La rhinite et la conjonctivite sont des pathologies fréquemment rencontrées en pratique de ville, quel que soit l’âge du patient. Les causes de ces deux pathologies sont variées, et il est parfois difficile de faire la part entre l’allergie et les autres causes possibles – distinction pourtant nécessaire afin de mettre en œuvre un traitement adapté. 

Diagnostiquer une rhinite et une conjonctivite allergiques en trois étapes

Le diagnostic des rhinites et conjonc­tivites allergiques repose sur un inter­rogatoire (recensant les antécédents ­familiaux et personnels, l’âge de début, les signes cliniques, la présence d’une unité de temps et de lieu), la positivité d’une épreuve thérapeutique aux antihistaminiques et la réalisation d’examens complémentaires.

Interroger le patient pour orienter l’enquête étiologique

Antécédents familiaux et personnels

L’existence d’antécédents familiaux est un facteur de risque d’allergie : ­­le risque de survenue d’une allergie respi­ratoire est de 50 % si les deux parents sont allergiques, de 25 % si l’un des deux parents l’est, et de 10 à 15 % si aucun des deux parents ne l’est.

Les antécédents personnels de dermatite atopique et d’allergie alimentaire dans l’enfance sont des facteurs de risque de développer une allergie respiratoire au cours de la vie. Mais de nombreux enfants ayant eu une dermatite atopique dans la petite enfance ne développent pas d’allergie respiratoire, et inversement. En revanche, les allergies aux médicaments, aux hyméno­ptères et les eczémas de contact (cosmétiques, métaux…) ne sont pas des facteurs de risque connus de déve­lopper une rhinite et/ou une conjonctivite allergique.

 Âge de début 

Avant 3 ou 4 ans, la rhinite et la conjonctivite sont très rarement de cause allergique. Après 50 ans, l’allergie n’est pas la première cause à rechercher.

Des signes cliniques non spécifiques

Les symptômes de la rhinite allergique sont le prurit nasal, la rhinorrhée claire, les éternuements en salves et l’obstruction nasale. 

Les symptômes de la conjonctivite allergique sont le larmoiement, le prurit oculaire et l’érythème conjonctival. 

Pour ces deux pathologies, il existe un caractère bilatéral des symptômes. Ces derniers ne sont toutefois pas spécifiques de l’origine allergique : ils sont observés dans la plupart des rhinites et conjonctivites d’autres causes. 

Lorsqu’elles sont associées à un asthme, l’origine allergique est en revanche très probable. 

 Unité de temps 

La rhinite et/ou conjonctivite allergique peut se diviser en deux groupes en fonction de sa périodicité : la forme saisonnière ou intermittente et la forme perannuelle ou permanente (v. encadré). 

Une symptomatologie qui revient chaque année à la même période est très en faveur d’une cause allergique. En France, le début du printemps signe l’allergie aux pollens d’arbres alors que la fin de printemps et l’été sont propices à l’allergie aux pollens de graminées. Ces périodes peuvent être légèrement différentes en fonction de la région et du type de pollen. 

Les rhinites et conjonctivites perannuelles peuvent être dues à une cause allergique (acariens, présence d’un animal au domicile, etc.).Si beaucoup d’autres causes, non allergiques, sont à l’origine d’une rhinite et/ou d’une conjonctivite donnant des symptômes perannuels, celle évoluant par épisodes, perannuelle mais de façon aléatoire, avec des périodes sans symptôme, doit faire rechercher une autre cause que l’allergie.

Unité de lieu

L’apparition d’une rhinite et d’une conjonctivite toujours dans le même lieu est très évocatrice d’une cause allergique. Par exemple, lorsqu’elles apparaissent systématiquement dans des habitations où séjourne un animal, une allergie aux poils de ce dernier doit être évoquée (encadré). 

Lorsqu’elles se manifestent uniquement sur le lieu de travail, une allergie professionnelle est à rechercher (par exemple, allergie à la farine pour le boulanger).

Test thérapeutique aux antihistaminiques

Le traitement principal de la rhinite et de la conjonctivite repose sur les anti­histaminiques par voie orale ou locale. Leur efficacité est un argument en faveur d’une cause allergique, mais beaucoup d’autres rhinites ou conjonctivites non allergiques sont améliorées par les antihistaminiques ; ce n’est donc pas une preuve suffisante. 

