objectifs
Diagnostiquer une rétention aiguë d’urine,
Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.

Le bas appareil urinaire est composé d’un réservoir, la vessie, et d’une filière sous-vésicale, l’urètre, équipée d’un appareil sphinctérien qui diffère chez l’homme et chez la femme. L’appareil sphinctérien est classiquement divisé en sphincter lisse (prédominant chez l’homme chez qui la prostate avec ses fibres musculaires lisses participe à la fonction sphinctérienne) et d’un sphincter strié, le rhabdosphincter.
Le système vésico-sphinctérien (bas appareil) a la double fonction de protéger les reins (en évitant le reflux, l’hyperpression et l’infection) et d’assurer le confort social en transformant la sécrétion rénale d’urine lente et continue en un cycle (le cycle mictionnel) au cours duquel une phase de stockage efficace sans fuite alterne avec une phase de vidange vésicale brève indolore et sous contrôle de la volonté.
L’intégrité anatomique du bas appareil (fig. 1) et de sa commande nerveuse est indispensable au bon fonctionnement du cycle mictionnel (alternance entre la phase de stockage et la phase de vidange vésicale).
La miction normale nécessite :
– un réservoir vésical contractile, le détrusor, muscle lisse vésical qui se contracte de manière lente, prolongée et qui est le moteur de la miction ;
– une filière urétrale libre sans obstacle capable de s’ouvrir pour laisser passer le flux urinaire ;
– une commande nerveuse (somatique et autonome ortho- et parasympathique) comprenant des voies afférentes (informant sur l’état de réplétion vésicale) et des voies efférentes volontaires et involontaires. Ces voies sont sous le contrôle de centres médullaires et cérébraux qui assurent la synergie vésico-sphinctérienne (centre mictionnel pontique) permettant de passer alternativement de la phase de stockage (absence de contraction du détrusor et de contraction sphinctérienne) à une phase de vidange vésicale (contraction détrusorienne et relâchement sphinctérien).
Le tableau 1 résume l’innervation de l’appareil vésico-sphinctérien.
Le passage de la phase de stockage à la miction normale est dû à une inversion du gradient de pression qui existe entre vessie et urètre (fig. 2). Les événements qui se produisent au cours de la miction normale sont précisés dans le tableau 2. La miction normale est donc un phénomène actif.
Le dysfonctionnement d’une seule des étapes de la phase de vidange normale peut aboutir à l’impossibilité totale et brutale d’uriner qui définit la rétention aiguë d’urine.
Il est ainsi facile de distinguer la rétention aiguë d’urine de son principal diagnostic différentiel qu’est l’anurie. Chez le sujet anurique, les reins ne produisent pas d’urine, la vessie ne se remplit donc pas, le patient n’urine pas mais il n’en n’a pas envie.

Diagnostic de la rétention aiguë d’urine

La rétention aiguë d’urine (RAU) est avant tout un diagnostic clinique et une urgence thérapeutique. On limitera donc l’interrogatoire, l’examen clinique et d’éventuels examens complémentaires au strict minimum conduisant à la certitude diagnostique et permettant un traitement adapté et immédiat. Une rétention aiguë d’urine est souvent la manifestation aiguë d’une pathologie sous-jacente dont il conviendra dans un second temps de faire le diagnostic et la prise en charge étiologique complète.

