Ce trouble – qui recouvre des situations variées (anxiété en classe, retards, absentéisme partiel ou complet…) – est en augmentation depuis la pandémie. En médecine générale, il s’agit d’éliminer les diagnostics différentiels, repérer les troubles associés et les situations urgentes (harcèlement…) et bien orienter les jeunes.

La prévalence est évaluée entre 1 et 5 % des consultations de pédopsychiatrie mais ce chiffre reste controversé. En effet, ce trouble recouvre de nombreuses manifestations telles que l’anxiété en classe, le fait d’arriver en retard au cours et l’absentéisme partiel ou complet.1 Selon la définition d’Ajuriaguerra (1974), il s’agit « d’enfants qui pour des raisons irrationnelles refusent d’aller à l’école et résistent avec des réactions d’anxiété très vives ou de panique quand on essaie de les y forcer ». L’école sollicite des remaniements cognitifs, affectifs et identitaires, pouvant révéler des difficultés individuelles, familiales ou liées à l’environnement scolaire. L’allongement de la durée de la scolarité obligatoire, la pression de réussite scolaire et un meilleur dépistage pourraient expliquer l’augmentation de la prévalence.2 On constate une augmentation depuis la pandémie de Covid, car les élèves ont vécu une autre manière de suivre l’enseignement (depuis chez soi). Pour ceux qui avaient déjà une anxiété scolaire importante, parfois le retour en présentiel n’a pas pu se faire.

La classification du DSM- 5 distingue deux types de refus scolaire :

  • le premier, associé à l’angoisse de séparation, est dominé par une préoccupation de l’enfant par rapport à ses parents ;
  • le second, lié à la phobie sociale, s’explique par la crainte du jugement d’autrui.

Comment le repérer ? 

Un événement déclenchant est souvent retrouvé : harcèlement (dans l’enceinte de l’école, sur le trajet ou via les réseaux sociaux), changement d’établissement ou d’orientation (par exemple : arrivée au collège, passage en seconde, déménagement), maladie ayant entraîné une absence prolongée de l’école.

Des rationalisations variées sont évocatrices : l’enfant dit ne pas refuser le travail scolaire mais déclare s’ennuyer, souhaite éviter un enseignant, un camarade ; il demande des aménagements au domicile… Les manifestations anxieuses sont multiples : somatisations (exemple : maux de ventre la veille de la rentrée), attaques de panique, phobie des transports, angoisse de séparation ou de performance ; elles peuvent aller jusqu’à restreindre la vie à l’espace familial. Les symptômes dépressifs sont fréquents. Parfois, des troubles du comportement sont associés : l’adolescent, inhibé et craintif à l’extérieur, peut se montrer exigeant et tyrannique dans le milieu familial.3

Diagnostics associés ou différentiels

Stress post-traumatique. On doit toujours rechercher un événement traumatique (violences subies à l’école, sur le trajet…) potentiellement causal. Une phrase simple permet d’aborder cette question : « Est-ce que quelqu’un t’a fait du mal ? ». Le sentiment d’avoir été en danger de mort, des reviviscences, une hypervigilance ou une dissociation sont évocateurs.

La dépression est une comorbidité fréquente (13,9 %).4 Chez l’enfant, elle est le plus souvent liée à une difficulté familiale (conflits conjugaux, séparation parentale, déménagement, perte d’emploi d’un parent, maladie d’un proche) et s’accompagne d’une tristesse et d’un ralentissement. À l’adolescence, la tristesse peut être masquée par une hostilité. L’attitude rigide ou contestataire d’un ado doit amener le consultant à s’enquérir d’un éventuel vécu dépressif. Une psychothérapie est proposée en première intention.

Phobie sociale. Les parents décrivent un enfant qui a toujours été timide, et le jeune se déclare plus à l’aise aux côtés d’amis en nombre restreint. La crainte du jugement d’autrui entrave l’intégration à un nouveau groupe. Tout changement d’établissement confrontant à la nécessité de rencontrer de nouveaux camarades est un calvaire. Certains adolescents restreignent leurs rencontres amicales et amoureuses à la sphère d’internet, la distance de ces relations virtuelles les soulageant temporairement du regard d’autrui.

