L’article « Utilisation du score calcique en pratique quotidienne » paru dans le numéro de janvier 2024 a suscité la réaction du conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). Un point de vue auquel les auteurs répondent.
Utilisation du score calcique en médecine générale, un intérêt clinique encore à démontrer
Le conseil scientifique du CNGE (CS-CNGE) a lu avec intérêt l’article de Matthieu Besutti et François Schiele portant sur l’utilisation du score calcique en pratique quotidienne.1 Les auteurs expliquent les mécanismes physiopathologiques ayant conduit au développement du score calcique. Puis ils abordent son utilisation dans le cadre de l’évaluation du risque cardiovasculaire en s’appuyant notamment sur les recommandations de la Société européenne de cardiologie de 2021.2 L’European Society of Cardiology (ESC) suggère son utilisation en complément des scores clinico-biologiques avec un grade IIb, ce qui correspond à « une efficacité peu établie basée sur des opinions ». Enfin, les auteurs de l’article concluent sur les implications thérapeutiques potentielles que le score calcique pourrait avoir, en nuançant dans un court dernier paragraphe qu’actuellement aucun essai randomisé n’a évalué la pertinence ou l’efficacité de l’utilisation du score calcique en prévention primaire par rapport aux scores clinico-biologiques recommandés tels que le SCORE2 et SCORE2-OP.
Ainsi, le niveau de preuve scientifique concernant le score calcique ne peut actuellement encourager son utilisation en pratique clinique, comme le souligne l’avis du CS-CNGE rendu public en mai 2022, publié ensuite dans la revue Exercer3 que nous ajoutons dans la suite de ce commentaire.
Ainsi, le niveau de preuve scientifique concernant le score calcique ne peut actuellement encourager son utilisation en pratique clinique, comme le souligne l’avis du CS-CNGE rendu public en mai 2022, publié ensuite dans la revue Exercer3 que nous ajoutons dans la suite de ce commentaire.
Avis du conseil scientifique du CNGE : intérêt du score calcique dans l’évaluation du risque cardiovasculaire en médecine générale
La prévention primaire des décès et maladies cardiovasculaires (CV) repose sur une évaluation du risque CV global quantifiable par des équations de risque fondées sur des facteurs cliniques et biologiques. En France, SCORE2 est l’équation la plus récente et adaptée à l’évaluation du risque de morbi-mortalité CV à dix ans des sujets âgés de 40 à 89 ans.4,5 L’évaluation du risque CV en utilisant le score calcique (CAC), qui mesure l’étendue des dépôts athéromateux calcifiés dans les artères coronaires à l’aide d’un scanner thoracique, est controversée : certaines sociétés savantes recommandent son utilisation2,6,7 alors que d’autres considèrent que son niveau de preuve pour évaluer le risque CV et orienter des décisions thérapeutiques est insuffisant.8
Plusieurs études ont observé une corrélation entre un CAC élevé et la survenue d’événements CV, mortels ou non.9 En revanche, un CAC égal à 0 était prédictif d’une faible incidence d’événements CV par rapport aux sujets avec un CAC supérieur à 0, cette prédiction persistait après dix ans de suivi.9 Selon des recommandations françaises, un CAC supérieur à 100 définirait un haut risque CV, et un seuil supérieur à 400 définirait un très haut risque.7 Ces seuils, fixés à partir de données observationnelles,9 permettraient, dans le cadre d’une démarche de décision partagée, de repérer des patients à haut risque CV susceptibles de recevoir une statine,2,9 et ceux à faible risque CV avec un CAC égal à 0 susceptibles de ne pas en recevoir.9
Une revue systématique a étudié l’apport du CAC par rapport aux équations de risque CV seules.10 Environ 10 % des sujets avaient un CAC prédictif de risque intermédiaire ou élevé alors qu’ils avaient une équation clinico-biologique à risque faible. Parmi eux, plus de 86 % n’ont pas eu d’événement cardiovasculaire à cinq à dix ans. Inversement, parmi les 1 % de patients à haut risque selon une équation clinico-biologique mais à faible risque selon le CAC, plus de 91 % n’ont pas eu d’événement CV. Les bénéfices cliniques attendus d’une reclassification du risque CV avec le CAC sont donc mineurs par rapport à l’utilisation d’une équation de risque valide. De plus, ces éventuels faibles bénéfices sont contrebalancés par les difficultés d’accès à l’imagerie, les coûts, le risque de radiations ionisantes, les incidentalomes, la surmédicalisation et l’anxiété liée à la surveillance.9
Au total, compte tenu de l’absence de bénéfice clinique démontré lié à la mesure du CAC en complément d’un score clinico-biologique de mesure du risque CV, le conseil scientifique du CNGE préconise de ne pas utiliser le CAC en routine. Pour évaluer le risque CV des patients, il est préférable d’utiliser un score clinico-biologique comme SCORE2, validé en population d’Europe de l’Ouest.4,5
Plusieurs études ont observé une corrélation entre un CAC élevé et la survenue d’événements CV, mortels ou non.9 En revanche, un CAC égal à 0 était prédictif d’une faible incidence d’événements CV par rapport aux sujets avec un CAC supérieur à 0, cette prédiction persistait après dix ans de suivi.9 Selon des recommandations françaises, un CAC supérieur à 100 définirait un haut risque CV, et un seuil supérieur à 400 définirait un très haut risque.7 Ces seuils, fixés à partir de données observationnelles,9 permettraient, dans le cadre d’une démarche de décision partagée, de repérer des patients à haut risque CV susceptibles de recevoir une statine,2,9 et ceux à faible risque CV avec un CAC égal à 0 susceptibles de ne pas en recevoir.9