En revanche, une absence totale d’efficacité des antihistaminiques est un argument très en faveur d’une cause non allergique.

Examens complémentaires

En allergologie, il existe deux façons de mettre en évidence une cause allergique : les tests cutanés (examen réservé aux allergologues ou aux médecins spécifiquement formés) et le dosage des immunoglobulines (IgE) spécifiques vis-à-vis des différents pneumallergènes. Ce dosage d’IgE spécifiques peut se faire de deux façons : tests multiallergiques ou unitaires. 

Rappelons toutefois, pour leur interprétation, qu’un examen positif ne suffit pas à confirmer l’allergie. En effet, beaucoup de patients ont des anticorps (IgE) vis-à-vis d’un allergène mais n’expriment pas forcément l’allergie : on parle alors de « sensibilisation ».

L’allergie est affirmée lorsque le patient a des signes cliniques évocateurs d’allergie et que les allergènes retrouvés dans le bilan expliquent la symptomatologie. Par exemple, une rhinite et/ou une conjonctivite saisonnière entre mars et avril avec un bilan uniquement positif pour les acariens doit être interprétée comme étant une sensibilisation aux acariens, mais une rhinite et/ou une conjonctivite saisonnière à la même période avec un bilan positif pour les pollens d’arbres confirme le diagnostic d’allergie aux pollens d’arbres.

En pratique, il est possible de prescrire des tests multiallergiques (Phadiatop, Mast CLA pneumallergènes…) ou des tests unitaires. Ces bilans sanguins ne requièrent aucune condition particulière : pas de nécessité d’être à jeun ; les antihistaminiques peuvent être poursuivis avant leur réalisation (contrairement aux tests cutanés qui nécessitent un arrêt préalable de 5 jours environ).

Phadiatop, un test non exhaustif

Il s’agit d’un test de dépistage de sensibilisation vis-à-vis des principaux pneumal­lergènes (acariens, certains pollens, poils de chat, poils de chien et certaines moisissures). Le résultat doit être interprété par rapport à la clinique. Il est exprimé en positivité ou négativité, sans quantification ni identification précise. Il ne contient pas tous les pneumallergènes et peut donc être négatif si le patient est allergique à l’un des allergènes qu’il ne recherche pas.

En cas de positivité se pose la question d’une ou de plusieurs sensibilisations ou d’une ou de plusieurs allergies.

Mast CLA pneumallergènes 

Ce test permet de rechercher trente IgE spécifiques vis-à-vis des principaux pneumallergènes. Les faux positifs sont nombreux : la concordance entre les tests cutanés et le résultat du Mast CLA est en effet très variable en fonction des ­allergènes (dactyle : 83 %, chien : 53 %). Cet examen peu sensible et peu spécifique doit être interprété avec précaution et par rapport à la clinique. Il est toujours difficile d’expliquer à un patient que le résultat d’un examen est positif mais qu’il ne faut pas en tenir compte.

Dosage unitaire des IgE spécifiques

Seuls cinq dosages unitaires des IgE spécifiques sont pris en charge par l’Assurance maladie. Ils doivent être prescrits en fonction des données de l’interrogatoire. Cet examen est plus sensible et plus spécifique que les précédents, mais une positivité peut être le signe d’une sensibilisation et non d’une allergie ; les résultats sont donc toujours à interpréter par rapport à la clinique.

Aucun apport de l’imagerie

Dans la rhinite et/ou la conjonctivite allergiques, la radiographie et le scanner des sinus sont normaux ; il n’y a donc pas d’indication à les prescrire. Leur utilité réside dans la recherche d’une cause non allergique (polypose nasosinusienne, ­sinusite chronique…).

Diagnostics différentiels de la rhinite allergique 

Les diagnostics différentiels sont nombreux, notamment chez l’adulte. Il en existe également trois principaux chez l’enfant.

Chez l’adulte 

La polypose nasale est une pathologie de l’adolescent ou de l’adulte. Elle entraîne souvent une rhinite perannuelle obstructive avec anosmie (et parfois agueusie, signe clinique à rechercher ­devant toute rhinite perannuelle), dont la présence doit faire évoquer cette cause en première intention.

