Face à l’augmentation des prescriptions des IPP chez les tout-petits et du risque infectieux associé, la HAS a établi des recos claires pour la prise en charge du RGO en médecine générale (arbres décisionnels à l’appui) et des outils à destination des parents (fiche d’information à leur remettre ou à afficher dans la salle d’attente).

Chez l’enfant de moins d’un an, le reflux gastro-œsophagien (RGO) est un motif fréquent d’inquiétude parentale et de consultation en soins primaires. Tout l’enjeu en médecine générale est de distinguer un RGO physiologique, de loin le plus fréquent (il touche 70 % des nourrisson de 4 mois), d’un RGO pathologique, beaucoup plus rare avant 1 an, qui peut entraîner des complications graves.

La démarche diagnostique et la prise en charge en MG ont été bien codifiées dans cette fiche de la HAS, résumée dans l’arbre décisionnel en figure 1.

Écarter les signes d’alerte

Afin de ne pas méconnaître une pathologie à prendre en charge en urgence, il faut rechercher systématiquement les signes d’alerte suivants :

  • des vomissements en jet devenant fréquents chez un enfant de 2 à 8 semaines jusque-là en bonne santé et dont l’appétit est conservé mais qui ne prend plus de poids, évoquant une sténose hypertrophique du pylore ;
  • des vomissements bilieux (vert fluorescent) et une distension abdominale évoquant une obstruction intestinale ;
  • une fontanelle bombée et une augmentation rapide du périmètre crânien associées ou non à une fièvre ou une léthargie pouvant faire évoquer un trouble neurologique ou infectieux.

Distinguer un RGO physiologique d’un RGO pathologique

Une écoute des signes rapportés par les parents et un examen clinique sont généralement suffisants pour distinguer des régurgitations simples d’un RGO pathologique. Leurs caractéristiques cliniques sont indiquées dans le tableau ci-contre.

Les principaux signes évocateurs de RGO pathologique sont : des difficultés d’alimentation (refus de s’alimenter) ou un ralentissement de la croissance associé(es) à un changement de comportement (pleurs ou irritabilité persistants et inhabituels) ; une hématémèse évoquant une œsophagite par reflux ; l’apparition de régurgitations excessives après l’âge de 6 mois ou leur persistance au-delà de l’âge d’un an.

Certains facteurs de risque sont connus : prématurité, troubles neurologiques, certaines maladies génétiques ou congénitales (dont la mucoviscidose, atrésie de l’œsophage).

Ainsi, une irritabilité ou des pleurs excessifs, associés ou non à des régurgitations visibles, ne justifient pas à eux seuls des examens complémentaires à la recherche d’un RGO pathologique ni un traitement antisécrétoire.

Attention : des manifestations respiratoires ou ORL (pneumopathie d’inhalation, respiration sifflante, toux chronique, stridor ou laryngites à répétition) peuvent être liées à un RGO pathologique, mais le lien de causalité n’est pas clairement démontré.

Prendre en charge les régurgitations simples du nourrisson

Les régurgitations simples ne nécessitent aucun examen complémentaire. Même si la pression parentale est élevée compte tenu de l’anxiété générée par ces régurgitations, aucun traitement pharmacologique n’est nécessaire dès lors que la croissance pondérale est normale et que les signes d’alerte ont été écartés.

La réassurance parentale et des mesures hygiénodiététiques ci-dessous sont généralement suffisantes :

  • éviter de coucher l’enfant directement après le repas et le maintenir, aux bras ou en écharpe, en position verticale pendant, si possible, 20 à 30 minutes avant de le coucher ;
  • fractionner les repas ;
  • vérifier que la reconstitution de la préparation pour nourrisson est correctement réalisée, que l’enfant mange à sa faim, sans être forcé à finir son biberon ;
  • en 2e intention, épaissir la préparation pour nourrisson uniquement pour les enfants nourris au biberon. Les préparations anti-régurgitations « AR », à base de caroube ou d’amidon (> 2 g/100 mL) ou d’une association des deux, ont un pouvoir plus épaississant que les « formules épaissies » (amidon ≤ 2 g/100 mL).

En cas de signes d’allergie aux protéines de lait de vache non IgE-médiée (régurgitations persistantes ou excessives et eczéma, terrain familial atopique, constipation, rectorragies ou diarrhée chronique) ou si un RGO pathologique est suspecté après échec des mesures hygiénodiététiques, il est conseillé de faire un essai d’éviction des protéines de lait de vache de 2 à 4 semaines, suivi d’une réintroduction systématique (utiliser une préparation à base d’hydrolysat poussé de protéines de lait de vache ou un hydrolysat de protéines de riz puis éventuellement faire un deuxième test avec une préparation à base d’acides aminés). Si les régurgitations réapparaissent à la réintroduction, il faut évoquer une allergie aux protéines du lait de vache et adresser au spécialiste.

La prise en charge des régurgitations simples est résumée dans le graphique en figure 2 : logigramme.

Attention : il n’est pas recommandé de recourir à un essai d’une à deux semaines avec un IPP pour le diagnostic du RGO pathologique.

Reste-il une place pour les IPP ?

Leur prescription est hors AMM chez l’enfant de moins d’un an. Les effets indésirables sont : céphalée, nausées, diarrhée, constipation ; ils sont associés à une augmentation de 34 % du risque global d’infections bactériennes ou virales graves.

Ainsi, la HAS recommande de ne pas recourir à un IPP pour traiter des signes isolés de reflux de type régurgitations, pleurs ou irritabilité rapportés chez un enfant dont le développement est normal.

Chez l’enfant < 1 an, le recours à un IPP (hors AMM) est réservé au traitement d’une œsophagite par reflux authentifiée par endoscopie œsogastroduodénale ou au traitement d’un RGO pathologique attesté par pH-métrie.

En bref

L’arbre décisionnel en figure 1 résume la conduite à tenir devant un RGO chez l’enfant de moins d’un an.

Outils pour les parents

La HAS a élaboré deux documents :

  • Une fiche d’information à destination des parents « Reflux du nourrisson : un médicament est-il nécessaire ? », qui aborde :
    • l’absence de gravité du reflux du nourrisson ;
    • les conseils pour limiter ces reflux ;
    • les cas où un traitement pharmacologique peut être nécessaire.
  • Une affiche pour la salle d’attente : « Reflux du nourrisson : conseils aux parents »

D’après
Fiche pertinence : HAS. Reflux gastro-œsophagien chez l’enfant de moins d’un an : définitions, prise en charge et pertinence des traitements pharmacologiques.  29 février 2024.
Argumentaire scientifique : HAS. Reflux gastro-œsophagien chez l’enfant de moins d’un an. 29 février 2024.
Pour en savoir plus :
Nobile C. Régurgitations chez le nourrisson : ce qui marche, ce qui est inutile.  Rev Prat (en ligne) 30 janvier 2024.
Nobile C. RGO ou allergie au lait de vache ?  Rev Prat (en ligne) 22 juin 2022.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés