Repérer précocement un TSA est essentiel pour une prise en charge efficace. Pour la première fois, une étude parue dans le JAMA montre l’intérêt d’un test de suivi oculaire réalisable en soins primaires : il donne des résultats équivalents comparé à ceux d’un diagnostic clinique par un spécialiste, et l’association des deux approches améliore la sensibilité du diagnostic.

Le repérage précoce d’un trouble du spectre autistique (TSA) est un enjeu majeur. Les soins précoces sont en effet fondamentaux pour améliorer le pronostic comportemental, en raison de la grande plasticité neuronale dans les premières années de vie.

Le médecin traitant se trouve en première ligne pour ce repérage, mais poser un diagnostic n’est pas toujours aisé malgré l’existence de divers outils qui aident à détecter les signes cliniques d’alerte (v. encadré). C’est pourquoi plusieurs travaux tentent de trouver des biomarqueurs qui pourraient apporter plus de précision diagnostique.

Les tests d’oculométrie en sont un exemple. Pour la première fois, une étude prospective menée en soins primaires a évalué la sensibilité et la spécificité d’une batterie de ces tests, combinée au repérage clinique.

Avec l’examen clinique, les tests oculaires ont une sensibilité et une spécificité > 90 %

Sur 154 enfants enrôlés dans des centres de soins primaires aux États-Unis, les données de 146 enfants d’âge compris entre 14 et 48 mois (âge moyen : 2,6 ans ; 71 % de garçons) ont été analysées. Ils faisaient partie d’une cohorte évaluée dans le cadre du projet Early Autism Evaluation (EAE) Hub System. Dans ces centres EAE, des soignants de premier recours sont formés au repérage des TSA avec un protocole standard comprenant anamnèse développementale, examen physique et évaluation à l’aide du Screening Tool for Autism in Toddlers (STAT).

Parmi les enfants évalués, 102 avaient reçu un diagnostic d’autisme par un spécialiste ; ce diagnostic était considéré comme la référence pour l’étude.

Pour les tests oculométriques, des paramètres comme les mouvements oculaires, le diamètre de la pupille ou le réflexe photomoteur étaient mesurés, et des tests avec des vidéos permettaient d’évaluer la préférence pour les images « non sociales » (c’est-à-dire celles présentant plutôt des figures géométriques), le relâchement de l’attention visuelle, etc. De précédentes études ont en effet trouvé des différences dans certains de ces paramètres chez les enfants ayant un TSA en comparaison à la population générale : par exemple, une préférence pour les images « non sociales », un relâchement plus marqué de l’attention visuelle, des différences d’amplitude et de latence dans le réflexe photomoteur, ou encore un diamètre pupillaire plus important.

Fondé sur ces paramètres, un diagnostic était suggéré ; sa correspondance au diagnostic de référence était le critère de jugement primaire. Dans un deuxième temps, il était combiné au repérage clinique effectué dans les centres EAE ; la correspondance entre le diagnostic issu de cette approche combinée et le diagnostic de référence était le critère de jugement secondaire.

Résultats : pour 113 enfants (soit 77 % de l’échantillon), les résultats des test oculaires concordaient avec la référence. La sensibilité de ces tests pour détecter un TSA était estimée à 77,5 % (IC95 % : 68,4 % à 84,5 %) et leur spécificité à 77,3 % (IC95 % :63,0 % à 87,2 %). La valeur prédictive positive était estimée à 88,8 % (IC95 % : 80,5 % à 93,8 %) et la valeur prédictive négative à 59,6 % (IC95 % : 46,7 % à 71,4 %).

Avec l’approche combinée (tests oculaires et évaluation clinique en soins primaires), la sensibilité montait à 90,7 % (IC95 % : 83,3 % à 95,0 %) et la spécificité à 86,7 % (IC95 % : 70,3 % à 94,7 %).

Pour les auteurs, ces résultats montrent que ces tests peuvent être des outils supplémentaires efficaces pour aider au repérage et au diagnostic des TSA en soins primaires, combinés à une approche clinique. En effet, alors que certaines études rapportent un taux élevé d’incertitude (allant jusqu’à 30 - 40 %) dans les diagnostics de TSA posés par différents praticiens, cette batterie de tests permettrait d’améliorer la précision diagnostique. Ils se sont révélés particulièrement performants pour le repérage des faux négatifs : 90 % des cas initialement classifiés à tort comme non-TSA ont été repérés par ce moyen.

Encadre

Des fiches pratiques pour repérer les troubles du neurodéveloppement en MG

Élaboré par les sociétés savantes françaises et validé par la HAS, avec des retours d’expérience des médecins du terrain, un livret avec des fiches pratiques peut être téléchargé sur ce lien, pour être imprimé et rempli sur papier. Il doit être transmis à la plateforme de coordination du département lorsque l’enfant y est orienté, par courrier ou messagerie sécurisée, ou en ligne grâce au logiciel Viatrajectoire.

Le livret contient trois rubriques à renseigner (facteurs transversaux quel que soit l’âge, volet relatif à l’âge de l’enfant et formulaire d’adressage). Un outil en ligne permet de répondre aux questions de la grille sous forme interactive et, selon les résultats, indique au médecin la conduite à tenir.

Il peut être utilisé dans le cadre d’une consultation où des difficultés seraient abordées par les parents, mais aussi au cours d’une consultation dédiée, suivant la tarification des consultations complexes désormais proposée par l’Assurance maladie. La démarche doit faire l’objet d’un dialogue avec la famille, notamment pour les éléments que seule celle-ci connaît et qui ne peuvent être observés lors de la consultation.

Pour en savoir plus : Martin Agudelo L. Détecter un trouble du neurodéveloppement avant 7 ans : des fiches pratiques pour le MG.  Rev Prat (en ligne) 2 avril 2024.

Pour en savoir plus
Keehn B, Monahan P, Enneking B, et al. Eye-Tracking Biomarkers and Autism Diagnosis in Primary Care.  JAMA Netw Open 2024;7(5):e2411190.

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