La rhinite vasomotrice est classiquement perannuelle, non allergique. Les symptômes surviennent n’importe où et n’importe quand et sont déclenchés par les odeurs fortes, les changements de température et l’air conditionné. Elle prédomine chez la femme et apparaît plus volontiers après l’âge de 20 ans. Sa physiopathologie reste mal connue ; elle pourrait s’expliquer par une dysrégulation neurovégétative associant hypo­tonie sympathique et hypertonie para­sympathique. 

La rhinite médicamenteuse est déclenchée par l’utilisation dedécongestionnants locaux, d’antihypertenseurs, d’aspirine et autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), ou de psychotropes. Il faut savoir y penser.

La rhinite alimentaire est déclenchée lors ou au décours de l’ingestion d’aliments ou de boissons tels que l’alcool, le poisson ou le chocolat, par exemple. Le mécanisme mis en jeu pourrait être une histaminolibération. D’autres sub­stances provoquent des effets analogues, comme la tyramine, la caféine, les sulfites, la sérotonine, etc. Les rhinites au piment procèdent d’un mécanisme choli­nergique. La rhinite congestive et sécrétante banale, ou rhinite gustative, est due à la consommation d’aliments chauds ou irritants pour le nerf trijumeau (moutarde, poivre, raifort) ; il ne s’agit pas d’une allergie alimentaire.

La rhinite hormonaleest liée à des modi­fications hormonales physiologiques ou pathologiques ; 20 à 30 % des femmes enceintes rapportent des symptômes rhinologiques au cours de la grossesse. Les mécanismes sont controversés (modifications hormonales ? stress ? des facteurs psychosomatiques ? augmentation du volume sanguin ?).

La rhinite liée au vieillissement se manifeste par une rhinorrhée discontinue, des troubles de la sécrétion ou une sécheresse nasale. Une dysrégulation neuro­végétative est supposée en être la cause, mais peu d’études sur le sujet sont disponibles.

Le reflux gastro-œsophagien fait également partie des diagnostics différentiels de la rhinite allergique.

La rhinite chimique par irritationpeut avoir plusieurs origines : tabagisme, consommation de toxiques, ou professionnelle (utilisation de produits irritants), etc.

D’autres pathologies ORL peuvent également être évoquées : sinusite inflammatoire ou infectieuse, déviation de la cloison nasale, rhinites inflammatoires non allergiques (NARES).

Chez l’enfant 

Comme pour l’adulte, le reflux gastro-­œsophagien peut être un diagnostic différentiel de la rhinite allergique chez l’enfant.

Lorsque la présence d’un corps étranger est en cause, lasymptomatologie est surtout unilatérale. 

Enfin, la rhinite chimique par irritation est possible : elle a souvent pour origine une exposition au chlore contenu dans les piscines.

Les autres pathologies ORL possibles sont celles liées aux végétations et aux amygdales.

Quel traitement ? 

La prise en charge de la rhinite et de la conjonctivite allergiques se fait en trois étapes : éviction, traitement médicamenteux et désensibilisation en cas d’échec du traitement et à condition que l’allergène soit bien identifié. 

Éviction nécessaire 

L’éviction du ou des allergènes dont la responsabilité a été démontrée par l’interrogatoire et les examens complémentaires est indispensable (mais l’affection envers les animaux de compagnie ne permet pas toujours de l’obtenir). 

Traitements médicamenteux 

Le lavage oculaire et/ou nasal est toujours indiqué. 

Les antihistaminiques par voie orale ou locale (nasaux, collyres) constituent l’essentiel du traitement. Certains sont autorisés pendant la grossesse : desloratadine, lévocétirizine, fexofénadine, cétirizine et loratadine.

Les corticoïdes en collyre et par voie injectable ne sont pas recommandés et sont déconseillés en raison de leurs effets indésirables importants. Les corticoïdes par voie orale peuvent avoir une place en cure courte au début de la saison pollinique pour « amorcer » le traitement mais ne doivent en aucun cas être poursuivis.