Diagnostic en urgence de la rétention aiguë d’urine dans sa forme typique

C’est une envie douloureuse d’uriner qui ne peut être satisfaite. « Pisser ou mourir », disait Félix Guyon, un des fondateurs de l’urologie française, pour décrire l’état d’agitation et la souffrance d’un patient en rétention aiguë d’urine.
Le patient ne peut pas uriner depuis plusieurs heures. La douleur est sus-pubienne, intense, constante, et peut irradier dans les lombes. L’émission de quelques gouttes d’urine est parfois possible mais ne soulage pas. Si le patient est mince, à l’inspection de l’abdomen une voussure sus-pubienne est visible (le globe). La palpation est celle d’une masse rénitente arrondie sus-pubienne qui peut remonter jusqu’à l’ombilic, matte à la percussion, qui refoule en haut et en dehors la masse viscérale et les bruits hydro-aériques intestinaux normaux.
L’interrogatoire, en urgence, précise : heure de la dernière miction ; aspect de la dernière miction (urines claires ou hématuriques) ; antécédent de tumeur de vessie ; de sténose de l’urètre, prise d’anticoagulant.
L’examen clinique, en urgence, recherche : examen de l’abdomen et du méat urétral, prise de la température. Les touchers pelviens (rectal, vaginal) avant le drainage sont souvent difficiles et ne changent pas réellement la prise en charge immédiate. Ils sont indispensables après le drainage. La constatation d’une tumeur pelvienne au toucher rectal ou vaginal est une information importante pour le bilan étiologique.
Les examens paracliniques nécessaires à pratiquer en urgence sont :
– biologie : si on envisage un drainage vésical par cathéter sus-pubien seul, un bilan de coagulation est indispensable. La seule indication formelle et absolue au drainage sus-pubien est le traumatisme du bassin. Un bilan sanguin est en général disponible. Un dosage de créatinine est indispensable car la rétention aiguë d’urine peut s’accompagner, si elle dure, d’une insuffisance rénale aiguë obstructive. Son résultat n’est pas attendu pour le drainage ;
– imagerie : l’échographie pelvienne peut être utile en cas de doute diagnostique (patient obèse, patient inconscient).

Formes cliniques particulières

Rétention aiguë d’urine indolore : sujet inconscient, après rachi-anesthésie, après anesthésie péridurale, phase aiguë d’une paraplégie.
Rétention aiguë d’urine chez le sujet obèse, la femme enceinte (utérus retroversé) : difficulté diagnostique par l’absence de palpation abdominale informative. Évaluation de la réplétion vésicale échographique au moindre doute.
Rétention aiguë d’urine compliquée de rupture sous-péritonéale (alcooli­sation aiguë avec rétention et chute, vessie pathologique cicatricielle récemment opérée) : elle se présente comme une péritonite si la rupture est intrapéritonéale et peut être plus difficile de diagnostic en cas de rupture sous-vésicale.
Rétention aiguë d’urine du sujet âgé : agitation, confusion sont parfois au premier plan.

Diagnostics différentiels

Ce sont :
– l’anurie, qui se différencie par l’absence de production d’urine par les reins. Il n’y a donc ni globe vésical ni douleurs ;
– la rétention chronique d’urine : il y a un globe parfois même très important mais sans douleur. On retrouve dans ce cas des mictions à regorgement ;
– les tumeurs pelviennes (bénignes ou malignes) ;
– la grossesse.

Traitement en urgence

La rétention d’urine est une urgence thérapeutique. Son traitement est le drainage vésical en urgence. Deux moyens sont disponibles : le sondage vésical et le cathéter sus-pubien (cystocath). Il est indispensable de connaître les indications et les contre-indications de l’un et l’autre ainsi que leurs avantages et inconvénients afin de choisir le traitement le plus adapté à chaque situation.

Le sondage vésical

C’est le mode de drainage vésical le plus souvent pratiqué car c’est le moins invasif. Il consiste à introduire une sonde dans la vessie en passant par la voie naturelle, l’urètre, de manière rétrograde. Lors de la montée de cette sonde, il existe, malgré toutes les précautions d’asepsie, un risque de translocation microbienne et d’infection urinaire iatrogène. La pose de la sonde vésicale doit donc être réalisée dans des conditions d’asepsie strictes.
Bien que la pose d’une sonde vésicale soit un acte infirmier qui est accompli sur prescription médicale (en dehors du premier sondage chez un homme), c’est un acte que tout médecin doit savoir réaliser.
Les temps du sondage vésical sont les suivants :
– préparation du matériel et asepsie du gland ou de la vulve et du méat ;
– lubrification et anesthésie de l’urètre par instillation d’un gel de lidocaïne assurant ces deux fonctions (10 mL instillés lentement en 10 secondes, temps de contact suffisant au moins 10 secondes) ;
– introduction de la sonde sans forcer. Celle-ci est poussée jusqu’à la garde (notamment chez l’homme). Lorsque le ballonnet est gonflé avec de l’eau stérile, aucune douleur ne doit être ressentie. La sonde est ensuite reculée lentement jusqu’à ce que le ballon se bloque sur le col vésical. Chez l’homme, il ne faut pas oublier de recalotter le prépuce en fin de geste pour éviter la survenue d’un paraphimosis.
– en cas de difficulté à introduire la sonde on doit faire appel à l’urologue en urgence.
La figure 3 résume les principaux types de sondes vésicales.
Un échantillon d’urine est prélevé à travers la valve de prélèvement du système clos pour un examen cytobactériologique des urines. On clampe le cathéter à partir de 400 mL d’urine pendant 10 minutes, puis on termine le drainage pour limiter le risque d’hématurie a vacuo. On quantifie le volume total d’urine dans la rétention et on le consigne dans le dossier. Durant les 6 heures suivant le drainage, le volume d’urine est quantifié toutes les heures pour dépister un syndrome de lever d’obstacle.
La durée du sondage est toujours la plus courte possible pour limiter le risque infectieux urinaire.

