Pendant toute la première moitié du XXe siècle, le prérequis pour commencer « sa médecine » était assuré par des « humanités », où le grec et le latin tenaient une bonne place et où la classe de philosophie devait représenter l’aboutissement des études secondaires. Mais à partir des années 1960, le positivisme scientifique et son héritière, l’evidence-based medicine, ont pesé sur les études proposées aux futurs médecins, pour ne plus offrir qu’une formation par des matières purement scientifiques ou médicales, accompagnée par une sélection où les sciences dures (physique, chimie, biochimie) ont pris une place dominante, excluant parfois de réelles vocations de soignant.
Il est pourtant évident que la médecine ne peut pas se réduire à une connaissance scientifique. Au contraire, plus la médecine deviendra technique, soutenue par les ordinateurs et l’intelligence artificielle qui vont gouverner les examens et les diagnostics dans un futur proche, plus il faudra une interface entre ces résultats et le patient. Les médecins doivent s’y préparer dès maintenant. La relation médecin-patient est de plus en plus souvent dominée par des questions qui n’ont rien à voir avec la science : expliquer clairement la pathologie au patient, gérer la participation à la prise de décision comme l’impose la loi, veiller au respect du secret médical à l’heure de l’informatique, participer à la gestion des inégalités sociales de santé, assurer le suivi des maladies chroniques, ou respecter l’éthique des rapports avec l’industrie pharmaceutique… « Ces questions nécessitent que le professionnel de santé se positionne comme un acteur informé et réfléchi. Ses connaissances biomédicales ne suffisent pas », souligne Céline Lefève, maître de conférences en philosophie de la médecine à l’université de Paris.
Percevoir la médecine comme une pratique, et non seulement comme un savoir, remet profondément en question le modèle actuel jusque dans les mots employés par les médecins. Car la médecine, c’est d’abord apprendre une langue étrangère. On estime à 10 000 le nombre de mots que mémorise un étudiant de première année.1 Or, pour la plupart, ils méritent d’être au moins revisités. Car ces termes initient le processus de séparation entre le monde ordinaire et le monde médical. Si bien que la plupart des patients sont incapables de comprendre le compte-rendu de leurs examens et doivent solliciter un « sachant » pour en obtenir la traduction.
Bien entendu, une part de jargon technique est nécessaire, mais une grande partie du vocabulaire médical peut être objectivement considérée comme inutile : est-il indispensable d’appeler une démangeaison un « prurit » ? À quoi bon nommer un saignement de nez une « épistaxis », une jaunisse un « ictère », ou encore baptiser « rhinorrhée » un simple nez qui coule ?
Dans ces conditions, on comprend facilement qu’un enseignement de la psychologie, de l’éthique, de la philosophie, qu’une réelle connaissance de la législation, voire de l’histoire de la médecine*, puissent renforcer les capacités du futur médecin à affronter ces problèmes. Ceci plaide une fois encore pour la réintroduction des sciences humaines dans un parcours qui peut ressembler parfois à la formation exclusive de futurs Prix Nobel !
Il est pourtant évident que la médecine ne peut pas se réduire à une connaissance scientifique. Au contraire, plus la médecine deviendra technique, soutenue par les ordinateurs et l’intelligence artificielle qui vont gouverner les examens et les diagnostics dans un futur proche, plus il faudra une interface entre ces résultats et le patient. Les médecins doivent s’y préparer dès maintenant. La relation médecin-patient est de plus en plus souvent dominée par des questions qui n’ont rien à voir avec la science : expliquer clairement la pathologie au patient, gérer la participation à la prise de décision comme l’impose la loi, veiller au respect du secret médical à l’heure de l’informatique, participer à la gestion des inégalités sociales de santé, assurer le suivi des maladies chroniques, ou respecter l’éthique des rapports avec l’industrie pharmaceutique… « Ces questions nécessitent que le professionnel de santé se positionne comme un acteur informé et réfléchi. Ses connaissances biomédicales ne suffisent pas », souligne Céline Lefève, maître de conférences en philosophie de la médecine à l’université de Paris.
Percevoir la médecine comme une pratique, et non seulement comme un savoir, remet profondément en question le modèle actuel jusque dans les mots employés par les médecins. Car la médecine, c’est d’abord apprendre une langue étrangère. On estime à 10 000 le nombre de mots que mémorise un étudiant de première année.1 Or, pour la plupart, ils méritent d’être au moins revisités. Car ces termes initient le processus de séparation entre le monde ordinaire et le monde médical. Si bien que la plupart des patients sont incapables de comprendre le compte-rendu de leurs examens et doivent solliciter un « sachant » pour en obtenir la traduction.
Bien entendu, une part de jargon technique est nécessaire, mais une grande partie du vocabulaire médical peut être objectivement considérée comme inutile : est-il indispensable d’appeler une démangeaison un « prurit » ? À quoi bon nommer un saignement de nez une « épistaxis », une jaunisse un « ictère », ou encore baptiser « rhinorrhée » un simple nez qui coule ?
Dans ces conditions, on comprend facilement qu’un enseignement de la psychologie, de l’éthique, de la philosophie, qu’une réelle connaissance de la législation, voire de l’histoire de la médecine*, puissent renforcer les capacités du futur médecin à affronter ces problèmes. Ceci plaide une fois encore pour la réintroduction des sciences humaines dans un parcours qui peut ressembler parfois à la formation exclusive de futurs Prix Nobel !