Au front contre la Covid

Ils ont été nombreux à se porter volontaires pour renforcer les dispositifs sanitaires de crise lors des vagues pandémiques successives de 2020 : participation aux centres Covid de ville (25 %), aux gardes ambulatoires (25 %), renforcement des équipes hospitalières – régulation, urgences ou unités Covid (10 %), voire cumul d’au moins 2 de ces activités (10 %).1
Les contrats de remplacements ont été massivement annulés pour environ 70 % des interrogés du sondage réalisé par ReAGJIR entre avril et mai 2020, occasionnant une perte moyenne de 40 % du chiffre d’affaires en mars 2020 et de 50 % en avril. Près de la moitié des remplaçants n’avaient pas été informés des aides auxquelles ils pouvaient prétendre et un tiers s’estimaient incertains, voire très inquiets concernant leur situation financière.1

Les oubliés de la CNAM

Une indemnisation de perte d’activité était annoncée en mars dernier par le ministre de la Santé pour l’ensemble des professionnels de santé libéraux. La Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a ainsi rapidement mis en place un dispositif dédié, accessible via l’espace AmeliPro mais réservé aux médecins installés.
Aussitôt, ReAGJIR les a alertés, réclamant un procédé similaire pour les remplaçants. Or, malgré son insistance, il n’est toujours pas validé. Raison invoquée ? La difficulté pour la Cnam de récupérer des informations fiables concernant le nombre et les revenus des remplaçants en France.
Pourtant, chacun d’entre eux est enregistré auprès de différents organismes, auxquels il déclare son activité :
– le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), qui délivre les licences de remplacement pour les non thésés, reçoit les affiliations de tous les praticiens thésés et valide les contrats de remplacement ;
– l’Urssaf, destinataire de la déclaration annuelle de revenus de chaque médecin libéral (remplaçants inclus) et qui propose également, depuis 2020, un dispositif simplifié permettant une déclaration trimestrielle pour ceux ayant une faible activité (RSPM*) ;
– la Caisse primaire d’assurance maladie, à laquelle doit obligatoirement s’affilier chaque remplaçant dès son début d’activité (régime PAMc*) ;
– les associations de gestion agréées, qui fournissent des conseils en fiscalité à leurs nombreux adhérents remplaçants ;
– le service des impôts…
Comment est-il possible qu’aucune de ces institutions ne soit en mesure de fournir des données permettant d’évaluer l’activité des médecins remplaçants ? Sont-ils si peu nombreux qu’ils en deviennent négligeables ?
La pratique « intermittente » est en augmentation, si on en croit l’atlas de la démographie médicale du Cnom : elle concernait 10 000 médecins en 2010, 12 000 en 2017 et 14 600 l’an dernier (à comparer aux 198 000 praticiens ayant une activité régulière).2

Trop nombreux ?

Les médecins remplaçants ont souvent été considérés comme un vivier inépuisable profitant des avantages de l’exercice libéral sans en assumer les inconvénients. En outre, ils ont été la cible de nombreuses mesures coercitives visant à forcer leur installation dans les « déserts médicaux ».
En 2019, plusieurs organisations syndicales d’étudiants en médecine, d’internes et de médecins (dont ReAGJIR) s’étaient associées contre la proposition visant à limiter la durée totale de remplacement à 3 ans. En 2020, certains politiciens demandaient une obligation d’installation en zone sous-dotée pendant 3 à 5 ans pour les jeunes diplômés.
Pourtant, ils participent au système de soins, s’affilient à la convention médicale (sans en être signataires) et en respectent les contreparties fixées par celle-ci sans en retirer d’avantages en retour (ou si peu). Ces effecteurs de soins sont aujourd’hui des professionnels de santé au statut précaire.
Cette crise a démontré leur indéniable réactivité, particulièrement précieuse dans les situations d’urgence sanitaire : ils se mobilisent rapidement pour répondre aux besoins. En contrepartie, ces professionnels de santé sont soumis à un statut précaire, considérés comme des fusibles facilement remplaçables, aux revenus fluctuants et souffrant d’un manque de considération par les institutions.
* RSPM : régime simplifié pour les professionnels médicaux ; PAMc : régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionné.
Références
1. ReAGJIR. Sondage réalisé entre le 24 avril et le 9 mai pour mesurer l’impact financier de la Covid-19 ; recueil de 1367 réponses exploitables. https://bit.ly/2LG7Nok
2. CNOM. Atlas de la démographie médicale en France. Situation au 1er janvier 2020. https://bit.ly/35tK55N

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