Le cathéter sus-pubien

La pose d’un cathéter sus-pubien est un acte médical spécialisé invasif. Elle consiste à introduire une sonde de drainage directement à travers la paroi abdominale sur la ligne médiane 1 à 2 cm au-dessus du pubis (fig. 4). Les conditions d’asepsie sont aussi strictes que pour une sonde vésicale. Le prélèvement d’urine, le clampage et la surveillance de survenue d’un syndrome de levée d’obstacle sont les mêmes que pour une sonde vésicale.

Choix du mode de drainage

Le choix du mode de drainage doit tenir compte des éléments du tableau 3.Le dogme du cathéter sus-pubien obligatoire en cas de prostatite aiguë bactérienne est à nuancer. En terme de médecine basée sur les preuves, il n’est pas démontré que la sonde vésicale augmente le taux d’abcès prostatiques ou d’évolution défavorable de la prostatite aiguë bactérienne (sepsis sévère ou choc). En revanche, un cathéter sus-pubien mal posé peut entraîner des complications dans 10 à 29 % des cas, graves (2,7 % de plaies digestives), voire mortelles.

Complication du drainage urinaire en urgence

Complications communes aux deux modes de drainage :
– syndrome de levée d’obstacle ;
– hémorragie a vacuo ;
– douleurs (spasmes vésicaux) ;
– infections urinaires sur cathéter : elles augmentent avec la durée du sondage. Il faut donc limiter sa durée au minimum. Les études montrent que les sondes et cathéters sont systématiquement contaminés au bout de 7 jours. Une bactériurie dans un prélèvement sur sonde doit être interprétée avec prudence. Seules les bactériuries accompagnées de symptômes cliniques (fièvre, majoration des brûlures autour du cathéter) permettront de poser le diagnostic d’infection urinaire.
Seulement dans ce cas ou s’il est prévu un geste endoscopique, il faut initier un traitement par antibiothérapie. Par ailleurs, il est nécessaire de changer le cathéter au bout de 48 heures d’antibiothérapie (biofilm autour du cathéter protégeant les bactéries et empêchant la bonne diffusion des antibiotiques).
Complications propres au sondage vésical : fausse route, sténose de l’urètre.
Complications propres au cathéter sus-pubien : plaies digestives, vasculaires…

Diagnostic étiologique

Une fois le patient soulagé, on débute l’enquête étiologique. Il convient de trouver des arguments dans l’interrogatoire et l’examen clinique qui orientent vers la cause de la rétention aiguë d’urine.
La rétention aiguë d’urine résulte d’un trouble de la vidange vésicale. La vidange vésicale est le résultat d’un jeu de pression. Il peut y avoir une vidange vésicale si la pression dans la vessie devient plus grande que dans l’urètre, c’est ce qui se passe physiologiquement pendant la miction. Lors d’une rétention aiguë d’urine, la pression dans la vessie n’arrive pas à dépasser la pression dans l’urètre. Ce trouble peut donc être dû à deux grandes catégories de causes :
– soit la pression urétrale ne s’abaisse pas ou est trop élevée ; il y a un obstacle sous-vésical, urétral (prédominance masculine) ;
– soit la vessie ne se contracte plus ou pas assez ; il y a une hypocontractilité vésicale (prédominance féminine).
Le tableau 4 récapitule les principales orientations étiologiques.

