Environ 1 Français sur 10 se plaint de reflux gastro-œsophagien. Chez un sujet de moins de 50 ans, sans signe d’alarme, on prescrit le plus souvent un traitement empirique par inhibiteurs de la pompe à protons. Mais environ 30 à 40 % de ces patients ne répondent pas (ou partiellement) à ces molécules. Que proposer à ces patients ?

 

Le reflux gastro-œsophagien (RGO) désigne le passage intermittent ou permanent d’un contenu gastrique dans l’œsophage. Physiologique, il est bref et essentiellement post-prandial. Il devient pathologique lorsque les reflux, fréquents et/ou prolongés, induisent des symptômes et/ou des lésions endoscopiques.

Les signes typiques sont le pyrosis (brûlures rétrosternales ascendantes) et les régurgitations acides. Ces symptômes, très spécifiques, permettent de faire le diagnostic clinique chez 90 % des patients. En cas d’âge supérieur à 50 ans ou de signes atypiques (douleurs thoraciques ou épigastriques sans pyrosis, manifestations ORL, toux chronique), des explorations sont nécessaires (algorithme de démarche diagnostique ci-dessous).

Figure

Chez un sujet de moins de 50 ans, sans signe d’alarme (dysphagie, anémie, altération de l’état général…), un traitement empirique peut être proposé sans exploration, le plus souvent par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), qui inhibent la sécrétion acide (mais n’ont pas d’action sur la régurgitation). Or environ 30 à 40 % de ces malades ne répondent pas (ou partiellement) à ces molécules. 


Que proposer à ces patients ?

Il faut préciser à l’interrogatoire la nature exacte des symptômes. Beaucoup sont qualifiés de « pyrosis » réfractaire alors qu’il s’agit de brûlures épigastriques ou cervicales sans le caractère rétrosternal ascendant (la probabilité d’un RGO est beaucoup plus faible).

Les symptômes persistant sous IPP sont généralement de nature dyspeptique ou ORL, alors que les manifestations typiques ont disparu. Les régurgitations sont moins bien soulagées par les IPP que le pyrosis. Enfin, la coexistence de troubles fonctionnels digestifs est un facteur majeur d’échec du traitement (les patients auraient une hypersensibilité viscérale sous-jacente).

Optimiser le traitement par IPP est essentiel. Tout d’abord : évaluer l’observance et les modalités de prise car moins de la moitié des patients respectent la prescription initiale. On doit s’assurer que les IPP sont pris à jeun, 15 à 20 min avant un repas (meilleure efficacité antisécrétoire). Ensuite, on peut suggérer de diviser la simple dose en 2 prises quotidiennes (1/2 dose matin et soir), changer d’IPP ou augmenter la posologie. La doubler (1 dose matin et soir, hors AMM) permet de soulager 20 à 25 % de patients supplémentaires. L’association des IPP à des alginates (Gaviscon) est licite ; en revanche, l’ajout de prokinétiques n’a jamais fait la preuve de son efficacité.


Quelles explorations ?

L’objectif est de prouver un RGO et/ou sa persistance sous IPP.

L’endoscopie digestive haute est indiquée en première intention : elle permet de documenter une authentique œsophagite peptique (inflammation de l’œsophage avec érosions et ulcérations de la paroi interne, de gravité variable, pouvant induire un endobrachyœsophage ou une sténose) ou un œsophage de Barrett (état précancéreux dans lequel la muqueuse squameuse œsophagienne se modifie en un épithélium de type intestinal). Elle peut aussi apporter des arguments en faveur d’un trouble moteur de l’œsophage (stase, ressaut cardial).

