Le Haut Conseil de la santé publique vient de publier des recommandations pour guider les professionnels de santé, et en particulier les médecins généralistes, dans la prise en charge des populations migrantes en provenance d’Ukraine.
Les Ukrainiens arrivant en France peuvent faire la demande d’une protection temporaire qui permet d’ouvrir rapidement des droits à la protection universelle maladie.
Par ailleurs, les tests de dépistage du Covid-19 (PCR ou antigénique) sont intégralement pris en charge par l’assurance maladie obligatoire, y compris lorsqu’ils sont réalisés sans prescription médicale pour des personnes ne disposant pas d’un schéma vaccinal complet.
Traiter l’urgence
Priorité aux soins d’urgence : évaluer les signes évocateurs d’une maladie infectieuse transmissible (toux, fièvre et/ou diarrhée en particulier), les besoins immédiats (violences subies, troubles psychiques), prévenir les risques de rupture médicamenteuse (diabète, anticoagulant, contraception…) ou de perte de dispositifs médicaux (lunettes, appareils auditifs…). Un suivi de grossesse doit être mis en place pour les femmes enceintes ; les nourrissons doivent être pris en charge en centre de PMI et recevoir des couches et du lait.
Rattrapage vaccinal
Concernant la vaccination contre le Covid, mi-février, seulement 35,6 % de la population ukrainienne avait un schéma vaccinal complet (1,7 % un rappel).
– Si aucune information n’est disponible, ou si la vaccination a été faite avec un vaccin non reconnu par la France (ou par l’Union européenne), ou en l’absence de preuve vaccinale, proposer la réalisation d’un TROD : en cas de positivité, réaliser une dose unique de vaccin à ARNm ; en cas de négativité, proposer un schéma vaccinal complet.
– Pour les personnes migrantes avec antécédents documentés d’infection et/ou de vaccination : appliquer les recommandations en vigueur sur le territoire national (tableau ci-dessous).
Santé publique France a mis à disposition plusieurs documents traduits en ukrainien et en russe concernant l’accès aux soins et à la prévention ainsi que les gestes de prévention, les tests et la vaccination proposée en France aux adultes et enfants.
Il faut être vigilant quant aux autres maladies infectieuses, particulièrement la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la rougeole (ROR), la couverture vaccinale étant faible – surtout dans certaines régions. La tuberculose est un problème majeur : l’Ukraine est le 2e pays dans le monde pour le nombre de cas, avec un pourcentage élevé de tuberculose résistante et de co-infection VIH/TB. Ainsi, le HCSP demande d’assurer son dépistage et de réaliser une radio pulmonaire précoce (cf. recos de la Spilf que nous avons déjà traitées ici).
Pour les personnes à jour de leur vaccination (calendrier ukrainien, traduit ici), programmer les vaccins complémentaires et les rappels selon le calendrier vaccinal français. C’est le cas des vaccinations méningocoque C, pneumocoque conjugué et HPV qui sont absents du calendrier vaccinal ukrainien.
En cas de statut vaccinal incomplet, le HCSP appelle à ne pas tenir compte des éventuelles vaccinations antérieures sans preuve vaccinale et donc à effectuer les rattrapages, en priorité DTP, DTPCa ou DTPCaHib selon l’âge, le ROR pour les personnes âgées de 1 an et plus nées après 1980. La vaccination BCG doit être également prévue selon l’âge, en l’absence de cicatrice vaccinale.
Veiller à la santé mentale
Seconde priorité après la vaccination : dépister le risque de syndrome de stress post-traumatique, le risque suicidaire et d’éventuelles violences subies, et organiser un soutien psychologique précoce. Les médecins peuvent adresser les patients aux cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP), aux équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP) et aux centres médico-psychologiques (CMP).
Rendez-vous santé dans les 4 mois
Le HCSP préconise qu’un « rendez-vous santé » soit instauré (comme pour tous les migrants) dans les 4 mois suivant l’arrivée en France, dans un but d’information et de bilan. La priorité doit être donnée aux enfants pour l’entrée à l’école, effective dès leur arrivée sur le territoire français. Cependant, la réalisation des dépistages et du rendez-vous santé ne doit pas constituer un préalable à l’admission à l’école.
Par ailleurs, le HCSP suggère de regrouper tous les avis et recommandations sur un même site ; il plaide aussi pour la numérisation des données médicales afin de permettre leur traçabilité.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
D’après : HCSP. Enjeux de santé publique et rendez-vous santé pour les personnes migrantes en provenance des zones de conflits en Ukraine. 28 mars 2022.
À lire aussi : Nobile C. Réfugiés ukrainiens : les recos de la Société de pathologie infectieuse.Rev Prat (en ligne) 18 mars 2022.