Une équipe canadienne a évalué, dans un essai clinique randomisé paru dans le JAMA, la capacité de 3 mesures – activité physique modérée à intense, entraînement cognitif ou supplémentation en vitamine D – à retarder la progression du déclin cognitif chez des sujets âgés ayant des troubles cognitifs légers.

Les troubles cognitifs légers se situent à un stade intermédiaire entre le vieillissement cognitif normal et la démence. Cette phase est à ce titre considérée comme une période optimale pour mettre en place des stratégies préventives et des traitements précoces visant à freiner le déclin cognitif.

Une équipe canadienne a voulu évaluer, dans un essai clinique randomisé, si la mise en place d’une intervention combinée – comprenant exercices physiques et/ou exercices cognitifs et/ou supplémentation en vitamine D (dont l’effet neuroprotecteur a également été évoqué) – est en mesure de retarder la progression du déclin cognitif chez des sujets âgés ayant des troubles cognitifs légers.

L’essai SYNERGIC (Synchronizing Exercises, Remedies in Gait and Cognition), conduit entre 2016 et 2020, a recruté 175 participants entre 60 et 85 ans ayant un trouble cognitif léger, sans démence diagnostiquée (âge moyen : 73,1 ans ; 49,1 % de femmes). Ils ont été aléatoirement répartis en 5 bras égaux :

  • bras 1 : exercice aérobie et musculation + entraînement cognitif + vit. D ;
  • bras 2 : comme le bras 1, mais placebo au lieu de vit. D ;
  • bras 3 : exercice aérobie et musculation + « faux » entraînement cognitif + vit. D ;
  • bras 4 : comme le bras 3, mais placebo au lieu de vit. D ;
  • bras 5 (contrôle) : exercice léger + « faux » entraînement cognitif + placebo.

Les interventions se déroulaient sur 20 semaines, 3 fois par semaine. Chaque session durait 90 min, dont 30 min d’entraînement cognitif et 60 min d’exercice physique. L’entraînement cognitif (bras 1 et 2) consistait en la réalisation de tâches visuomotrices sur tablette numérique, exerçant la mémoire de travail et l’attention, avec une augmentation de la difficulté sur la période d’étude. Le faux entraînement cognitif (bras 3, 4 et 5) consistait à simplement naviguer sur le web (recherche d’informations et visionnage de vidéos). Quant à l’exercice physique, les groupes traités avaient un programme combinant des exercices aérobies et de renforcement musculaire avec résistance, dont l’intensité augmentait sur la période, et le groupe contrôle un programme d’étirements, équilibre et tonification sans augmentation du volume ni de l’intensité. Enfin, la supplémentation en vitamine D était de 10 000 UI x 3/semaine.

L’efficacité des interventions était mesurée grâce à l’échelle ADAS-Cog-13 (Alzheimer Disease Assessment Scale Cognitive 13) dont les items évaluent différentes fonctions cognitives (mémoire, compréhension, orientation spatiotemporelle, praxies, langage spontané), un score plus élevé indiquant un déclin plus important de la fonction cognitive. L’échelle ADAS-Cog-Plus, qui permet en outre d’évaluer les fonctions exécutives, a également été utilisée.

La combinaison gagnante : sport et entraînement cognitif

Au bout de 6 mois de suivi, tous les groupes ayant eu le programme d’exercice aérobie et musculation, qu’ils aient eu un entraînement cognitif ou pas et de la vitamine D ou pas (bras 1 à 4), avaient un meilleur score ADAS-Cog-13 comparé au groupe contrôle (avec une différence moyenne de – 1,79 point ; IC95% : – 3,27 à − 0,31). L’amélioration était encore plus grande pour le groupe ayant bénéficié de l’intervention complète (bras 1) : différence moyenne de − 2,64 points par rapport au contrôle (IC95% : – 4,42 à − 0,80). Cet effet, proche de la différence de 3 points considérée cliniquement significative, est plus important que celui retrouvé dans d’autres essais ayant évalué l’efficacité d’interventions pharmacologiques sur le déclin cognitif, soulignent les auteurs.

Par ailleurs, l’exercice physique allié à l’entraînement cognitif (bras 1 et 2) aboutissait à un meilleur score cognitif que l’exercice physique seul (bras 3 et 4) : différence moyenne de – 1,45 point entre les deux (IC95% : – 2,70 à − 0,21), avec une amélioration notamment de la mémoire épisodique, de l’attention et de l’orientation. L’évolution des fonctions exécutives (score ADAS-Cog-Plus) n’était significative pour aucun des groupes. Enfin, la supplémentation en vitamine D n’a pas montré d’effet bénéfique – ce qui, d’après les auteurs, pourrait être dû au fait que les participants n’avaient pas de carence en vitamine D à l’origine.

Si les améliorations du score ADAS-Cog-13 diminuaient légèrement au bout de 12 mois de suivi, les valeurs restaient meilleures que celles enregistrées au début de l’étude, ce qui suggère que la réalisation d’exercice physiques et cognitifs même sur une courte période aurait des effets bénéfiques durables sur la cognition.

Les résultats de cette étude convergent avec ceux d’une méta-analyse récente ayant montré l’effet bénéfique des interventions combinées (plusieurs traitements non pharmacologiques simultanés) sur l’amélioration des fonctions cognitives. Mais elle va plus loin : c’est la première à montrer que la combinaison d’exercices physiques et cognitifs est supérieure à l’exercice physique seul. Étant donné la bonne observance constatée dans l’étude et la sécurité et faisabilité d’une telle intervention, ces données encouragent à la réalisation de programmes combinés d’exercices physiques aérobies, de renforcement musculaire et d’entraînement cognitif chez les sujets ayant des troubles cognitifs légers.

Pour en savoir plus
Montero-Odasso M, Zou G, Speechley M, et al. Effects of Exercise Alone or Combined With Cognitive Training and Vitamin D Supplementation to Improve Cognition in Adults With Mild Cognitive Impairment.  JAMA Netw Open 2023;6(7):e2324465.

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