Désensibilisation : en deuxième intention

La désensibilisation est un traitement qui peut permettre de diminuer, voire de supprimer, l’allergie du patient. Il s’agit d’un traitement long (plusieurs années) qui nécessite une bonne observance. Il est recommandé lorsque l’éviction ne peut être réalisée et que le traitement ­médicamenteux ne fonctionne pas.

Il n’est pas proposé en première intention et est indiqué dès lors que la responsabilité du ou des allergènes a été démontrée par l’interrogatoire et le bilan complémentaire. 

En général, cette désensibilisation est proposée au patient mono-allergique, et seuls certains allergènes peuvent être concernés : acariens, pollens de graminées, certains pollens d’arbres. La désensibilisation aux poils de chat, seule désensibilisation animale existante, n’a pas démontré son efficacité dans les différentes études cliniques.

Encadre

Rhinite et/ou conjonctivite allergique : les principaux allergènes

  • Acariens :Dermatophagoides pteronyssinus et Dermatophagoides farinae (pas de relation avec la farine) sont les acariens présents au domicile. Les signes cliniques de la rhinite et de la conjonctivite allergiques aux acariens sont perannuels, quotidiens, plus présents le matin (le lit est le site de prolifération des acariens). La symptomatologie est majorée dans les maisons inhabitées (plus d’acariens présents dans les lits inoccupés). On ne parle plus d’allergie à la poussière, et les affirmations du patient comme « Je suis gêné par la poussière, quand je fais le ménage » ne sont pas évocatrices d’une allergie aux acariens (ces questions ne doivent plus être posées).
  • Pollens de graminées : dactyle, ivraie, phléole, fétuque, chiendent… Ils apparaissent à la fin du printemps et durant l’été (la saison peut varier d’une région à l’autre).
  • Pollens d’arbres : bétulacées (bouleau, aulne, charme, noisetier), salicacées (peuplier, saule), oléacées (olivier, troène, frêne), cupressacées (cyprès, genévrier, thuya), fagacées (chêne, hêtre, châtaignier). Ces pollens sont présents au début du printemps (parfois à la fin de l’hiver) ; leur présence varie selon les régions (par exemple : bouleau dans le nord de la France, olivier et cyprès dans le sud de la France).
  • Pollens d’herbacées : armoise, ambroisie, pariétaire… La saison pollinique court de juillet à septembre (elle peut varier d’une région à une autre) ; ils ne sont pas tous présents dans toutes les régions (pariétaire dans la région de Lyon, par exemple).
  • Animaux : les principaux sont le chat et le chien,mais tous les autres animaux domestiques à poils sont susceptibles de provoquer des allergies (lapin, hamster, cobaye, gerbille, rat, souris, belette, fouine...). Attention : le serpent se nourrit de souris ; un propriétaire de serpent peut très bien avoir une allergie aux souris données aux serpents.
Encadre

Que dire à vos patients ? 

  • En cas de rhinite et/ou de conjonctivite, lavages oculaire et/ou nasal doivent être réalisés en premier lieu.
  • Dans la mesure du possible, l’éviction de l’allergène identifié est indispensable.
  • Les médicaments prescrits pour soulager les symptômes sont les mêmes, quel que soit l’allergène en cause.
Pour en savoir plus 
Braun JJ, Devillier P, Wallaert B, et al. Recommandation pour le diagnostic et la prise en charge de la rhinite allergique (épidémiologie et pathophysiologie exclues). Rev Fr Allergol 2010;50(1):3-6. 
Carsin A, Benoist G. Immunothérapie allergénique sub­linguale aux pollens et aux acariens dans la rhinite allergique chez l’enfant : conduite pratique. Perfectionnement en pédiatrie 2020;3(3):290-6.
Wise SK, Lin SY, Toskala E, et al. International consensus statement on allergy and rhinology : allergic rhinitis. Int Forum Allergy Rhinol 2018;8(2):108-352. 
Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) : www.lecrat.fr

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essentiel

La rhinite et/ou la conjonctivite ne sont pas toujours allergiques.

Le diagnostic étiologique repose sur l’interrogatoire : antécédents, description clinique, facteurs déclenchants.

L’absence totale d’efficacité des antihistaminiques est un argument très en faveur d’une origine non allergique.

Les examens complémentaires biologiques ne sont pas toujours fiables.

En cas de doute, orienter vers un allergologue pour des tests cutanés.