Le développement de la réhabilitation psychosociale a ouvert de nouvelles perspectives en matière de prise en charge des personnes ayant une schizophrénie et, plus largement, un trouble mental sévère ou un trouble du spectre de l’autisme. Les pratiques et les outils de soins spécifiques de la réhabilitation psychosociale visent le renforcement des capacités de décision et d’action de ces personnes, en faveur de leur autodétermination. En se décentrant des manifestations symptomatiques au profit des processus préservés, la réhabilitation psychosociale soutient leur rétablissement. Elle tient compte de la nature et de la complexité des difficultés et des besoins de chacun, respecte ses choix et s’appuie sur ses capacités préservées. Une amélioration de la connaissance de soi et une meilleure exploitation de ses propres possibilités favorisent l’inclusion sociale. Alors que certains outils thérapeutiques très spécifiques de la réhabilitation psychosociale ne sont proposés que par des structures spécialisées, tous les professionnels de la santé mentale doivent adopter une pratique orientée vers le rétablissement* (tableau 1 ).1-3
Réhabilitation psychosociale et rétablissement
L’objectif de la réhabilitation psychosociale est de permettre aux personnes ayant des troubles mentaux, d’une part, d’identifier leurs possibilités afin de pouvoir les exploiter au mieux et limiter ainsi l’impact de leurs difficultés et, d’autre part, de développer de nouvelles capacités. Cette approche positive favorise l’accès à des occupations ou à des responsabilités qui se seraient avérées inaccessibles sans elle. Accroître de la sorte le contrôle qu’elles exercent sur leur propre trajectoire restaure l’estime d’elles-mêmes de ces personnes et leur fournit un regain d’espoir. Cette combinaison fructueuse peut leur permettre d’accéder à une place sociale plus valorisée, de mieux faire valoir leurs prérogatives de citoyen et de définir leur propre avenir.
En favorisant le rétablissement fonctionnel, la réhabilitation psychosociale a un impact favorable sur le rétablissement personnel – que définit la personne elle-même et qui représente la finalité de toute prise en charge (v . le tableau 2 au sujet des différentes modalités du rétablissement). L’existence d’un lien étroit entre le rétablissement fonctionnel et le rétablissement personnel est étayée par des témoignages d’usagers rétablis, qui ont pointé le rôle majeur joué par la prise de conscience de leurs capacités.4 Au total, si les trois modalités objectivables du rétablissement – fonctionnelle, clinique et sociale – contribuent au rétablissement personnel dans des proportions variables selon les personnes, la partie subjective des déterminants du rétablissement n’est, en revanche, pas objectivable.
Le rétablissement personnel dépend de cinq dimensions :5
– les liens sociaux ;
– l’espoir, favorisé par l’atteinte des objectifs définis par la personne ;
– l’identité, qui consiste en ce cas à ne pas se définir par sa maladie tout en acceptant qu’elle fasse partie de soi ;
– la définition d’un sens donné à l’existence ;
– l’acceptation du rétablissement.
Les prises en charge orientées vers le rétablissement agissent sur ces cinq dimensions :
– la remédiation de la cognition sociale et toutes les mesures favorisant la réussite d’activités collectives répondent au besoin de socialisation ;
– l’espoir et l’atteinte d’objectifs propres sont soutenus par toutes les mesures de réhabilitation psychosociale ayant un impact sur la modalité fonctionnelle ;
– l’identité dépend des actions de déstigmatisation et des mesures psychothérapiques favorisant la redéfinition de soi ;
– la définition du sens de son existence relève de la construction d’un projet propre (objectif du projet de suivi individualisé et du plan de rétablissement) ;
– enfin, toutes les mesures favorisant l’appropriation du concept de rétablissement lui sont favorables.