En l’absence de lésions peptiques endoscopiques, une pH-métrie de 24 heures* (à réaliser après une semaine de sevrage) permet de documenter un RGO : elle recherche une exposition acide œsophagienne pathologique (temps passé à pH < 4 supérieur à 5 %). Si cet examen est normal (pas d’exposition acide), l’hypothèse d’un RGO pathologique est écartée. Deux possibilités : s’il y a une association temporelle entre les symptômes et les reflux enregistrés, on parle d’œsophage acidosensible ou d’hypersensibilité au reflux ; si le patient a des brûlures rétrosternales ascendantes mais il n’y a pas d’association temporelle symptômes-reflux on évoque un « pyrosis fonctionnel » (tableau).

Tableau

*Chez les patients chez qui un RGO pathologique a préalablement été démontré en l’absence de traitement (œsophagite ou pH-métrie positive), une pH-impédancemétrie (réalisée sous traitement) est indiquée pour évaluer sa persistance sous IPP.


Quel traitement ?

Aucun médicament « antireflux » n’est disponible à l’heure actuelle, à l’exception du baclofène qui réduit leur nombre mais dont la tolérance est très médiocre. Néanmoins, compte tenu du rôle majeur de l’hypersensibilité viscérale dans la physiopathologie du reflux résistant aux IPP, on peut proposer dans certains cas des modulateurs de la douleur tels que les antidépresseurs tricycliques et les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), à des doses inférieures à celles modifiant l’humeur. En effet, citalopram et amitriptyline ont montré leur efficacité dans l’œsophage acidosensible (études contrôlées versus placebo).

Pour les patients ayant un authentique RGO réfractaire, la chirurgie (fundoplicature cœlioscopique) peut être envisagée : elle est indiquée lors de la persistance d’un syndrome postural avec régurgitations, après avoir éliminé un trouble moteur œsophagien sévère par manométrie œsophagienne.


Rappel des modalités de prescription des IPP

Voir : Macaigne G. IPP : pas sans danger ?  Rev Prat 2018 ;32(1011) ;830-1.

RGO chez les plus de 60 ans et/ou si symptômes typiques et rapprochés (1 fois par semaine ou plus) : IPP demi-dose pendant 4 semaines (sauf oméprazole pleine dose) puis éventuellement à la demande en cas de symptôme épisodique. Si rechutes fréquentes et précoces à l’arrêt de l’IPP : traitement d’entretien à dose minimale efficace.

Œsophagite non sévère (érythème, érosions non circulaires) : idem RGO.

Œsophagite sévère (érosions muqueuses circulaires, ulcération chronique, sténose ou encore endobrachy-œsophage) : IPP pleine dose pendant 8 semaines avec fibroscopie œsogastroduodénale (FOGD) de contrôle à l’arrêt. Traitement d’entretien systématique proposé au long cours à dose minimale efficace.


Posologies quotidiennes (demi-dose, pleine dose)

• Ésoméprazole (Inexium, Nexium Control) : 20 mg, 40 mg

• Lansoprazole (Lanzor, Ogast, Ogastoro) : 15 mg, 30 mg

• Oméprazole (Mopral, Zoltum, Mopralpro) : 10 mg, 20 mg

• Pantoprazole (Inipomp, Eupantol, Ipraalox) : 20 mg, 40 mg

• Rabéprazole (Pariet) : 10 mg, 20 mg

D’après :

Zerbib F. Reflux difficiles à traiter : que faire ?  Rev Prat Med Gen 2020;34(1037);185-6.

Macaigne G. IPP : pas sans danger ?  Rev Prat Med Gen 2018;31(1011);830-1.


Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

Abbes L, Zinzindohoue F. Reflux gastro-œsophagien.  Rev Prat Med Gen 2017;31(986):581-2.

Zerbib F. Suspicion de reflux gastro-œsophagien : stratégie diagnostique.  Rev Prat Med Gen 2020;34(1037);185-6.

Zinzindohoue F. Dossier. Reflux gastro-œsophagien chez l’adulte.  Rev Prat 2016;66(10):1079-95.

Les IPP, ce n’est pas automatique !  Rev Prat (en ligne) 12 novembre 2020.