Les rhinosinusites chroniques – motif fréquent de consultation – regroupent des entités cliniques distinctes associées à une symptomatologie similaire : polypose nasale, obstruction nasale chronique, rhinite allergique… Comment s’orienter ? Quelle démarche diagnostique et thérapeutique ?

Si le terme « rhinosinusite chronique » a longtemps fait l’unanimité, il regroupe en fait des entités cliniques clairement distinctes. Pour mieux comprendre cette pathologie, on peut s’appuyer aujourd’hui sur la « théorie des trois nez », issue des connaissances sur l’évolution et le développement de l’organe nasal humain. Celui-ci apparaît comme un assemblage – au cours de l’évolution des espèces et de l’embryogenèse humaine – de trois nez différents (nez olfactif, nez respiratoire et nez sinusien) qui peuvent développer chacun des pathologies propres (polypose nasale, rhinite respiratoire chronique, sinusite…) ou des pathologies communes (rhinosinusites). 

Mais pour le patient, la gêne fonctionnelle liée à ces différentes pathologies n’a que peu de spécificité et associe – en combinaisons diverses – cinq ou six symptômes d’intensité variée : sensation de nez bouché, rhinorrhée antérieure ou postérieure, baisse de l’odorat, douleurs, éternuements ou toux chronique. D’où le concept de dysfonctionnement nasal chronique, qui impose un recueil standardisé des symptômes du patient, que la pathologie soit inflammatoire ou pas et qu’elle touche l’un ou l’ensemble des trois nez, afin d’en évaluer l’évolution. Le diagnostic causal est l’affaire du médecin.

Pathologie du nez olfactif : la polypose nasale

La polypose nasosinusienne est caractérisée par la présence de polypes bilatéraux dans les cavités nasales venant du massif ethmoïdal. Elle représenterait près de 40 % de l’ensemble des formes cliniques de rhinosinusite chronique, avec une prévalence d’environ 5 % en Europe. 

La plupart des symptômes rhinologiques (obstruction nasale, rhinorrhée antérieure, postérieure, crises d’éternuements, pesanteurs ou douleurs de la face) se rencontrent dans toutes les maladies rhinosinusiennes, mais deux symptômes ont une forte valeur diagnostique : l’anosmie et la perte de la flaveur qui sont presque pathognomoniques de cette maladie. L’examen clinique nécessite l’emploi d’un fibroscope souple (ORL).

Si la polypose s’associe à un asthme et une intolérance à l’aspirine et aux AINS, il faut évoquer un syndrome de Widal.

La prise en charge repose sur le lavage des cavités nasales et la corticothérapie locale. En France, trois molécules ont une AMM, avec l’indication « traitement symptomatique de la polypose nasosinusienne » (tableau).

Le recours à une cure courte de corticoïdes généraux (en association à des antibiotiques qu’en cas de surinfection bactérienne) ne doit pas dépasser 2 ou 3 prescriptions par an (corticoïde à élimination rapide – prednisone, prednisolone, ou bêtaméthasone – pendant 8 jours, en respectant les contre-indications, à 1 mg/kg/j, sans décroissance des doses). À partir de 3 cures par an, ou en cas de contre-indication, d’intolérance (prise de poids, insomnie…), de refus des corticoïdes généraux, le traitement chirurgical peut être envisagé : il permet un contrôle généralement prolongé de la maladie et des symptômes, en particulier des troubles de l’odorat, par ablation de la muqueuse vestigiale de l’ethmoïde.

Pathologie du nez respiratoire 

Rhinite allergique

Deux groupes de pneumallergènes sont responsables de la majorité des rhinites allergiques en France : les pollens – dont la présence dans l’air est saisonnière – et les fèces d’acariens qui sont présents toute l’année. 

La rhinite allergique saisonnière, avec la répétition annuelle de son cortège de symptômes explosifs (éternuements, rhinorrhée aqueuse, prurit nasal, pharyngé ou oculaire, larmoiement, obstruction nasale et assez souvent hyposmie discrète) est en général un diagnostic facile. 

La TDM du nez et des sinus n’est pas utile. En revanche, en cas d’allergie aux acariens, le dysfonctionnement nasal chronique peut se rapprocher de celui d’une polypose nasale. Mais dans ce cas, la fibroscopie nasale ne trouve pas de polypes francs des méats moyens ou des fentes olfactives. Elle objective seulement un aspect œdémateux, parfois même de la tête ou du bord libre des cornets moyens, associé à une hypertrophie blanche, rouge ou lilas des cornets inférieurs. En TDM, les masses latérales de l’ethmoïde et les sinus paranasaux montrent une radiotransparence normale. Les tests cutanés ou le dosage sérique des immunoglobulines de type E (IgE) spécifiques des pneumallergènes sont indispensables pour caractériser le ou les allergènes en cause et orienter la prise en charge.