Le choix des interventions de réhabilitation psychosociale dépend des priorités définies par la personne et de sa progression dans les différentes dimensions et modalités du rétablissement. En effet, répondre aux besoins des personnes et leur permettre d’exploiter au mieux leurs capacités sont deux clés des prises en charge orientées vers le rétablissement.6 Les mesures de réhabilitation psychosociale les plus efficaces prennent en compte les objectifs propres des personnes.7 Adopter une posture orientée rétablissement (tableau 1 ) est non seulement favorable en soi mais vient également renforcer l’impact positif des outils thérapeutiques de la réhabilitation psychosociale sur la modalité fonctionnelle et, consécutivement, sur le rétablissement personnel.
En tentant d’agir conjointement sur l’ensemble de ces dimensions, les approches orientées vers le rétablissement prennent en compte au premier chef les déterminants fonctionnels et subjectifs. Elles s’appuient sur un abord intégratif des capacités et des limitations, ainsi que sur la construction d’un plan de réhabilitation psychosociale destiné à soutenir le plan de rétablissement propre à la personne concernée. L’autodétermination doit être favorisée à chaque étape de la prise en charge. Dès la phase de résolution d’une crise psychotique, il est possible – et nécessaire – de laisser une place progressivement croissante aux souhaits de la personne. Tenir compte de l’altération du discernement d’une personne implique, non pas de décider à sa place, mais de mettre en lumière les manifestations résiduelles de sa volonté et de les faire fructifier. Cette approche modifie fortement la nature des liens entre les professionnels et la personne qu’ils soignent et accompagnent, en laissant à cette dernière une marge de décision accrue par rapport aux pratiques habituellement à l’œuvre. Cette responsabilisation va de pair avec une appropriation de ses possibilités, de ses difficultés et des possibilités thérapeutiques qui lui sont offertes. Une meilleure connaissance d’elle-même et une amélioration de ses capacités avec les outils thérapeutiques de la réhabilitation psychosociale favorisent sa prise de décision éclairée.
En favorisant le rétablissement fonctionnel, la réhabilitation psychosociale a un impact favorable sur le rétablissement personnel – que définit la personne elle-même et qui représente la finalité de toute prise en charge (
Le rétablissement personnel dépend de cinq dimensions :5
– les liens sociaux ;
– l’espoir, favorisé par l’atteinte des objectifs définis par la personne ;
– l’identité, qui consiste en ce cas à ne pas se définir par sa maladie tout en acceptant qu’elle fasse partie de soi ;
– la définition d’un sens donné à l’existence ;
– l’acceptation du rétablissement.
Les prises en charge orientées vers le rétablissement agissent sur ces cinq dimensions :
– la remédiation de la cognition sociale et toutes les mesures favorisant la réussite d’activités collectives répondent au besoin de socialisation ;
– l’espoir et l’atteinte d’objectifs propres sont soutenus par toutes les mesures de réhabilitation psychosociale ayant un impact sur la modalité fonctionnelle ;
– l’identité dépend des actions de déstigmatisation et des mesures psychothérapiques favorisant la redéfinition de soi ;
– la définition du sens de son existence relève de la construction d’un projet propre (objectif du projet de suivi individualisé et du plan de rétablissement) ;
– enfin, toutes les mesures favorisant l’appropriation du concept de rétablissement lui sont favorables.
