Les séjours climatiques dans des centres spécialisés en altitude étaient au XIXe siècle et durant une grande partie du XXe une thérapie de choix pour les patients asthmatiques. L’apparition d’autres stratégies thérapeutiques – corticoïdes inhalés, biothérapies – en a réduit l’utilisation, mais ce type de séjours en altitude ont-ils encore un intérêt ? Pour quels patients ? L’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique a récemment édité une prise de position sur le sujet, après une analyse de la littérature.

Les mécanismes environnementaux pouvant expliquer les bénéfices de la climatothérapie d’altitude sont encore mal compris. S’ils ont fait l’objet d’études, surtout observationnelles, les essais randomisés évaluant l’efficacité clinique de ces facteurs font encore défaut. L’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique (EAACI) a récemment effectué une revue de la littérature disponible, aboutissant à un consensus d’experts sur les potentiels bénéfices de cette thérapeutique et ses indications.

Par quels mécanismes la climatothérapie d’altitude peut-elle être bénéfique ?

Effets de l’altitude sur la physiologie pulmonaire et l’immunité

La plupart des centres de climatothérapie dans les Alpes européennes se situent entre 1 200 et 2 500 mètres ; à cette altitude, les effets de l’hypoxie hypobarique restent légers à modérés, limitant ainsi le risque de mal aigu des montagnes pour le patient asthmatique.

En altitude modérée, les changements de plusieurs paramètres physiques (pression barométrique, pression respiratoire, densité de l’air, température, humidité…) induit des réponses physiologiques et immunologiques adaptatives pouvant être bénéfiques pour les patients asthmatiques. L’hyperventilation et l’augmentation du rythme cardiaque dans la période d’acclimatation à l’altitude – visant à améliorer l’oxygénation de diverses cellules du corps – puis l’augmentation du taux d’hémoglobine, de la capacité oxydative mitochondriale et de la densité capillaire lors de l’exposition à l’altitude sur un plus long terme améliorent les performances sportives ; la réduction de la densité de l’air améliore la ventilation et réduit les résistances des voies aériennes, rendant l’expiration plus facile. Tout ceci peut s’avérer utile pour favoriser la réalisation d’une activité physique chez les patients asthmatiquesà une altitude modérée ; toutefois, à des altitudes plus élevées, ces effets bénéfiques sont limités par l’air froid et la sécheresse qui peuvent déclencher un bronchospasme en cas d’hyperventilation liée à l’effort.

En ce qui concerne la réponse immunitaire, parmi les nombreuses adaptations induites par l’altitude (augmentation du taux de leucocytes, des cellules B et des natural killer [NK] chez les sujets sains…), le facteur régulateur de l’hypoxie HIF-1 alpha, qui est exprimé dans de très nombreuses cellules (immunitaires, épithéliales et endothéliales), contribue au contrôle de l’inflammation. Il joue également un rôle central dans le maintien de l’homéostase du microbiome dans l’axe poumon-intestin, dont de nombreuses études ont montré les répercussions en matière de prévalence et phénotypes de l’asthme et des allergies, ainsi que de réponse aux traitements.

Enfin, l’effet de l’augmentation des rayons UV avec l’altitude (de l’ordre 10 à 12 % tous les 1 000 mètres), de la stimulation subséquente de la synthèse de vitamine D et de son bénéfice potentiel sur l’asthme reste encore débattu.

Caractéristiques environnementales : allergènes, pollution…

L’altitude modérée serait associée à une moindre exposition aux pneumallergènes et à la pollution, contribuant ainsi à une diminution de l’inflammation des voies aériennes. En effet, une moindre abondance d’acariens et de leurs allergènes (Der f 1 en particulier) a été constatée lorsqu’on on monte en altitude (air moins humide, températures plus basses), même si dans des études plus récentes les différences sont moins significatives – ce qui peut être dû à une similarité de l’habitat moderne (moins propice au développement d’acariens) quelle que soit l’altitude. Par ailleurs, les comptes polliniques sont plus faibles en altitude, et la saison pollinique moins prolongée ; de même, les spores fongiques sont moins nombreuses à des altitudes modérées en raison des conditions climatiques. 