Une revue systématique a étudié l’apport du CAC par rapport aux équations de risque CV seules.10 Environ 10 % des sujets avaient un CAC prédictif de risque intermédiaire ou élevé alors qu’ils avaient une équation clinico-biologique à risque faible. Parmi eux, plus de 86 % n’ont pas eu d’événement cardiovasculaire à cinq à dix ans. Inversement, parmi les 1 % de patients à haut risque selon une équation clinico-biologique mais à faible risque selon le CAC, plus de 91 % n’ont pas eu d’événement CV. Les bénéfices cliniques attendus d’une reclassification du risque CV avec le CAC sont donc mineurs par rapport à l’utilisation d’une équation de risque valide. De plus, ces éventuels faibles bénéfices sont contrebalancés par les difficultés d’accès à l’imagerie, les coûts, le risque de radiations ionisantes, les incidentalomes, la surmédicalisation et l’anxiété liée à la surveillance.9
Au total, compte tenu de l’absence de bénéfice clinique démontré lié à la mesure du CAC en complément d’un score clinico-biologique de mesure du risque CV, le conseil scientifique du CNGE préconise de ne pas utiliser le CAC en routine. Pour évaluer le risque CV des patients, il est préférable d’utiliser un score clinico-biologique comme SCORE2, validé en population d’Europe de l’Ouest.4,5
Références
1. Besutti M, Schiele F. Use of the calcium score in daily practice. Rev Prat 2024;74(1):74-80.
2. Visseren FLJ, Mach F, Smulders YM, et al. 2021 ESC Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice: Developed by the Task Force for cardiovascular disease prevention in clinical practice with representatives of the European Society of Cardiology and 12 medical societies with the special contribution of the European Association of Preventive Cardiology (EAPC). Eur Heart J 2021;42(34):3227-337.
3. Conseil Scientifique du CNGE. Interest of the calcium score in the evaluation of cardiovascular risk in general medicine-Web of Science Core Collection. Exercer 2022;(188):465.
4. SCORE2 working group and ESC Cardiovascular risk collaboration. SCORE2 risk prediction algorithms: New models to estimate 10-year risk of cardiovascular disease in Europe. Eur Heart J 2021;42(25):2439-54.
5. SCORE2-OP working group and ESC Cardiovascular risk collaboration. SCORE2-OP risk prediction algorithms: Estimating incident cardiovascular event risk in older persons in four geographical risk regions. Eur Heart J 2021;42(25):2455-67.
6. Grundy SM, Stone NJ, Bailey AL, et al. 2018 AHA/ACC/AACVPR/AAPA/ABC/ACPM/ADA/AGS/APhA/ASPC/NLA/PCNA Guideline on the management of blood cholesterol: A report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. J Am Coll Cardiol 2019;73(24):e285-e350.
7. Valensi P, Henry P, Boccara F, et al. Risk stratification and screening for coronary artery disease in asymptomatic patients with diabetes mellitus: Position paper of the French Society of Cardiology and the French-speaking Society of Diabetology. Arch Cardiovasc Dis 2021;114(2):150-72.
8. US Preventive Services Task Force. Risk assessment for cardiovascular disease with nontraditional risk factors: US Preventive Services Task Force Recommendation Statement. JAMA 2018;320(3):272-80.
9. Nasir K, Cainzos-Achirica M. Role of coronary artery calcium score in the primary prevention of cardiovascular disease. BMJ 2021;373:n776.
10. Bell KJL, White S, Hassan O, et al. Evaluation of the incremental value of a coronary artery calcium score beyond traditional cardiovascular risk assessment: A systematic review and meta-analysis. JAMA Intern Med 2022;182(6):634-42.
2. Visseren FLJ, Mach F, Smulders YM, et al. 2021 ESC Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice: Developed by the Task Force for cardiovascular disease prevention in clinical practice with representatives of the European Society of Cardiology and 12 medical societies with the special contribution of the European Association of Preventive Cardiology (EAPC). Eur Heart J 2021;42(34):3227-337.
3. Conseil Scientifique du CNGE. Interest of the calcium score in the evaluation of cardiovascular risk in general medicine-Web of Science Core Collection. Exercer 2022;(188):465.
4. SCORE2 working group and ESC Cardiovascular risk collaboration. SCORE2 risk prediction algorithms: New models to estimate 10-year risk of cardiovascular disease in Europe. Eur Heart J 2021;42(25):2439-54.
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6. Grundy SM, Stone NJ, Bailey AL, et al. 2018 AHA/ACC/AACVPR/AAPA/ABC/ACPM/ADA/AGS/APhA/ASPC/NLA/PCNA Guideline on the management of blood cholesterol: A report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. J Am Coll Cardiol 2019;73(24):e285-e350.
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9. Nasir K, Cainzos-Achirica M. Role of coronary artery calcium score in the primary prevention of cardiovascular disease. BMJ 2021;373:n776.
10. Bell KJL, White S, Hassan O, et al. Evaluation of the incremental value of a coronary artery calcium score beyond traditional cardiovascular risk assessment: A systematic review and meta-analysis. JAMA Intern Med 2022;182(6):634-42.