La crise sanitaire a mis sous tension le système de santé, mettant en lumière ses atouts et ses failles.
En ville, les généralistes se sont rapidement organisés pour adapter le fonctionnement des cabinets malgré les recommandations hospitalocentrées du gouvernement.
La préconisation initiale d’éviter de se rendre dans les cabinets médicaux a mis à l’arrêt les soins primaires, avec des conséquences sanitaires mais aussi financières pour les médecins comme pour la majorité des actifs de notre pays. Si leur statut économique permettra à la plupart de « s’en sortir », le problème se pose pour les plus précaires, à savoir les médecins libéraux en début d’exercice : remplaçants et jeunes installés.
Les jeunes installés ne percevant pas de ROSP* ni de forfait médecin traitant conséquents, ils n’ont pu bénéficier d’un tel fonds de trésorerie au printemps, à la différence de leurs aînés. Par ailleurs, les installés ont continué le suivi de leurs patients chroniques par téléconsultation selon les recommandations, afin de compenser les difficultés d’accès présentiel aux soins ; la Cnam* a valorisé ces actes en les rémunérant. En revanche, les jeunes ont été privés de cette possibilité, leur patientèle n’étant pas toujours constituée.
Les remplaçants assurent la continuité des soins lors des vacances des installés ou par leur participation non négligeable aux gardes de permanence des soins ambulatoires. Cette activité au sein de cabinets variés permet de construire leur projet d’exercice ambulatoire. Durant la crise sanitaire, les fréquentations en garde ont chuté, et les médecins ont parfois annulé leurs vacances. Les remplaçants ont ainsi été privés du « poumon économique » de leur activité.
Selon un sondage mené par ReAGJIR au mois d’avril, environ 70 % des remplaçants avaient vu au moins un de leur remplacement annulé depuis le début de la crise, contrat signé ou non. Ce chiffre interroge sur la valeur des contrats en termes de droit du travail et sur les recours en cas d’annulation. Pourquoi ne pas créer une clause indemnisant le remplaçant dans certains cas ?
Mais plus encore que leurs contrats, c’est leur statut qui pose question : personne ne connaît le nombre de remplaçants en activité ni leur volume de travail. L’Urssaf* et la Carmf* ne les distinguent pas des installés. La Cnam ne les reconnaît pas, leur activité étant codée au nom de leur remplacé, même avec leur propre CPS*. Les URPS* ne s’en préoccupent pas car ils ne cotisent pas et ne votent pas. Les Ordres vérifient scrupuleusement les liens contractuels avec un installé mais ne peuvent les dénombrer ni les localiser.
Les conséquences ont été multiples : faute de pouvoir travailler indépendamment d’un médecin installé en centre Covid, les remplaçants ont dû recourir à un contrat de médecin adjoint ou assistant pour y débuter. Nombreux sont ceux qui ont dû se passer de contrat par manque de temps ou absence de réponse des CDOM*.
Par ailleurs, à l’heure de la téléconsultation, l’absence d’accès aux télé- services d’Amelipro est un vrai handicap. Comment réaliser un arrêt en ligne sans cela ?
Le paiement des remplaçants se fait avec un décalage inhérent à l’activité et au bon vouloir du remplacé. Ce qui est d’autant plus vrai en période de crise et rend leur situation financière davantage précaire. Enfin, l’indemnisation proposée par l’Assurance maladie ne concernait au départ que les installés. Après négociation, il semble finalement qu’elle puisse être étendue aux remplaçants, même si les modalités ne sont toujours pas définies.
Il est temps que les remplaçants soient reconnus à leur juste valeur ! Percevoir directement leur indemnité de garde, pouvoir accéder à Amelipro via leur CPS, disposer d’une session remplaçant directement utilisable sur les logiciels métier… ces mesures sont essentielles et permettraient de suivre leur activité. Une rémunération complémentaire (comme une ROSP spécifique par exemple) pourrait également leur être proposée.
Si l’impact économique sera probablement moindre pour les médecins que pour d’autres professions, cela ne justifie pas que les plus précaires soient les moins sécurisés.
Remplaçants, installés, libéraux et salariés, tous doivent être traités sur le même pied d’égalité.
* Carmf : Caisse autonome de retraite des médecins de France ; CDOM : Conseil départemental de l’Ordre des médecins ; Cnam : Caisse nationale de l’Assurance maladie ; CPS : carte de professionnel de santé ; ROSP : rémunération sur objectifs de santé publique ; URPS : union régionale des professionnels de santé libéraux ; Urssaf : Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales.