La loi « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé », promulguée en 2023, élargit les compétences de plusieurs professions paramédicales, permettant dans certains cas de se passer du diagnostic établi par un médecin. Si des textes d’application de cette loi sont encore attendus, l’Académie nationale de médecine alerte sur les écueils de cette mesure…

La loi 2023 - 379 du 19 mai 2023 élargit les compétences de plusieurs professions paramédicales : elle permet à ces professionnels de prendre en charge des patients, de primo-prescrire certains produits ou prestations soumis à ordonnance, de renouveler plusieurs fois des ordonnances expirées, entre autres. Elle ouvre ainsi la voie à certains soins curatifs sans prescription préalable par un médecin, pour des soins de kinésithérapie, d’orthophonie ou infirmiers, et même pour des prescriptions d’examens complémentaires ou de produits de santé, dans des contextes jugés « standardisés » et considérés à risque faible.

Ces dispositions ont été justifiées par la nécessité d’améliorer l’accès aux soins face à la pénurie de médecins, en particulier dans les « déserts médicaux », mais aussi la volonté de fluidifier le parcours de soins des patients, de dégager du temps médical et de revaloriser certaines professions de santé (kinésithérapeutes, orthophonistes, infirmières de pratique avancée…). Mais elles comportent des risques, souligne l’Académie nationale de médecine.

Tout d’abord, la prescription médicale n’est pas une formalité administrative, mais le résultat d’une démarche médicale reposant sur l’écoute du patient, l’analyse individualisée approfondie de ses symptômes et de sa situation (âge, antécédents, contexte familial, professionnel, socio-économique), la réalisation d’un examen physique et éventuellement de bilans complémentaires qui permettent l’établissement du diagnostic – qui est la composante primordiale de la démarche thérapeutique. Or cette dernière mobilise des ressources accumulées par les médecins après au moins 9 ans d’études, et le savoir pratique issu de leurs expériences cliniques et des connaissances en permanence actualisées.

Ensuite, la démarche diagnostique n’est pas simple, y compris pour les médecins : des signes d’apparence anodine peuvent traduire l’existence d’une maladie complexe et grave réclamant un diagnostic médical précis.

Par ailleurs, la mise en route d’un traitement comporte toujours une part de risque, et le temps passé dans une démarche thérapeutique inadaptée peut être équivalent à un retard de mise en route d’un traitement efficace. En l’absence de diagnostic médical, la thérapeutique engagée peut s’avérer inefficace, voire néfaste. Elle constitue, pour le professionnel de santé qui s’y engage, une prise de risque, donc de responsabilité.

Ainsi, engager une action thérapeutique en l’absence de prescription médicale n’est absolument pas anodin.

C’est pourquoi l’Académie souligne que la mise en route de soins à visée curative, en particulier de nature médicamenteuse, sans prescription par un médecin – donc sans diagnostic médical préalable – ne peut se concevoir que lorsque les conditions suivantes sont réunies : vérification de l’indisponibilité d’un médecin ; risques minimes d’effets secondaires de la thérapeutique concernée ; et évaluation médicale, après une période déterminée et répétée, de toutes les procédures ainsi engagées.

Elle considère que l’obligation de prescription préalable par un médecin n’est pas un obstacle à la revalorisation de certaines professions de santé ni à la fluidification du parcours de soin du patient, mais un élément de sécurisation de la pratique de ces professions et de sécurité sanitaire pour le patient.

Elle rappelle enfin que l’absence de médecins à même de poser un diagnostic n’est pas concevable dans le contexte d’un établissement de santé et que, quel que soit le type d’exercice, un diagnostic de maladie ne suffit pas à indiquer un besoin de rééducation, ni de tout traitement, quel qu’il soit.

Pour en savoir plus
Académie nationale de médecine. Se passer du diagnostic médical doit rester une exception. 15 février 2024.