Ne pas méconnaître une schizophrénie. En effet, un repli social associé à un absentéisme scolaire peut être le mode d’entrée dans une psychose. À l’inverse, l’absence d’élément délirant ou dissociatif, le maintien de relations sociales avec un petit nombre d’amis « de confiance » et l’amélioration du contact face à un seul intervenant sont en faveur des symptômes phobiques.

Comment le comprendre ?

Lorsque l’enquête ne révèle aucun événement ni diagnostic associé, le refus scolaire anxieux apparaît isolé. Plusieurs mécanismes psychologiques seraient en jeu. Vers 11 - 12 ans s’opèrent deux acquisitions : le passage à la pensée abstraite et la sexualisation de la pensée. Face à ces bouleversements, les adolescents peuvent se trouver temporairement bloqués dans une incapacité à penser. Certaines situations familiales sont plus « à risque » :

  • un besoin d’ascension sociale des parents peut induire une appréhension de l’échec scolaire chez l’enfant, allant jusqu’au blocage (angoisse de performance) ;
  • un décalage entre les attentes parentales et le désir d’orientation scolaire de l’adolescent peut l’inciter à éviter l’école plutôt que de risquer de décevoir ses parents ;
  • un parent malade ou ayant un trouble psychique (agoraphobie, anxiété, dépression) provoque souvent une insécurité chez l’enfant à l’origine d’une hyperdépendance et d’une angoisse de séparation ;
  • une vie familiale autarcique, marquée par la crainte du monde extérieur, suscite chez le jeune une même méfiance à l’égard de l’école et de ses pairs.

Pour tous les parents, l’équilibre entre protection et soutien à l’autonomie de l’adolescent est délicat à trouver. Grandir est une prise de risque, et les inquiétudes de certains jeunes trouvent chez leurs géniteurs un écho intense. L’adolescent ressent alors plus vivement l’appréhension que la confiance qu’ils lui portent.

Construction identitaire et aspects transculturels. Le refus scolaire anxieux peut traduire la difficulté de certains adolescents à penser les différentes influences qui les traversent. Les classes d’orientation (par exemple : la seconde, la terminale) nécessitent une capacité à faire des choix pour soi-même et non pour faire plaisir ou s’opposer à ses parents. Chez les enfants d’immigrés, la réussite scolaire est parfois vécue comme une perte de l’identité familiale. Éviter l’école, c’est s’opposer au désir d’intégration des parents et revendiquer une culture d’origine réduite au silence.5

Quelle prise en charge ?

Quelle que soit la raison initiale de la déscolarisation, une perte de confiance s’installe rapidement. Un préalable à la reprise scolaire est donc le retour à une relative stabilité émotionnelle.

Le généraliste est un interlocuteur clé du dialogue entre la famille et l’établissement scolaire. En effet, ces difficultés sont encore souvent considérées par les adultes comme de la paresse ou la conséquence d’une éducation laxiste. L’accueil réservé à un élève en reprise progressive par les professionnels de l’école peut alors soutenir ou compromettre son retour en classe. Le traitement est souvent long et décevant. Les retours en classe oscillent entre 40 et 60 %. Le pronostic est lié à l’âge (plus l’âge augmente, moins il est bon) et la rapidité de la reprise scolaire. À 10 ans de suivi, 30 % des patients ont un trouble anxieux, dépressif ou de la personnalité. À l’âge adulte, une angoisse de séparation, des difficultés professionnelles ou un repli social persistent fréquemment.