Causes urétrales

Le tableau 5 énumère les causes les plus fréquentes de rétention aiguë d’urine d’origine urétrale, leurs arguments diagnostiques, ainsi que les grandes lignes de leur prise en charge spécifique.

Causes vésicales

Le tableau 6 résume les causes vésicales de rétention aiguë d’urine.

Causes mixtes

Parfois, le mécanisme de la rétention aiguë peut être mixte, avec à la fois une altération de la fonction détrusorienne et un obstacle sous-vésical.
L’obstruction chronique de la vessie par un obstacle (hyper‑trophie bénigne de la prostate décompensée, par exemple) peut avoir comme conséquence la distension chronique de la vessie avec une altération de la paroi de cette dernière qui devient alors incapable de se contracter. Les mictions sont alors à regorgement et le globe vésical permanent.
Les maladies neurologiques peuvent entraîner des atteintes vésicales et sphinctériennes (et par conséquent des rétentions aiguës d’urine d’origine mixte). Il peut s’agir d’une atteinte des voies afférentes ou efférentes de la vessie empêchant sa contraction ou une dyssynergie vésico-sphinctérienne à l’origine d’un obstacle sous-vésical fonctionnel puisque le sphincter ne s’ouvre pas quand la vessie se contracte. Dans les causes les plus connues, on retrouve :
– une maladie du système nerveux central : sclérose en plaques, traumatisme et compression médullaire, maladie de Parkinson, accident vasculaire cérébral ;
– une maladie du système nerveux périphérique : syndrome de la queue de cheval, neuropathie périphérique diabétique, alcoolique.
Un patient peut présenter aussi deux causes de rétention aiguë d’urine associées. Il ne faudra pas négliger la possible participation d’une cause urologique (hypertrophie bénigne de la prostate, par exemple) chez un patient sexagénaire ayant un trouble connu de la vidange vésicale d’origine neuro­logique.
Enfin, des circonstances telles que la présence d’un fécalome, d’hémorroïdes et plus généralement de douleurs peuvent entraîner une rétention aiguë d’urine par réflexe fonctionnel.
Points forts
Rétention aiguë d’urine

La rétention aiguë d’urine est un diagnostic clinique et une urgence thérapeutique.

Le traitement de première intention est le sondage vésical. Ses contre-indications (peu nombreuses) feront opter pour un cathéter sus-pubien.

Aucun examen complémentaire ne doit retarder la prise en charge thérapeutique.

Les causes sont soit un obstacle sous-vésical (le plus fréquent étant l’hypertrophie bénigne de la prostate), soit une hypocontractilité vésicale (la plus fréquente étant une cause médicamenteuse).

Message auteur

Message de l'auteur

Le sujet de la rétention aiguë d’urine est un sujet qui ne peut tomber que dans le cadre d’une question transversale. Il est très facile à insérer car il s’agit d’un item transdisciplinaire qui touche à l’urgence et qui doit être maîtrisé par tout futur médecin.Il y a trois situations qui sont très probables :– un sujet de gériatrie où le diagnostic sera à évoquer devant un tableau de confusion. Il s’agira ici d’une question diagnostique puisque s’entremêleront toutes les causes urologiques, neurologiques et la polymédication de la personne âgée ;– un sujet sur les effets secondaires des traitements anesthésiques, antalgiques, ophtalmologiques ;– enfin, c’est une question qui sera probablement abordée si un sujet d’urologie tombe. La rétention aiguë d’urine est la manifestation clinique initiale de nombreuses pathologies urologiques et c’est la première urgence par ordre de fréquence en urologie.On imagine facilement un sujet qui mêlerait les items de la rétention aiguë d’urine, de l’hypertrophie bénigne de prostate, en abordant le dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) et son rôle dans le dépistage du cancer de la prostate. C’est un sujet qu’il est nécessaire de bien connaître car les interrogations des patients sont nombreuses et fréquentes dans ce domaine.Un autre sujet d’urologie dans lequel la rétention aiguë d’urine peut tomber est le cancer de la prostate localement avancé. Bien qu'il s'agisse d'un mode de decouverte rare de nos jours du cancer de la prostate, il peut introduire un sujet sur cet item et peu de sujets sont tombés dessus, or c’est le premier cancer chez l’homme par ordre de fréquence et il s’agit d’un cancer ou le traitement est à connaître.

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