Une prise en charge globale et multidisciplinaire

Au-delà des caractéristiques physiques de l’altitude, le séjour dans des centres de climatothérapie peut s’avérer bénéfique en ce qu’il donne lieu à une prise en charge globale du patient asthmatique : ces programmes contiennent souvent, en effet, une évaluation exhaustive avec une optimisation du traitement médicamenteux sur toute la durée du séjour – en général longue, plusieurs semaines à mois –, des interventions psychologiques et comportementales, de l’activité physique personnalisée, de l’éducation thérapeutique et des plans d’action dont la vocation est de se prolonger après la fin du traitement. 

Dans le cas particulier des enfants, il faut toutefois veiller à limiter les conséquences d’une séparation trop prolongée avec le milieu familial (des séjours courts, voire répétés, durant les congés scolaires notamment, semblent plus adéquats).

Effets sur le plan clinique : quelles sont les données ?

Plusieurs études majoritairement observationnelles – dont un grand nombre datant néanmoins des années 1990 et 2000, et avec des effectifs souvent faibles – ont décrit les effets de la climatothérapie chez des adultes ayant un asthme sévère ou non contrôlé, mais aussi chez des enfants. 

Chez l’adulte, les critères de jugement étaient principalement le contrôle de l’asthme, l’évaluation de la qualité de vie, les taux d’exacerbations et d’hospitalisations, une réduction de la prise de corticostéroïdes oraux, l’évolution des paramètres de la fonction respiratoire, les symptômes ORL et la tolérance à l’effort. Les résultats indiquent globalement une amélioration de ces critères jusqu’à 12 mois après la fin de la climatothérapie. 

Chez l’enfant, les critères évalués étaient moins nombreux (contrôle de l’asthme, qualité de vie, hyperréactivité bronchique) ; ceux liés à l’exacerbation des symtpômes, aux hospitalisations, à la tolérance à l’effort, aux symptômes ORL, etc. n’étaient pas rapportés. Certaines études montrent une amélioration de la qualité de vie et un meilleur contrôle de l’asthme après 10 semaines en altitude modérée associé à une réduction de la prise de corticoïdes oraux et inhalés, persistant quelques semaines après le retour à basse altitude. D’autres montrent une diminution significative de la FeNO, tandis que les effets sur le VEMS semblent plus contrastés. Quant à l’hyperréactivité bronchique, plusieurs études pointent une amélioration pouvant persister jusqu’à 3 mois après le retour en basse altitude, mais disparaissant par la suite. 

Il manque toutefois des études randomiséesou ayant des groupes contrôle pour mieux évaluer les effets de ce type de thérapie chez les adultes comme chez les enfants.

Pour quels patients ?

Les experts de l’EAACI considèrent ainsi que la climatothérapie d’altitude peut être un traitement adéquat en dernière ligne pour les patients ayant un asthme sévère non contrôlé malgré l’optimisation des traitements menés selon les recommandations actuelles ; par exemple : des patients ne répondant pas aux biothérapies, corticodépendants, souffrant d’exacerbations et/ou hospitalisations fréquentes, avec une fonction respiratoire très compromise, d’importants symptômes ORL ou une mauvaise tolérance à l’effort et un retentissement important sur la qualité de vie. Chez l’enfant, en particulier, les indications restent marginales et délicates à évaluer, mais la climatothérapie n’est pas à écarter pour autant. 

Pour le moment, aucune donnée ne permet de déterminer quels phénotypes de l’asthme répondraient le mieux à ce traitement : davantage d’études immunologiques et cliniques sont nécessaires. Enfin, des essais randomisés sont aussi nécessaires pour comparer ce traitement à d’autres interventions, pour déterminer quels sont les mécanismes les plus efficaces et pour évaluer la rentabilité de ces mesures.

Pour en savoir plus
Fieten KB, Drijver-Messelink MT, Cogo A. Alpine altitude climate treatment for severe and uncontrolled asthma: An EAACI position paper. Allergy 2022;77(7):1991-2024. 
Lavaud F. Actualités sur la climatothérapie d’altitude dans l’asthme de l’enfant. Pédiatrie Pratique, 7 mai 2023.
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