S’il est possible de remédier à des refus scolaires « mineurs » en pratique libérale, le secteur de psychiatrie infanto-juvénile et les maisons des adolescents coordonnent les prises en charge complexes. Une équipe pluridisciplinaire y travaille en partenariat avec les autres acteurs du monde de l’enfance (éducation nationale, services sociaux, services de justice). Ce dispositif permet d’allier des soins ambulatoires en institution à temps partiel (centre d’accueil thérapeutique à temps partiel, CATTP, hôpital de jour) ou à temps plein. La prise en charge associe le jeune, sa famille et l’école. Les objets de médiation (thérapie groupale, ateliers centrés sur une activité favorisant la convivialité et le partage d’expérience) et l’étayage plurifocal (infirmiers, psychiatres, éducateurs, psychologues…) visent la relance du plaisir de penser du jeune avant de commencer une psychothérapie individuelle. Manifester de l’intérêt pour les coutumes qui régissent la vie à l’école, à la maison et dans le pays d’origine permet de mesurer le conflit de loyauté que vivent certains.

Si le traitement médicamenteux n’est jamais indiqué en première intention, les anxiolytiques sont parfois prescrits à court terme pour limiter les symptômes.

Un antidépresseur peut se justifier en raison de la fréquence des troubles dépressifs associés, malgré l’efficacité décevante des ISRS chez l’enfant. La guidance des parents favorise la prise de conscience du lien anxieux installé dans les interactions familiales (entretiens conjoints parents-adolescent, thérapie individuelle pour l’un des parents, approche systémique du groupe familial). Un partenariat étroit est nécessaire avec l’Éducation nationale. Un arrêt scolaire est prescrit, puis un projet d’accueil individualisé (PAI) est établi, pour une reprise scolaire allégée. Plutôt que de retirer des demi-journées fixes dans la semaine, le maintien d’une ou deux des matières préférées de l’élève est privilégié. Un service d’assistance pédagogique à domicile (SAPAD) peut être proposé par l’établissement scolaire. Initialement pensé pour des élèves ayant des maladies somatiques, cette aide est de courte durée (2 à 4 heures par semaine durant quelques semaines).

Le suivi en consultation ambulatoire est réservé aux refus scolaires récents et doit être limité dans le temps. À un stade plus avancé (chronicisation ou anxiété parentale massive), une prise en charge en hôpital de jour ou une hospitalisation programmée peuvent s’avérer nécessaires (la séparation d’avec la famille est un levier thérapeutique). Enfin, une admission en internat de soins-études est possible pour les jeunes suivis au long cours (http ://www.fsef.net/index.php/soins-etudes-insertion/soins-etudes).

En définitive, le décalage entre temporalité scolaire et psychique est souvent important. Le soin se situe donc à michemin entre un retour rapide en milieu scolaire et l’attente de relance du plaisir de penser.

Qu’en retenir ?

Ce trouble recouvre des situations variées et volontiers intriquées (dépression, phobie scolaire).

En consultation de médecine générale, il est essentiel :

  • d’éliminer des diagnostics différentiels somatiques (anémie ferriprive…) ;
  • de repérer les situations nécessitant un changement immédiat de l’environnement scolaire ou familial (harcèlement, violences…) ;
  • de favoriser l’orientation vers un pédopsychiatre à même de prendre en charge un trouble associé (dépression…).

Références
1. Kearney CA. School absenteeism and school refusal behavior in youth: a contemporary review.  Clin Psychol Rev 2008;28:451-71.
2. Catheline N. Psychopathologie de la scolarité : de la maternelle à l’université. Paris: Masson 2007.
3. Marcelli D, Braconnier A, Tandonnet L. Adolescence et psychopathologie. Paris: Elsevier Masson 2013.
4. Egger HL, Costello JE, Angold A. School refusal and psychiatric disorders: a Community Study.  J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2003;42:797-807.
5. Benoit L, Barreteau S, Moro MR. Phobie scolaire chez l’adolescent migrant, la construction identitaire dans une approche transculturelle.  Neuropsychiatr Enfance Adolesc 2015;63(2):84-90.
Pour en savoir plus :
Association phobie scolaire. École, quand la phobie prend le dessus. Paris: Josette Lyon 2016: 384 p.

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