Chine : hausse d’infections virales et des pneumopathies à M. pneumoniae
L’OMS a récemment alerté sur l’augmentation d’infections respiratoires pédiatriques en Chine depuis le mois d’octobre. En particulier, le 22 novembre, des données recueillies par ProMED (le plus vaste programme de surveillance de maladies infectieuses émergentes au niveau mondial, mis en place par l’International Society for Infectious Diseases) ont montré des clusters de pneumopathies dans des hôpitaux du nord du pays.
À la suite de ces informations, l’OMS a fait une demande officielle auprès des autorités chinoises pour avoir des données épidémiologiques et cliniques plus précises. Le 23 novembre, ces dernières ont ainsi rapporté :
- une augmentation des consultations en ville et des admissions à l’hôpital pour des infections respiratoires pédiatriques, attribuées principalement à des virus comme le SARS-CoV- 2, le VRS, les adénovirus et les virus influenza depuis octobre, et à Mycoplasma pneumoniae depuis le mois de mai ;
- ces augmentations surviennent plus tôt dans l’année que par le passé, mais elles ne sont pas inattendues, en particulier avec l’arrivée de la saison froide ; les autorités chinoises les attribuent à la levée des mesures barrières contre le Covid- 19 ;
- aucun changement dans la tableau clinique de ces pneumopathies n’a pour l’instant été détecté ;
- à ce jour, aucun agent pathogène nouveau n’a été décelé parmi ces infections.
Pour le moment, l’OMS n’a donc pas mis en place des recommandations spécifiques de restriction de voyages depuis et vers la Chine – en dehors des préconisations de bon sens d’éviter les voyages en présence de symptômes.
Et en France ?
La surveillance syndromique Sursaud mise en place par Santé publique France fait état d’une hausse, en semaine 46 (13 au 19 novembre) des passages aux urgences et des actes SOS Médecins chez les < 15 ans pour les pathologies respiratoires : + 30 % environ pour pneumopathies, bronchites et autres pathologies ORL, ainsi que pour les bronchiolites chez les < 2 ans, et des hausses de 24 % et 44 % pour grippe et Covid respectivement, par rapport à la semaine précédente.
Comparée à la même saison de l’année précédente, la part des pneumopathies parmi les passages aux urgences chez les < 15 ans a considérablement augmenté (fig. 1), ainsi que parmi les actes SOS Médecins (fig. 2).
Néanmoins, cette surveillance ne renseigne pas sur les causes de ces pneumopathies. Si des données ponctuelles provenant de certains services hospitaliers et pédiatres libéraux – relayées par la presse grand public – indiquent une augmentation des infections par M. pneumoniae, aucune investigation d’envergure nationale n’a pour l’instant permis de confirmer la part de cette bactérie dans la hausse générale des pneumopathies observée.
Pourquoi une recrudescence de M. pneumoniae ?
L’incidence globale des infections par M. pneumoniae a chuté pendant la pandémie de Covid (1,69 % en 2020 - 2021, contre 8,61 % entre 2017 et 2020), précise un groupe de chercheurs ayant instauré une surveillance internationale de ces infections, dans une lettre publiée hier dans le Lancet Microbe .
Cette diminution, probablement due aux mesures barrières et autres restrictions de la période, s’est prolongée, l’incidence restant à un faible niveau en 2022. La surveillance a néanmoins montré une réémergence de cette bactérie en Europe et en Asie ces derniers mois. Le caractère retardé de cette réémergence étonne les chercheurs puisque, contrairement à d’autres pathogènes respiratoires, elle survient longtemps après la levée des mesures barrières pandémiques.
Une immunité collective transitoire due aux épidémies de M. pneumoniae survenues entre avril 2019 et mars 2020 dans plusieurs pays européens et asiatiques est l’une des hypothèses qui pourrait expliquer ce phénomène. En effet, des données recueillies précédemment indiquent un intervalle de 1 à 3 ans entre les épidémies dues à cette bactérie. Or, d’après ces chercheurs, un déclin des anticorps IgM et IgG spécifiques contre M. pneumoniae a été observé dans des sérologies examinées dans plusieurs pays depuis 2022, suggérant un déclin de l’immunité collective.
Dans les pays où M. pneumoniae est réapparu ces derniers mois, le nombre de cas est comparable aux chiffres prépandémiques (endémiques), notent les auteurs. « La progression et la gravité de cette résurgence sont difficiles à prévoir et on ne sait pas encore si elle entraînera une augmentation des formes graves et des manifestations extrapulmonaires en raison du manque d’exposition [à cette bactérie ces dernières années] ».
Pour le Pr Bruno Lina (CNR des virus des infections respiratoires), « cette flambée de M. pneumoniae n’a rien d’exceptionnel ». Interviewé par Le Parisien , il évoque également l’hypothèse d’un possible « rattrapage [de] la dette immunitaire » et confirme que la recrudescence est également constatée en France mais « le signal est faible ».
Que faire en pratique ?
Bactérie à transmission interhumaine aéroportée, M. pneumoniae peut être responsable de pneumopathies communautaires (milieu familial ou scolaire). Touchant préférentiellement le sujet jeune (5 - 20 ans), l’infection est rarement sévère (mortalité < 2 %).
Le tableau clinique est caractérisé par une évolution « traînante » (3 à 4 semaines) : « Cliniquement, cela débute souvent par le nez qui coule, de la toux, un mal de gorge, des maux de tête, une fièvre élevée, parfois une détresse respiratoire ou une respiration plus rapide que d’habitude. Normalement, la guérison se fait spontanément en deux semaines. Mais, dans de rares cas, les symptômes persistent et provoquent une pneumonie qui nécessite d’être prise en charge, notamment avec des antibiotiques », explique le Dr Emmanuel Piednoir (chef du service d’infectiologie, CH Avranches-Granville), interviewé par La Croix . L’absence de paroi rend le mycoplasme naturellement résistant aux pénicillines, mais il est sensible aux macrolides et aux fluoroquinolones.
Des symptômes perdurant plus de 2 semaines doivent donc alerter. Enfin, des signes extrathoraciques peuvent également être associés : éruption cutanée, manifestations neurologiques ou cardiaques.
Santé publique France. Bulletins SURSAUD® (SOS médecins, OSCOUR, Mortalité). 22 novembre 2023.
Meyer Sauteur PM, Beeton ML.Mycoplasma pneumoniae: delayed re-emergence after COVID-19 pandemic restrictions. Lancet Microbe 23 novembre 2023.