Le choix des interventions de réhabilitation psychosociale dépend des priorités définies par la personne et de sa progression dans les différentes dimensions et modalités du rétablissement. En effet, répondre aux besoins des personnes et leur permettre d’exploiter au mieux leurs capacités sont deux clés des prises en charge orientées vers le rétablissement.6 Les mesures de réhabilitation psychosociale les plus efficaces prennent en compte les objectifs propres des personnes.7 Adopter une posture orientée rétablissement (
En tentant d’agir conjointement sur l’ensemble de ces dimensions, les approches orientées vers le rétablissement prennent en compte au premier chef les déterminants fonctionnels et subjectifs. Elles s’appuient sur un abord intégratif des capacités et des limitations, ainsi que sur la construction d’un plan de réhabilitation psychosociale destiné à soutenir le plan de rétablissement propre à la personne concernée. L’autodétermination doit être favorisée à chaque étape de la prise en charge. Dès la phase de résolution d’une crise psychotique, il est possible – et nécessaire – de laisser une place progressivement croissante aux souhaits de la personne. Tenir compte de l’altération du discernement d’une personne implique, non pas de décider à sa place, mais de mettre en lumière les manifestations résiduelles de sa volonté et de les faire fructifier. Cette approche modifie fortement la nature des liens entre les professionnels et la personne qu’ils soignent et accompagnent, en laissant à cette dernière une marge de décision accrue par rapport aux pratiques habituellement à l’œuvre. Cette responsabilisation va de pair avec une appropriation de ses possibilités, de ses difficultés et des possibilités thérapeutiques qui lui sont offertes. Une meilleure connaissance d’elle-même et une amélioration de ses capacités avec les outils thérapeutiques de la réhabilitation psychosociale favorisent sa prise de décision éclairée.
Principes de la réhabilitation psychosociale
La réhabilitation psychosociale comprend un large éventail d’interventions axées sur le rétablissement : case management axé sur les forces, amélioration de la santé physique et mentale et du bien-être, médicaments psychotropes à faibles doses, remédiation cognitive, thérapies cognitives et comportementales, psychoéducation, formation aux aptitudes sociales, réduction de la stigmatisation, soutien familial, logement accompagné et emploi assisté. La combinaison des interventions est la clé d’une prise en charge efficace. Par exemple, le case management est plus efficace lorsqu’il est combiné à d’autres prises en charge. La réhabilitation psychosociale a des effets positifs sur les taux d’hospitalisation, les symptômes et les aspects sociaux de la schizophrénie. Elle est également efficace dans les troubles bipolaires, les troubles de personnalité borderline et les troubles du spectre de l’autisme.
Le processus de réhabilitation psychosociale comprend cinq étapes (tableau 3 ). L’étape d’engagement a pour objectifs d’estimer la relation que la personne entretient avec ses difficultés et ses besoins et de mettre en perspective ses éventuelles demandes et les possibilités d’évaluation et de soins. La durée de cette phase est fonction du degré de disponibilité à la réhabilitation psychosociale de la personne. Elle peut donc être amenée à se prolonger en l’absence d’intérêt pour la démarche de la réhabilitation, voire aboutir à une interruption du processus. Un minimum d'implication dans la démarche d’évaluation ou – mieux – un engagement actif est nécessaire pour que la deuxième étape s’avère fructueuse. L’évaluation alors mise en œuvre permet à la personne de mieux cerner ses capacités et ses limitations et, le cas échéant, de solliciter des soins destinés à renforcer les premières ou à limiter l’impact des secondes. Ces soins sont destinés à favoriser la réussite d’un projet concret (par exemple dans le domaine de l’autonomie, de la formation, du bénévolat, de l’insertion professionnelle, des relations sociales ou des activités de loisirs) défini par la personne elle-même. Une information et un soutien psychoéducatif sont proposés en parallèle aux aidants.
L’efficacité de la réhabilitation psychosociale repose sur la conjugaison de plusieurs facteurs : une même approche des troubles et des possibilités de rétablissement par tous les protagonistes, y compris les personnes concernées ; un respect des décisions de ces dernières ; un recours à tel ou tel programme de réhabilitation psychosociale dans le but explicite de favoriser la réussite d'un projet concret afin d’appuyer la réussite de leur programme de rétablissement ; des thérapeutes spécifiquement formés et disponibles.
