Les robots sociaux, utilisés dans le domaine de la santé et notamment dans les pathologies du neurodéveloppement, sont des entités mécaniques qui permettent de stimuler les utilisateurs par leur présence physique et leur capacité d’interaction sociale, selon diverses modalités : parole, expression faciale, gestuelle. Ces outils combinent des technologies informatiques interactives, adaptatives et sont équipés de capteurs (tactiles, lumineux, auditifs, de posture) leur permettant de réagir aux sons, aux mouvements ou aux contacts physiques des utilisateurs, offrant ainsi des fonctions et services variés.
Interventions psychosociales et assistance par la robotique
Les robots sociaux et d’assistance sont utilisés dans le cadre d’interventions psychosociales (approche non médicamenteuse) qui visent à maintenir ou à améliorer l’état de santé, le niveau de fonctionnement global, les relations interpersonnelles et le bien-être des bénéficiaires.
Robots sociaux, qu’est-ce donc ?
Ces robots – qui peuvent être des plateformes (machines), mais aussi avoir des traits humanoïdes ou animaloïdes – sont généralement capables de se déplacer et incluent un écran permettant d’accéder à une variété de services et/ou de contenus (figure). Certains robots peuvent être très onéreux (plusieurs milliers d’euros), alors que d’autres sont bien plus abordables (quelques centaines d’euros).
Pour qui, pour quoi ?
Les interventions psychosociales utilisant des robots sociaux sont possibles tant en institutions gériatriques (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, structures hospitalières) qu’à domicile. Elles peuvent être proposées à des personnes âgées avec ou sans troubles neurocognitifs (majeurs ou mineurs), associés ou non à des maladies chroniques entraînant une perte d’autonomie (accident vasculaire cérébral, par exemple).
Elles visent à préserver et renforcer les capacités cognitives, psychoaffectives et sociales, à réduire les symptômes psychocomportementaux (anxiété, dépression, agitation, apathie, opposition aux soins…), à permettre le maintien d’une activité sociale, à lutter contre les troubles de la communication et à maintenir l’autonomie et la qualité de vie du patient.
Ces interventions peuvent porter sur la cognition (stimulation ou réhabilitation), la motricité (kinésithérapie, psychomotricité, activité physique adaptée), les capacités fonctionnelles (simplification des activités, soutien cognitif, rappel de tâches), les symptômes psychocomportementaux (thérapies sensorielles, musicothérapie) ou les activités occupationnelles (chant, poésie, danse, jeux).
De multiples fonctions de soutien pour le patient âgé
Quelques exemples d’usage des robots sociaux et d’assistance sont ici décrits.
Médiateur ou coach
Le robot peut encourager l’engagement du patient dans une activité et le motive à la réaliser (effectuer un exercice, danser, chanter, participer à des jeux, etc.).
Par exemple, en institution, le robot NAO (
Le robot joue un rôle de facilitateur de l’interaction entre praticien et patient par sa faculté à susciter et à soutenir l’attention de ce dernier. Par son caractère ludique, le robot génère amusement, curiosité, motivation et plaisir chez l’utilisateur. Il peut aussi avoir une fonction de soutien en encourageant et en commentant positivement le comportement et les propos du patient.
Facilitateur de communication
La présence du robot peut stimuler et faciliter la communication et les interactions des patients entre eux et avec l’animateur, favorisant ainsi le langage, les échanges verbaux et non verbaux et donc les relations sociales du patient avec son entourage. Un psychologue exerçant en institution peut, par exemple, réunir un groupe de patients ne communiquant pas spontanément entre eux (du fait de la sévérité de leurs troubles cognitifs) et introduire un robot animal (par exemple un robot Paro) au sein du groupe, ce qui les incite à manipuler volontiers le robot, commenter ses cris et ses mouvements et échanger entre eux des souvenirs sur leurs anciens animaux de compagnie.2
Efficace contre l’agitation et l’angoisse
Le robot peut avoir une action positive sur les troubles du comportement, notamment en contribuant à la gestion de l’agitation et de l’anxiété. Dans des situations où la communication est difficile par le langage, l’interaction avec le robot, qui passe par d’autres canaux (tactile, kinesthésique, visuel, auditif), joue à la fois un rôle de distracteur émotionnel et cognitif et permet de calmer l’angoisse du patient. En service de gériatrie, la médiation robotique est utilisée pour faciliter notamment la réalisation de soins douloureux, vécus par les personnes âgées ayant des troubles neurocognitifs majeurs, comme une source importante de stress et d’anxiété, se manifestant par des comportements d’opposition, d’agitation ou d’agressivité.
