coronaropathies, etc.), augmente de 15 % par tranche de 2 heures par jour passées devant la télévision.11 Le comportement sédentaire est maintenant considéré comme un facteur de risque important de survenue d’insulinorésistance et de diabète de type 2 ; après ajustement par différents facteurs confondants (sexe, âge, tabagisme, consommation d’alcool, réduction de mobilité, indice de masse corporelle, périodes d’activité physique intense, etc.), on estime que chaque heure passée en position assise au-delà de 7 heures par jour augmente de 22 % le risque de diabète de type 2, et de 39 % celui de syndrome métabolique.12

Conséquences en santé publique

Les résultats de ces différentes études ont des conséquences directes pour la transmission des recommandations et messages de santé publique. Alors que tous les messages recommandent la pratique régulière d’une activité physique, les études citées montrent qu’indé­pendamment du niveau d’activité physique, le temps quotidien passé assis ou devant la télévision a des conséquences négatives sur l’incidence de pathologies chroniques et l’espérance de vie. Si l’activité physique modérée à intense pratiquée plus d’1 heure par jour est susceptible de minimiser et parfois d’annuler les effets propres de la sédentarité sur la mortalité, il est évident que peu d’adultes ont la possibilité de consacrer autant de temps à être physiquement actifs.
Partant de ces constats, il est maintenant impératif d’associer aux recommandations de pratique régulière de l’activité physique des messages forts de réduction de la sédentarité. Cette notion a été prise en considération dans les recommandations pour la population française publiées début 2016,13 et reprises récemment par Santé publique France.14

Recommandations en activité physique

Pour qui ?

Quelle que soit la tranche d’âge de la population générale, chez des personnes indemnes de pathologies chroniques, l’activité physique et la réduction des temps cumulés passés en position assise ou devant la télévision ont des effets additionnels sur la santé.

Quelles recommandations ?

Elles concernent la pratique de l’activité physique associée à la réduction de la sédentarité.13, 14
Activité physique. Il est recommandé de pratiquer 30 min/j d’activité physique développant l’aptitude ­cardiorespiratoire (activités d’endurance) d’intensité modérée à élevée (v. tableau), au moins 5 jours par semaine, en évitant de rester 2 jours consécutifs sans activité. Il convient cependant de ne pas en rester aux recommandations minimales, des bénéfices supplémentaires sur la santé pouvant être obtenus avec une pratique de 45 à 60 minutes par jour.
En complément des activités à visée cardiorespi­ratoire, il est recommandé de réaliser des activités de renforcement musculaire. Ces activités musculaires peuvent être facilement réalisées à domicile lors d’exercices dédiés (utilisation du poids du corps, de bracelets lestés, de bandes élastiques, etc.). On recommande :
– de les réaliser 1 ou 2 fois par semaine avec 2 jours de récupération entre deux séances ;
– de pratiquer 8 à 10 exercices différents impliquant les membres supérieurs et inférieurs, à répéter 10 à 15 fois par série ;
– une intensité de contraction permettant la répétition de 10 à 15 mouvements sans douleur musculaire, avec une pénibilité perçue ne dépassant pas 5 ou 6 sur une échelle visuelle analogique de 0 à 10. Cette intensité doit être adaptée aux caractéristiques individuelles.
Réduction de la sédentarité.Quel que soit le contexte (travail, transport, domestique, loisirs), il est recommandé de réduire le temps total quotidien passé en position assise, et surtout d’interrompre les périodes prolongées passées en position assise ou allongée (activité de type marche avec montée d’escaliers de 3 à 5 minutes, au moins toutes les 90 minutes). Ces conseils prennent toute leur importance chez des personnes exerçant des emplois de bureau à risque de sédentarité.

Sécurité de pratique

Il existe cependant des risques liés à la pratique d’activités physiques, de nature traumatique, cardiovasculaire (mort subite), ou de troubles hormonaux. Le risque de mort subite reste heureusement faible, ces décès étant principalement observés lors de la pratique d’activités sportives d’intensité élevée chez des sujets ayant un ­passé de comportement inactif. D’autres risques sont identifiés, liés à la pratique en atmosphère polluée, aux conditions climatiques chaudes, ou à des accidents affectant l’appareil locomoteur. Cependant, toutes les données épidémiologiques démontrent que ces risques n’ont que des conséquences minimes sur la santé, comparativement aux effets favorables de l’activité physique régulière.

Quelle autosurveillance ?

