Elle peut s’intégrer dans une prise en charge plus globale, à la fois médicamenteuse, parfois orthoptique et psychologique.
Son objectif est de corriger les troubles de l’équilibre ou les vertiges en rapport avec une pathologie vestibulaire ou avec une mauvaise intégration des informations sensorielles. Selon l’affection en cause, elle vise à restaurer une fonction physiologique normale, favoriser des processus suppléant le déficit vestibulaire, corriger certaines erreurs de compensation, gérer les conflits sensoriels. Enfin, elle apporte un soutien psychologique dans certains troubles de l’équilibre de type phobique.
Le principe est de mettre à profit la plasticité neuronale pour pallier un déficit fonctionnel en utilisant le reliquat et des informations non vestibulaires. Elle doit être prudente pour ne pas induire de nouveaux troubles par une surcompensation conduisant à une dépendance sensorielle, notamment visuelle.
Au préalable sont indispensables : interrogatoire, examen clinique vestibulaire, vidéonystagmographie, voire explorations plus poussées du système otolithique (potentiels évoqués) ou des stratégies d’équilibre (posturographie ou analyse de la posture en situation statique et dynamique).
En cas de destruction vestibulaire uni- ou bilatérale, partielle ou complète, potentiellement irréversible, son objectif est d’utiliser les autres structures sensorielles : « adaptation-substitution ».1 Lorsque les réponses sont exagérées, la réhabilitation vise l’ « habituation ».1 Enfin, si les informations vestibulaires sont sous-utilisées, elle met en jeu la « sensibilisation ».1

Restauration d’une fonction physiologique

Le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) est dû au déplacement des cristaux de la membrane otoconiale au niveau des canaux semi-circulaires. Les manœuvres manuelles visent à restaurer une fonction canalaire normale en évacuant ces otolithes. Ce n’est pas une rééducation au sens strict, car elle n’agit pas sur des processus de compensation, mais un véritable acte thérapeutique fait par les ORL, voire les kinésithérapeutes spécialisés. Ils sont parfois sollicités par le médecin traitant ou directement par le patient.
Attention aux pièges : tous les vertiges positionnels ne sont pas des VPPB. Ils peuvent être l’expression de pathologies pressionnelles ou de certaines affections vasculaires aiguës plus graves.2 Les manœuvres pouvant exposer à des complications de type dissection de l’artère vertébrale, il ne faut pas les banaliser. Le plus souvent, bien adaptée en fonction du siège de l’atteinte (canal postérieur, plus rarement horizontal), une seule suffit, suivie de conseils posturaux. L’échec peut conduire à la renouveler. Il en est de même des fréquentes récidives.
Après un vertige positionnel, certains patients décrivent la persistance d’une instabilité, d’une sensation de flottement, de tangage, l’impression de ne plus être comme avant : on parle de syndrome otolithique post-VPPB. Une rééducation vestibulaire peut être utile. Il ne faut pas négliger le rôle joué par l’anxiété.

Déficit vestibulaire unilatéral

Sa survenue brutale (névrite vestibulaire, labyrinthite, fracture du rocher) entraîne une grande crise de vertige avec un nystagmus périphérique dont le sens est opposé au côté déficitaire et des déviations posturales (Romberg, marche aveugle) de ce même côté. Des mécanismes de compensation spontanés permettent le retour d’un équilibre normal et la disparition du nystagmus. Toutefois, si le déficit persiste, ce dernier réapparaît au test de secouage de tête (Head Shaking Test). Des troubles de l’équilibre sont aussi décrits lors des rotations rapides de la tête, par défaut de stabilisation des yeux, vers le côté déficitaire. À la marche, le patient peut se sentir instable et avoir le sentiment de dériver. En phase aiguë, la rééducation a peu de place.
Dès que les vertiges sont moins intenses, la mobilisation précoce est la meilleure thérapie, la compensation physiologique est obtenue en moyenne en 8 semaines. La rééducation est systématique si les symptômes persistent au-delà de 6-8 semaines et rapidement initiée chez les sujets susceptibles d’avoir des difficultés de compensation (personne âgée peu mobile, troubles visuels). Le kinésithérapeute effectue un travail postural pour « reparamétrer » les informations provenant des centres vestibulaires ; de stabilisation du regard pour « reprogrammer » la coordination œil-tête ; et giratoire (fauteuil rotatoire) pour diminuer la sensibilité vestibulaire du côté sain. La sensibilisation nécessite une déstabilisation proprioceptive (exercices sur tapis mousse) et visuelle (stimulation optocinétique : le patient placé dans l’obscurité doit maintenir son équilibre tandis qu’on fait défiler devant lui des points lumineux ; le but est de diminuer la dépendance visuelle au profit de l’information somatosensorielle, encadré).
À distance d’un tel épisode, l’asymétrie vestibulaire peut décompenser : le patient qui allait bien ressent une instabilité, souvent favorisée par l’âge avancé. Les principes de la rééducation sont les mêmes.
Autre cause de déficit : l’hydrops comme dans la maladie de Menière est aussi source de déficit vestibulaire souvent incomplet. La rééducation ne prévient pas les crises, mais a sa place pour traiter les conséquences de l’hyporéflexie vestibulaire unilatérale chronique.