Le processus de réhabilitation psychosociale comprend cinq étapes (
L’efficacité de la réhabilitation psychosociale repose sur la conjugaison de plusieurs facteurs : une même approche des troubles et des possibilités de rétablissement par tous les protagonistes, y compris les personnes concernées ; un respect des décisions de ces dernières ; un recours à tel ou tel programme de réhabilitation psychosociale dans le but explicite de favoriser la réussite d'un projet concret afin d’appuyer la réussite de leur programme de rétablissement ; des thérapeutes spécifiquement formés et disponibles.
Besoins de réhabilitation psychosociale de la population
Soutenir le rétablissement implique de permettre à chaque personne d’atteindre ses propres objectifs. REHABase est un projet destiné à mieux cerner les besoins de réhabilitation psychosociale de la population française. C’est une étude de cohorte multicentrique prospective observationnelle qui a débuté en 2016. Initialement soutenue par les agences régionales de santé d’Auvergne-Rhône-Alpes et de Nouvelle-Aquitaine, elle a vocation à s’étendre sur le territoire français. Les centres de réhabilitation psychosociale de Lyon, Grenoble et Saint-Étienne y participent depuis 2016 ; ceux de Bordeaux, Limoges et Poitiers depuis 2017 ; ceux de Bourg-en-Bresse, Clermont-Ferrand et Roanne l’ont intégrée en 2018. Plusieurs autres régions vont s’associer au projet en 2021. Toutes les personnes prises en charge par ces centres font l’objet d’une saisie de données anonymisées.
Les premiers résultats de REHABase8 ont amélioré notre connaissance des usagers des centres de réhabilitation psychosociale. Ils ont permis de décrire les caractéristiques sociodémographiques, diagnostiques et cliniques (dont la présence de comorbidités psychiatriques et addictives) de la population, la nature des traitements psychopharmacologiques qu’elle reçoit, son niveau de bien-être, ses besoins de soins et d’interventions psychosociales et son degré de satisfaction par stade de rétablissement.
Les relations entre satisfaction et rétablissement ont été établies à partir de données extraites du Client Assessment of Strengths, Interests and Goals (CASIG, développé par l’université de Californie, Los Angeles9) et du STages Of Recovery Instrument (STORI, développé par l’université de Wollongong en Australie10). Plus précisément, la satisfaction a été évaluée par des échelles visuelles analogiques issues du CASIG et adaptées par l’équipe du centre hospitalier Alpes-Isère. Précédées d’un entretien structuré, elles permettent d’évaluer la satisfaction de la personne dans neuf dimensions de sa vie à l’aide d’échelles visuelles analogiques. Le STORI est une échelle d’auto-évaluation en 50 items. Il permet de définir la progression dans un parcours de rétablissement en cinq étapes. Durant la première d’entre elles, dite « moratoire », la personne est inconsciente de ses difficultés et n’a aucune demande d’aide. Elle est suivie par une étape de « prise de conscience », durant laquelle l’espoir renaît progressivement. La personne commence ensuite à développer ses compétences au cours d’une troisième étape, dite de « préparation ». Vient après une étape de « reconstruction », durant laquelle le rétablissement s’amorce réellement, avant l’étape finale, dite de « croissance », où le processus de rétablissement est considéré comme ayant abouti. Les personnes qui ont atteint le stade de croissance ont acquis une confiance suffisante en leurs capacités pour pouvoir essuyer des revers. Ces cinq étapes peuvent se superposer, et un retour à une phase considérée comme antérieure peut être observé, le processus de rétablissement n’étant pas linéaire.
Les 1 397 participants inclus dans REHABase entre janvier 2016 et août 2018 comprenaient deux tiers d’hommes et un tiers de femmes. Près de 38 % d’entre eux avaient entre 20 et 29 ans et près de 29 % entre 30 et 39 ans. Environ 87 % d’entre eux avaient fait l’objet d’un diag- nostic de trouble mental sévère, dont 49 % de schizophrénie, et 13 % avaient un trouble du spectre de l’autisme. Environ 36 % avaient ou avaient eu antérieurement une addiction à l’alcool, 38 % au cannabis et 48 % au tabac. En ce qui concerne les traitements psychopharmacologiques, 30,1 % en prenaient un seul et 58,6 % plus d’un : 26 % prenaient deux psychotropes, 18 % en prenaient trois et 14,6 % quatre ou plus. En ce qui concerne les classes pharmacologiques, 83,6 % d’entre eux recevaient au moins un antipsychotique, 40,3 % un antidépresseur, 35 % un anxiolytique et 14,6 % un thymorégulateur.