Un « compagnon »
Le robot peut contribuer à réduire le sentiment de solitude des personnes à domicile ou en institution, offrant ainsi un soutien socio-émotionnel. Il peut représenter, pour ceux qui interagissent avec lui, un objet d’attachement et de projection rassurant et fournissant une multitude de possibilités. À domicile, il peut aussi permettre un court répit à l’aidant familial : pendant que le patient manipule le robot et s’intéresse à cet outil, l’aidant peut bénéficier de temps pour des activités personnelles ou du repos.
Un assistant personnel robotisé
Le robot peut également soutenir les personnes âgées dans la réalisation de certaines tâches quotidiennes en utilisant diverses fonctionnalités (fonction de rappel, gestion d’agenda, aide à la navigation…). Par exemple, avec un robot de téléprésence, le patient peut communiquer avec sa famille, effectuer des exercices de stimulation cognitive ou des séances de méditation avec un professionnel à distance, bénéficier d’un système de rappel pour la prise de ses médicaments…
L’usage du robot doit être accompagné
En institution, l’utilisation d’un robot social et d’assistance, dans le cadre d’une intervention psychosociale, nécessite toujours un temps de préparation (définition du mode d’utilisation, programmation des contenus, hygiène du robot, recueil de l’accord préalable des bénéficiaires avec présentation de l’activité, etc.) par un professionnel (soignant, technicien, animateur) [
À domicile, il est souvent nécessaire de prévoir un aidant pour son utilisation (aidant familial en cas de robot simple, ou professionnel lorsqu’une formation de la personne âgée à son usage est requise).
Quelles limites ?
Les études menées dans le domaine de la robotique sociale et d’assistance ont montré des résultats globalement positifs en matière d’acceptabilité et d’efficacité dans l’accompagnement des personnes âgées.3-5 Cependant, malgré le grand intérêt qu’elle suscite, la pratique de la médiation robotique n’est pas encore bien établie. Un certain nombre de barrières à l’acceptation et à l’implémentation persistent :
• les capacités techniques des robots sont encore limitées (incompréhension de la parole, absence de réponse ou réponse erronée de la part du robot) ;
• l’étude des bénéfices cliniques doit être approfondie. En effet, bien que les études d’évaluation de ces interventions soient prometteuses, elles ont souvent des faiblesses méthodologiques du fait du petit nombre de sujets, de l’absence de groupe de contrôle, ou encore de la courte durée d’intervention ;
• les questions éthiques soulevées par l’utilisation des robots chez des personnes âgées ayant des troubles cognitifs sont nombreuses : risque d’infantilisation ou de stigmatisation, celui de tromperie liée à l’illusion que ces robots pourraient être de véritables compagnons et celui de la déshumanisation possible des soins. Le respect de l’autonomie et de la vie privée des personnes âgées, les questions de responsabilité et de sécurité lors de l’utilisation des robots sont autant de points nécessitant une attention ;
• la mise en place d’une intervention à médiation robotique implique des moyens matériels et humains conséquents ;
• les robots sociaux sont encore méconnus du grand public, des personnes âgées et des professionnels de la santé, ce qui limite leur développement à grande échelle.
Que dire à vos patients ?
• Un patient ayant des troubles neurocognitifs peut bénéficier d’une intervention à médiation robotique.
• Les professionnels de santé spécialisés (médecin gériatre, équipe spécialisée Alzheimer, maison des aînés et des aidants) peuvent fournir de plus amples informations.
1. Rouaix N, Retru-Chavastel L, Rigaud AS, et al. Affective and engagement issues in the conception and assessment of a robot-assisted psychomotor therapy for persons with dementia. Front Psychol 2017;8:950.
2. Wu YH, Pino M, Boesflug S, et al. Robots émotionnels pour les personnes souffrant de maladie d’Alzheimer en institution. NPG Neurologie-Psychiatrie-Gériatrie 2014;14(82):194-200.
3. Abdi J, Al-Hindawi A, Ng T, et al. Scoping review on the use of socially assistive robot technology in elderly care. BMJ Open 2018;8(2):e018815.
4. Broekens J, Heerink M, Rosendal H. Assistive social robots in elderly care: a review. Gerontechnology 2009:8(2):94-103.
5. Pu L, Moyle W, Jones C, et al. The effectiveness of social robots for older adults: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled studies. Gerontologist 2019;59(1):e37-e51.
Devilliers L. Des robots et des hommes, mythes, fantasmes et réalité. Paris: Plon; 2017.
Dumouchel P, Damanio L. Vivre avec les robots. Essai sur l’empathie artificielle. Paris: Seuil, coll. « La couleur des idées »; 2016.