Déficit bilatéral

La presbyvestibulie désigne l’atteinte cochléovestibulaire liée au vieillissement. Lors des mouvements de la tête dans le plan des canaux déficitaires, l’œil n’est pas stabilisé : il se produit un glissement rétinien et donc une sensation de vertige. L’instabilité est fréquente à la marche, dès que le patient lève ou tourne la tête. La rééducation repose sur la répétition de mouvements céphaliques qui, à défaut de restaurer la fonction vestibulaire, privilégie les connections cervico-oculaires pour stabiliser le regard.
En cas de déficit complet bilatéral (traitement ototoxique, pathologie auto-immune, fracture du rocher bilatéral), le signe majeur est l’oscillopsie (sensation d’environnement instable à la marche), et l’examen confirme une ataxie vestibulaire majorée à la fermeture oculaire. S’il ne persiste que les informations visuelles et proprioceptives, les symptômes sont aggravés lorsque les unes ou les autres sont perturbées (stimulation optocinétique, l’obscurité supprimant les entrées visuelles ; sol mou, « apesanteur » en piscine diminuant les informations proprioceptives). La réédu-cation permet au patient d’anticiper ce qui peut arriver (apprécier la hauteur des marches, réagir à des poussées déséquilibrantes…). Cette vigilance accrue d’anticipation est extrêmement fatigante.

Erreurs de compensation

La vision étant le principal sens concret (par rapport à l’analyse des accélérations par le vestibule ou des sensations proprioceptives), elle devient souvent prépondérante dans les stratégies d’équilibre. Les troubles résultent alors d’une dépendance visuelle. Dans le syndrome d’omission vestibulaire, fréquent chez la personne âgée, le vestibule fonctionne, mais les informations ne sont pas utilisées (le bilan initial est donc normal). Typiquement, les patients décrivent des sensations d’instabilité dans la foule, liées aux mouvements de l’environnement, dans le métro, dans l’obscurité, parfois sur la route lors du défilement du paysage. La stimulation optocinétique permet de « prendre conscience » que la vision peut être déstabilisante.

Conflits sensoriels

Depuis une dizaine d’années, la rééducation vestibulaire est proposée pour la prise en charge du mal des transports.3 Un des mécanismes physiopathogéniques de la cinétose est la notion de conflit sensoriel : les informations visuelles, proprioceptives et vestibulaires ne sont pas concordantes, et le système d’intégration centrale est incapable de gérer cette situation. La rééducation vise à diminuer la sensibilité des capteurs vestibulaires via un travail giratoire et une stimulation optocinétique.

En pratique

D’une façon générale, le kinésithérapeute adapte son programme en fonction de différents paramètres : renseignements fournis par le médecin (trouble aigu, chronique, diagnostic connu ou non), résultats du bilan, état (en crise aiguë ou non), âge, sensibilité à la technique utilisée. Ce dernier point est capital : les séances de rééducation sont parfois très éprouvantes pour le sujet et nécessitent son adhésion et le respect d’un travail par étapes selon sa tolérance. Le rythme habituel est de 1 séance hebdomadaire (2 dans les cas de névrites), pendant 10 à 30 semaines en moyenne. Le patient est encouragé à faire des exercices à domicile. Un travail de renforcement musculaire est parfois associé.l
Encadre

Quelles techniques, quels outils ?

Confortable et sûr pour éviter tout déplacement du sujet lors des exercices de rééducation, il comprend un appui-tête, une ceinture et un cale-pieds. Les vitesses de rotation varient de 10°/s à 400°/s. Il est utilisé pour symétriser la réponse des vestibules en augmentant la fixation visuelle.

Le patient est debout, à une distance de 2 m d’une surface où sont projetées des stimulations lumineuses dans l’obscurité, par l’intermédiaire d’un générateur de lumière sphérique percé d’orifices. Ce dernier combine les déplacements des sources lumineuses dans les 3 plans de l’espace à une vitesse variable, de quelques degrés jusqu’à 120°/s.

Objectif : développer l’utilisation des informations proprioceptives et vestibulaires en abandonnant l’entrée visuelle, trompeuse et source de chutes.

C’est une barre sur laquelle est située une rangée de diodes électroluminescentes. Le déplacement des sources lumineuses sur celle-ci permet de reproduire différents types de mouvements oculaires, suivant un axe horizontal ou vertical (poursuite oculaire lente, coordination des yeux et de la tête…). Cette technique améliore la stabilisation du regard, essentielle au contrôle de l’équilibre.

Le sujet est debout sur un support instable, type tapis-mousse ou mini-trampoline. Le maintien de son équilibre le contraint à développer l’entrée proprioceptive et à augmenter les performances somatosensorielles.

références
1. Sauvage JP. Réhabilitation vestibulaire : bilan et méthodes. In: Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation. Paris: Elsevier Masson; 2014.

2. Saxena A, Prabhakar MC. Performance of DHI score as a predictor of benign paroxysmal positional vertigo in geriatric patients with dizziness/ vertigo: a cross-sectional study. PLoS One 2013; 8(3):e58106.

3. Bonne L, Loaec E, Aupy B, Augowet G, Maffert A, Vaillant PY. Cinétose. EMC (Elsevier Masson SAS Paris), Oto-rhino-laryngologie 2016;12:1-5 [Article 20-201-A-10].

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essentiel

La rééducation vestibulaire s’adresse aux troubles de l’équilibre résultant d’un dysfonctionnement vestibulaire ou de l’intégration anormale des diverses informations sensorielles.

Elle utilise la plasticité neuronale pour soit développer des processus d’adaptation, soit contrôler une hypersensibilité sensorielle, soit réactiver un système sous-utilisé.

➜ ➜ Ses résultats sont habituellement très bons dans les déficits vestibulaires complets unilatéraux et la correction des dépendances visuelles.➜ Dans la maladie de Menière, elle ne prévient pas les crises mais apporte du confort vis-à-vis de l’instabilité chronique liée au déficit vestibulaire.