Un peu plus de 20 % des participants de REHABase étaient à l’étape « moratoire » et presque un tiers avaient atteint l’étape « croissance », les autres se répartissant entre les trois étapes intermédiaires. Leur satisfaction était d’autant plus importante qu’ils avaient avancé dans leur processus de rétablissement, sauf à la dernière étape. Plus précisément, le taux de satisfaction des participants ayant atteint l’étape de croissance était beaucoup plus faible que ceux qui étaient encore à l’étape précédente (reconstruction). Le niveau de satisfaction était en effet plus faible dans huit domaines sur neuf (formation professionnelle et de leur emploi ; gestion des symptômes ; fonctionnement cognitif ; relations interpersonnelles ; loisirs ; gestion du budget et des tâches administratives ; logement ; gestion de leur santé) chez les participants à l’étape « croissance » par rapport à ceux à l’étape « reconstruction ». Seule la satisfaction en termes de déplacements était meilleure chez les participants ayant atteint l’étape « croissance ».
Cette observation doit être interprétée avec prudence étant donné la nature cyclique du processus de rétablissement et ses liens potentiels avec des facteurs tels que l’insight et l’auto-stigmatisation. Les personnes ayant atteint l’étape de croissance malgré un faible insight peuvent se considérer à la fois comme rétablies d’un trouble mental et insatisfaites d’une ou plusieurs activités importantes de leur vie. Les effets de la réhabilitation psychosociale sur le rétablissement gagneraient à être étudiés en tenant compte de l’influence potentielle de l’insight et de l’autostigmatisation. Enfin, aucune relation de cause à effet ne peut être tirée de cette étude puisqu’elle ne reposait pas sur des données longitudinales mais transversales.
Les premiers résultats de REHABase8 ont amélioré notre connaissance des usagers des centres de réhabilitation psychosociale. Ils ont permis de décrire les caractéristiques sociodémographiques, diagnostiques et cliniques (dont la présence de comorbidités psychiatriques et addictives) de la population, la nature des traitements psychopharmacologiques qu’elle reçoit, son niveau de bien-être, ses besoins de soins et d’interventions psychosociales et son degré de satisfaction par stade de rétablissement.
Les relations entre satisfaction et rétablissement ont été établies à partir de données extraites du Client Assessment of Strengths, Interests and Goals (CASIG, développé par l’université de Californie, Los Angeles9) et du STages Of Recovery Instrument (STORI, développé par l’université de Wollongong en Australie10). Plus précisément, la satisfaction a été évaluée par des échelles visuelles analogiques issues du CASIG et adaptées par l’équipe du centre hospitalier Alpes-Isère. Précédées d’un entretien structuré, elles permettent d’évaluer la satisfaction de la personne dans neuf dimensions de sa vie à l’aide d’échelles visuelles analogiques. Le STORI est une échelle d’auto-évaluation en 50 items. Il permet de définir la progression dans un parcours de rétablissement en cinq étapes. Durant la première d’entre elles, dite « moratoire », la personne est inconsciente de ses difficultés et n’a aucune demande d’aide. Elle est suivie par une étape de « prise de conscience », durant laquelle l’espoir renaît progressivement. La personne commence ensuite à développer ses compétences au cours d’une troisième étape, dite de « préparation ». Vient après une étape de « reconstruction », durant laquelle le rétablissement s’amorce réellement, avant l’étape finale, dite de « croissance », où le processus de rétablissement est considéré comme ayant abouti. Les personnes qui ont atteint le stade de croissance ont acquis une confiance suffisante en leurs capacités pour pouvoir essuyer des revers. Ces cinq étapes peuvent se superposer, et un retour à une phase considérée comme antérieure peut être observé, le processus de rétablissement n’étant pas linéaire.