Obstruction nasale chronique 

Liée à un dysfonctionnement mécanique des plexus caverneux du nez respiratoire, elle est typiquement à bascule ou majorée par le décubitus. Elle peut gêner le sommeil et aussi être sévère durant la journée, gênant l’élocution (rhinolalie fermée), l’alimentation, les activités physiques (dyspnée d’effort). Le dysfonctionnement nasal chronique de ces patients n’a pas de support inflammatoire et ne mérite pas un bilan causal de rhinite ou de rhinosinusite chronique. 

La fibroscopie nasale peut montrer une hypertrophie non inflammatoire des cornets inférieurs sans aspect pathologique du bord libre des cornets moyens, ou être normale, associée souvent à une déviation septale. La TDM montre une radiotransparence normale des cavités nasales et sinusiennes. 

Le dysfonctionnement mécanique des plexus caverneux peut être traité par la pulvérisation régulière et contrôlée de vasoconstricteurs nasaux (une pulvérisation par narine au coucher, à renouveler éventuellement une fois dans la nuit en cas de réveil par obstruction nasale) ou par turbinoplastie. Mais l’un ou l’autre de ces traitements peut aboutir à des effets délétères iatrogènes (rhinite aux vasoconstricteurs, rhinite croûteuse) en cas de mauvaise indication et ne doit être proposé qu’après un bilan ORL. Lors d’une utilisation prolongée des vasoconstricteurs nasaux, même à faible dose, la pression artérielle doit être surveillée.

Pathologie du nez sinusien

En cas de polype antrochoanal de Killian, le dysfonctionnement nasal chronique peut mimer celui d’une polypose nasale, d’une rhinite respiratoire chronique ou d’une obstruction nasale mécanique. La fibroscopie nasale retrouve le plus souvent, après aspiration des sécrétions qui encombrent une ou les deux fosses nasales, un polype unilatéral d’un méat moyen pouvant obstruer une choane ou les deux par extension dans le cavum. Le polype antrochoanal prend naissance dans le sinus maxillaire ou dans les autres sinus paranasaux mais jamais dans l’ethmoïde. L’exérèse chirurgicale permet une guérison définitive et la disparition de l’inflammation associée.

Les mycétomes sont également une pathologie spécifique des sinus paranasaux, par ordre de fréquence du sinus maxillaire, sphénoïdal et frontal. L’aspergillome,le plus fréquemment en cause, est un champignon parasite des sinus paranasaux qui peut demeurer asymptomatique pendant des années avant de se révéler sous une forme aiguë, subaiguë ou chronique, le plus souvent à la suite d’une surinfection bactérienne. Cette sinusite secondaire peut être guérie par l’exérèse chirurgicale complète du champignon.

La sinusite d’origine dentaire est d’abord maxillaire, mais l’inflammation peut s’étendre à l’ethmoïde, aux sinus frontal ou sphénoïdal et au nez respiratoire, aboutissant à un tableau de rhinosinusite chronique unilatérale.

Pathologies communes aux trois nez

Les infections aiguës saisonnières communes des voies aériennes supérieures s’accompagnent volontiers d’opacités tomodensitométriques de l’ethmoïde ou des sinus et sont donc, qu’il y ait ou non des sinusalgies, d’authentiques rhinosinusites.

Leur évolution est le plus souvent spontanément favorable moyennant un traitement symptomatique (antalgiques-antipyrétiques, lavages de nez, prescription limitée à 8 jours de vasoconstricteurs nasaux si obstruction nasale sévère, prescription pendant 1 mois de corticoïdes nasaux si évolution traînante, antihistaminiques en cas d’éternuements invalidants…). 

Un bilan TDM et un avis spécialisé urgent ne sont nécessaires que dans les formes hyperalgiques localisées ou devant une suspicion de complication (ethmoïdite extériorisée dans l’angle interne de l’œil, troubles oculaires, syndrome méningé) qu’il faut rechercher systématiquement. L’antibiothérapie doit être limitée et adaptée aux formes graves ou compliquées, dans certaines formes d’infection bronchopulmonaire associée, sur terrain fragile. 

Le traitement chirurgical est parfois nécessaire pour drainer ou évacuer une collection suppurée.

Enfin, n’oublions pas la mucoviscidose, affection chronique diffuse des épithéliums glandulaires de l’organisme qui atteint volontiers les trois nez. Il en est de même du syndrome de dyskinésie ciliaire primitive, qui touche tous les cils de l’organisme, ou des déficits immunitaires systémiques.

Pour en savoir plus

Bonfils P. Polypose nasosinusienne.  Rev Prat 2019;69(3);270-3.
Pathologie rhinosinusienne, dossier élaboré selon les conseils du Pr Patrice Tran Ba Huy.  Rev Prat 2019;69(3);269-85.

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