La mise à l’exercice d’une personne inactive et sédentaire mais sans pathologie détectable nécessite un certain nombre de précautions. Une visite médicale est fortement conseillée, si ce n’est impérative, notamment après 35 ans chez les hommes et 45 ans chez les femmes.
L’intensité des exercices doit être adaptée à la condition physique individuelle et être augmentée de façon progressive. Chaque séance d’activité physique doit comporter une phase d’échauffement de 5 à 10 minutes, une phase d’activité dont les caractéristiques et la durée dépendent de la programmation et des objectifs individuels, une phase de récupération active (de 5 à 10 minutes et de faible intensité), et une phase d’étirements de 7 à 10 minutes. Une attention toute particulière doit être portée sur la tenue vestimentaire et sur le matériel ­utilisé (chaussures, semelles orthopédiques, matériel de sport, etc.).
Un état de fatigue générale, quelques douleurs musculaires, un sentiment de lassitude sont de survenue normale dans les suites d’exercices de longue durée, d’intensité inhabituelle. Toutefois, l’apparition de douleurs musculaires au réveil qui persistent au fil des jours, une sensation de fatigue générale accompagnée d’une somnolence post-prandiale, un endormissement difficile, un sommeil qualifié de mauvaise qualité doivent conduire à alléger le programme d’activité physique.

À tous les âges de la vie

La prévention de survenue des pathologies chroniques repose sur des actions concertées de santé publique ­limitant l’impact des facteurs de risque communs, et applicables à tous les âges de la vie. Les recommandations en activité physique font pleinement partie de ces actions de prévention, auxquelles il faut absolument associer des recommandations spécifiques de lutte contre la ­sédentarité. 
Références
1. Santé publique France. Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (ESTEBAN 2014-2016) – volet Nutrition – chapitre Activité physique et sédentarité. SpF, septembre 2017.
2. Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail. Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA3). Anses, juin 2017.
3. Tremblay M, et le Réseau de recherche sur le comportement sédentaire. Utilisation standardisée des termes « sédentarité » et « comportements sédentaires ». Sci Motricité 2012;77:73-6.
4. ISCA/CEBR report. The economic cost of physical inactivity in Europe. juin 2015. www.west-info.eu ou http://bit.ly/2PSsDQo
5. Hamer M, Chida Y. Walking and primary prevention: a meta-analysis of prospective cohort studies. Br J Sports Med 2008;42:238-43.
6. Arem H, Moore SC, Patel A, et al. Leisure time physical activity and mortality: a detailed pooled analysis of the dose-response relationship. JAMA Intern Med 2015;175:959-67.
7. Booth FW, Roberts CK, Laye MJ. Lack of exercise is a major cause of chronic diseases. Compr Physiol 2012;2:1143-211.
8. Institut national du cancer. Bénéfices de l’activité physique pendant et après cancer. Des connaissances scientifiques aux repères pratiques. Rapport INCa, mars 2017.
9. Sattelmair J, Pertman J, Ding EL, Kohl HW, Haskell W, Lee IM. Dose response between physical activity and risk of coronary heart disease: a meta-analysis. Circulation 2011;124:789-95.
10. Matthews CE, Keadle SK, Troiano RP, et al. Accelerometer-measured dose-response for physical activity, sedentary time, and mortality in US adults. Am J Clin Nutr 2016;104:1424-32.
11. Grøntved A, Hu FB. Television viewing and risk of type 2 diabetes, cardiovascular disease, and all-cause mortality. JAMA 2011;305:2448-55.
12. Van der Berg JD, Stehouwer CDA, Bosma H, et al. Associations of total amount and patterns of sedentary behaviour with type 2 diabetes and the metabolic syndrome: The Maastricht Study. Diabetologia. Diabetologia 2016;59:709-18.
13. Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail. Actualisation des repères du PNNS - Révisions des repères relatifs à l’activité physique et à la sédentarité. Rapport Anses, février 2016.
14. Santé publique France. Recommandations relatives à l’alimentation, à l’activité physique et à la sédentarité pour les adultes. Saint-Maurice : Santé publique France, 2019. www.santepubliquefrance.fr

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Résumé

Le manque d’activité physique (inactivité) est reconnu pour être le deuxième facteur de risque commun de maladies chroniques évitables, après le tabac. On retrouve des relations dose-effet non linéaires entre d’une part le volume et l’intensité de l’activité physique, et d’autre part la mortalité générale et l’incidence des maladies chroniques. La sédentarité, caractérisée par des périodes prolongées de très faible dépense énergétique en situation d’éveil, est aussi en relation avec la mortalité générale et l’incidence de maladies chroniques. Les effets délétères de la sédentarité sont surtout marqués au-delà de sept heures par jour passées en position assise, ou trois heures par jour passées devant la télévision. Toutes les enquêtes épidémiologiques récentes soulignent l’importance d’émettre des recommandations conjointes d’activité physique et de réduction de la sédentarité, et ce pour toutes les tranches d’âge de la population.