Les 1 397 participants inclus dans REHABase entre janvier 2016 et août 2018 comprenaient deux tiers d’hommes et un tiers de femmes. Près de 38 % d’entre eux avaient entre 20 et 29 ans et près de 29 % entre 30 et 39 ans. Environ 87 % d’entre eux avaient fait l’objet d’un diag- nostic de trouble mental sévère, dont 49 % de schizophrénie, et 13 % avaient un trouble du spectre de l’autisme. Environ 36 % avaient ou avaient eu antérieurement une addiction à l’alcool, 38 % au cannabis et 48 % au tabac. En ce qui concerne les traitements psychopharmacologiques, 30,1 % en prenaient un seul et 58,6 % plus d’un : 26 % prenaient deux psychotropes, 18 % en prenaient trois et 14,6 % quatre ou plus. En ce qui concerne les classes pharmacologiques, 83,6 % d’entre eux recevaient au moins un antipsychotique, 40,3 % un antidépresseur, 35 % un anxiolytique et 14,6 % un thymorégulateur.
Un peu plus de 20 % des participants de REHABase étaient à l’étape « moratoire » et presque un tiers avaient atteint l’étape « croissance », les autres se répartissant entre les trois étapes intermédiaires. Leur satisfaction était d’autant plus importante qu’ils avaient avancé dans leur processus de rétablissement, sauf à la dernière étape. Plus précisément, le taux de satisfaction des participants ayant atteint l’étape de croissance était beaucoup plus faible que ceux qui étaient encore à l’étape précédente (reconstruction). Le niveau de satisfaction était en effet plus faible dans huit domaines sur neuf (formation professionnelle et de leur emploi ; gestion des symptômes ; fonctionnement cognitif ; relations interpersonnelles ; loisirs ; gestion du budget et des tâches administratives ; logement ; gestion de leur santé) chez les participants à l’étape « croissance » par rapport à ceux à l’étape « reconstruction ». Seule la satisfaction en termes de déplacements était meilleure chez les participants ayant atteint l’étape « croissance ».
Cette observation doit être interprétée avec prudence étant donné la nature cyclique du processus de rétablissement et ses liens potentiels avec des facteurs tels que l’insight et l’auto-stigmatisation. Les personnes ayant atteint l’étape de croissance malgré un faible insight peuvent se considérer à la fois comme rétablies d’un trouble mental et insatisfaites d’une ou plusieurs activités importantes de leur vie. Les effets de la réhabilitation psychosociale sur le rétablissement gagneraient à être étudiés en tenant compte de l’influence potentielle de l’insight et de l’autostigmatisation. Enfin, aucune relation de cause à effet ne peut être tirée de cette étude puisqu’elle ne reposait pas sur des données longitudinales mais transversales.
Structuration de la réhabilitation psychosociale en France
Depuis la fin des années 2000, plusieurs dizaines de centres de réhabilitation psychosociale ont été créés sur le territoire français. Un projet de recherche multicentrique financé en 2008 par le Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national, consacré à la comparaison de deux outils de remédiation cognitive,11 a eu un effet structurant initial sur le développement de ce réseau. Sur la base de cette collaboration, qui a impliqué une dizaine d’équipes, l’Association francophone de remédiation cognitive (AFRC) et le diplôme d’université (DU) « Remédiation cognitive » (université Lyon-1) ont pu être créés dès 2009. L’AFRC a entrepris de rassembler les professionnels impliqués dans la remédiation cognitive, dont l’apport à la réhabilitation psychosociale s’avère majeur en termes de renforcement du pouvoir de décider et d’agir. Cette association a joué un rôle dans le développement de nombreuses structures organisées selon les mêmes principes (étude du besoin de réhabilitation grâce à une évaluation standardisée ; mise en évidence des capacités préservées, puis renforcement de celles-ci grâce aux outils de la réhabilitation psychosociale, dont la remédiation cognitive). À partir de 2011, ces structures se sont regroupées au sein du réseau de remédiation cognitive, porté par l’AFRC. Depuis 2009-2010, le DU « Remédiation cognitive » est proposé chaque année à plus d’une soixantaine d’étudiants. Il permet à des médecins, des neuropsychologues, des ergothérapeutes et des infirmiers d’acquérir les compétences nécessaires à la pratique de la remédiation cognitive. Ultérieurement, deux autres diplômes ont été créés pour compléter l’offre de formation destinés à former des spécialistes de différentes fonctions de la réhabilitation, le DU « Psychoéducation » en 2016, puis le DU « Pair-aidance en santé mentale » en 2019. Dès leur création, tous les centres de réhabilitation psychosociale ont dispensé largement aux équipes de santé mentale des sensibilisations et des formations à la culture du rétablissement. La création en 2015 d’un centre ressource, structure non soignante destinée à diffuser les outils et la culture de la réhabilitation psychosociale, a permis de donner encore plus d’unité au réseau et d’ampleur à ses actions de soins et de formation. En 2019, des supports de formation en e-learning et un MOOC ont été mis en ligne sur le site web de ce centre**. Ils sont destinés à préparer des journées de formation en pédagogie active (classe inversée et études de cas) devant être dispensées très largement.
À partir de 2013, les agences régionales de santé d’Auvergne-Rhône-Alpes puis de Nouvelle-Aquitaine se sont engagées dans l’organisation territoriale de la réhabilitation psychosociale. Les dispositifs déployés reposent sur l’articulation de centres de proximité avec des centres référents. Chacun d’entre eux répond à un cahier des charges définissant son fonctionnement et la nature des prestations – évaluations et soins de réhabilitation psychosociale – qu’il propose. Dès lors, la population a bénéficié d’un accès plus large et donc plus équitable à des prises en charge de qualité. Les centres référents prennent en charge les cas les plus complexes, participent à l’innovation thérapeutique dans le domaine de la réhabilitation psychosociale et collectent des données concernant leurs usagers afin de constituer une cohorte systématique (REHABase, dont les premiers résultats ont été présentés plus haut). Ils ont la responsabilité de vastes territoires de santé, sur lesquels sont implantés les centres de proximité qu’ils accompagnent. Les centres référents d’Auvergne-Rhône-Alpes sont implantés à Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon et Saint-Étienne et ceux de Nouvelle-Aquitaine à Bordeaux et Limoges. Depuis sa création, le centre ressource de réhabilitation psychosocial garantit la cohérence de ce dispositif.
La loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 a introduit les notions de projet territorial de santé mentale et de rétablissement ; enfin, elle a fixé comme objectif d’accroître en France les prises en charge ambulatoires au détriment des hospitalisations. Le décret d’application de l’article 69 de cette loi, concernant le projet territorial de santé mentale, est paru le 27 juillet 2017. Parmi ses priorités figurent la lutte contre la stigmatisation des troubles psychiques et l’accès à la réhabilitation psychosociale pour promouvoir les capacités des personnes. La stratégie nationale de transformation du système de santé 2018-2022 (« Ma santé 2022 ») fait figurer l’accès à la réhabilitation psychosociale dans les objectifs en termes de santé mentale. Dès 2018, un financement national (Direction générale de l’offre de soins [DGOS]) a accompagné le déploiement de nouveaux centres de réhabilitation psychosociale. L’organisation de ceux-ci est définie dans la note de cadrage qui accompagne l’instruction DGOS du 16 janvier 2019 consacrée aux soins de réhabilitation psychosociale. Deux types de structure sont décrits : les centres de réhabilitation psychosociale de proximité et les centres de réhabilitation psychosociale support (dont la définition est proche de celle des centres référents décrits plus haut). La publication de l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) du 14 mars 2019, intitulée Mettre en place la réhabilitation psychosociale dans les territoires, explicite les organisations attendues.
À partir de 2013, les agences régionales de santé d’Auvergne-Rhône-Alpes puis de Nouvelle-Aquitaine se sont engagées dans l’organisation territoriale de la réhabilitation psychosociale. Les dispositifs déployés reposent sur l’articulation de centres de proximité avec des centres référents. Chacun d’entre eux répond à un cahier des charges définissant son fonctionnement et la nature des prestations – évaluations et soins de réhabilitation psychosociale – qu’il propose. Dès lors, la population a bénéficié d’un accès plus large et donc plus équitable à des prises en charge de qualité. Les centres référents prennent en charge les cas les plus complexes, participent à l’innovation thérapeutique dans le domaine de la réhabilitation psychosociale et collectent des données concernant leurs usagers afin de constituer une cohorte systématique (REHABase, dont les premiers résultats ont été présentés plus haut). Ils ont la responsabilité de vastes territoires de santé, sur lesquels sont implantés les centres de proximité qu’ils accompagnent. Les centres référents d’Auvergne-Rhône-Alpes sont implantés à Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon et Saint-Étienne et ceux de Nouvelle-Aquitaine à Bordeaux et Limoges. Depuis sa création, le centre ressource de réhabilitation psychosocial garantit la cohérence de ce dispositif.
La loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 a introduit les notions de projet territorial de santé mentale et de rétablissement ; enfin, elle a fixé comme objectif d’accroître en France les prises en charge ambulatoires au détriment des hospitalisations. Le décret d’application de l’article 69 de cette loi, concernant le projet territorial de santé mentale, est paru le 27 juillet 2017. Parmi ses priorités figurent la lutte contre la stigmatisation des troubles psychiques et l’accès à la réhabilitation psychosociale pour promouvoir les capacités des personnes. La stratégie nationale de transformation du système de santé 2018-2022 (« Ma santé 2022 ») fait figurer l’accès à la réhabilitation psychosociale dans les objectifs en termes de santé mentale. Dès 2018, un financement national (Direction générale de l’offre de soins [DGOS]) a accompagné le déploiement de nouveaux centres de réhabilitation psychosociale. L’organisation de ceux-ci est définie dans la note de cadrage qui accompagne l’instruction DGOS du 16 janvier 2019 consacrée aux soins de réhabilitation psychosociale. Deux types de structure sont décrits : les centres de réhabilitation psychosociale de proximité et les centres de réhabilitation psychosociale support (dont la définition est proche de celle des centres référents décrits plus haut). La publication de l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) du 14 mars 2019, intitulée Mettre en place la réhabilitation psychosociale dans les territoires, explicite les organisations attendues.
Optimiser les capacités des personnes
La constatation d’une efficacité insuffisante des prises en charge traditionnelles en termes d’intégration dans la communauté des personnes ayant une schizophrénie, et plus largement des troubles mentaux sévères, a favorisé le développement de la réhabilitation psychosociale. Celle-ci permet de mettre en évidence et d’optimiser leurs capacités grâce à un panel d’outils thérapeutiques spécifiques efficaces tels que la remédiation cognitive, la psychoéducation et l’entraînement des compétences sociales. Considérer comme prioritaires les besoins mis en avant par les personnes ayant une schizophrénie8 et favoriser leur satisfaction sont une source majeure d’espoir et de réussite pour elles.
* On entend par rétablissement la capacité à reprendre le contrôle de sa vie et de reconstruire une vie riche et pleine de sens (voir page 52). ** https://centre-ressource-rehabilitation.org/les-formations-en-ligne
Références
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