Quelle que soit la mesure de protection, la loi pose le principe de l’autonomie de la personne, selon lequel le majeur protégé prend lui-même les décisions touchant à sa personne.1 Si la personne protégée ne peut prendre seule une décision éclairée, le juge peut prévoir que la personne en charge de la mesure de protection doive l’assister, ou, si nécessaire, la représenter pour ces actes.

Personne de confiance

Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance (qui peut être un parent, un proche, son médecin traitant…) qui pourra, si elle le souhaite, l’accompagner et l’assister dans ses démarches concernant sa santé.
Cette personne de confiance pourra également témoigner de sa volonté auprès de l’équipe médicale dans l’hypothèse où le patient serait hors d’état d’exprimer sa volonté, notamment s’il est envisagé une limitation ou un arrêt des traitements dans une situation de fin de vie, ou encore s’il est envisagé une sédation profonde et continue jusqu’au décès. En l’absence de directives anticipées, l’avis de la personne de confiance l’emporte sur tout autre avis émis par la famille ou les proches, notamment lors de procédures collégiales. La personne de confiance peut également prendre l’initiative de demander l’ouverture d’une procédure collégiale (procédure consistant à recueillir l’avis motivé d’au moins un autre médecin, appelé à titre de consultant, ainsi que de l’équipe de soins en charge du patient, avant de prendre une décision médicale importante dans les situations de fin de vie). À son issue, le médecin référent du patient prendra les décisions médicales qu’il estime s’appliquer à la situation particulière de son patient.
Si le rôle de la personne de confiance est bien connu dans des situations de fin de vie, il faut savoir qu’elle peut également accompagner le patient lors de ses consultations médicales afin de l’aider dans ses décisions si le patient le souhaite, ou encore l’assister s’il demande à lire son dossier médical (mais la personne de confiance ne peut y accéder directement).

En pratique

La désignation d’une personne de confiance par un patient doit se faire par écrit, sur papier libre ou à partir de modèles (disponibles sur les sites de la Haute Autorité de santé ou sur service-public.fr).
Il ne s’agit pas d’un acte notarié. Ce document, pour être valable, doit être signé par le patient mais également par la personne désignée, qui ainsi donne son accord pour devenir personne de confiance. Cette désignation est modifiable à tout moment par le patient, mais également si la personne de confiance désignée ne souhaite plus jouer ce rôle. La désignation d’une personne de confiance peut être faite en cas de maladie, de susceptibilité de vulnérabilité, et de manière générale par tout patient en bonne santé afin d’anticiper ces situations.
Pour éviter que ce document ne se perde, le médecin traitant peut conseiller au patient de dire à ses proches qui il a désigné, où se trouve ce document, et d’en garder une copie dans son dossier médical, au cabinet.

Directives anticipées

Toute personne majeure (qu’elle soit en bonne santé, malade ou atteinte d’un handicap) peut, si elle le souhaite, faire une déclaration écrite précisant ses souhaits sur la prise en charge médicale de sa fin de vie. Les directives anticipées lui permettent ainsi d’être l’acteur des décisions médicales concernant sa fin de vie, notamment la poursuite ou l’arrêt des traitements, dans le cas où elle ne serait plus en mesure d’exprimer sa volonté.
Si le patient ne peut exprimer sa volonté, le médecin le prenant en charge consultera en premier les directives anticipées si elles existent, à défaut il s’adressera à sa personne de confiance, puis à sa famille, ses proches, son médecin traitant.
En effet, le contenu des directives anticipées prime sur les avis et témoignages et elles s’imposent au médecin, qui ne peut refuser de les appliquer que dans deux situations :
– en cas d’urgence vitale, pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation ;
– lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Dans ce cas, le médecin rend sa décision à l’issue d’une procédure collégiale. La décision de refus d’application des directives anticipées est portée à la connaissance de la personne de confiance, puis de la famille ou des proches.

En pratique

La rédaction des directives anticipées se fait par écrit (sur papier libre ou modèle disponible sur service-public.fr). Ce document doit être daté, signé, comporter l’identité complète du patient avec sa date et son lieu de naissance. Ces directives doivent être rédigées alors que le patient est en capacité d’exprimer une volonté de manière libre et éclairée.
Si le patient est dans l’impossibilité physique de les rédiger, celles-ci peuvent être rédigées par un tiers, accompagné de deux témoins attestant par écrit que ce document est bien l’expression de la volonté libre et éclairée du patient ; le médecin traitant peut alors ajouter une attestation indiquant que le patient est en état d’exprimer sa volonté.
Ces directives anticipées sont modifiables totalement ou partiellement à tout moment par une révision écrite. Les dernières directives en date seront celles prises en compte. Elles ont une durée de validité illimitée.
Le médecin traitant doit conseiller au patient d’en parler à ses proches, de garder l’original et de dire à ses proches où il se trouve, et en conserver une copie dans son dossier médical au cabinet et éventuellement d’en mettre une copie dans son dossier médical partagé (DMP) s’il existe. Le patient peut éventuellement désigner une personne de confiance et lui confier la copie de ses directives anticipées.

Des directives médicales seulement

La loi a prévu que seules les volontés de nature médicale constitueront des directives obligatoires pour les médecins prenant en charge le patient en fin de vie. Ainsi, si le patient peut exprimer ses souhaits, ses craintes, ses attentes ou ses convictions (par exemple sur le lieu où il souhaite finir sa vie) dans ses directives anticipées, il n’existe légalement aucune obligation que ceux-ci soient respectés. Pour être certain que sa volonté soit respectée, il vaut mieux que le patient en parle à ses proches, à son notaire et éventuellement rédige un mandat de protection future (v. infra).
Attention : un testament est un écrit par lequel une personne exprime ses dernières volontés sur la transmission de ses biens, après son décès, à un ou plusieurs bénéficiaires. Cela n’a rien à voir avec les directives anticipées, ni avec les souhaits d’un patient concernant le lieu où il souhaite passer ses derniers jours.

Anticiper la vulnérabilité : le mandat de protection future

Le mandat de protection future donne la possibilité à toute personne majeure d’organiser à l’avance sa propre protection, lorsqu’elle est encore en état d’exprimer clairement sa volonté, dans l’éventualité où un jour elle ne serait plus en capacité de défendre ses intérêts du fait d’une altération physique et/ou psychique. Il permet au patient de choisir la ou les personnes qui exerceront sa protection et l’étendue de cette protection (tant sur le plan de ses biens que de sa personne). Il s’agit d’un contrat consenti librement avec ces personnes.
Le mandat de protection future n’est pas une mesure de protection juridique à proprement parler : elle ne fait perdre aucun droit au patient, ni sa capacité juridique (il peut continuer à voter, à gérer son argent…).
Le ou les mandataires peuvent être choisis dans l’entourage familial, amical ou être un professionnel à qui l’on confie cette charge : notaire, avocat, mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Il exerce sa mission gratuitement ou une rémunération est fixée à l’avance au contrat pour les professionnels.
Tant que le mandat n’a pas pris effet, il est possible de l’annuler ou de le modifier. Le mandataire peut aussi renoncer à la mission qui lui est confiée.
Ce mandat se met en place à partir du jour où il est constaté officiellement par un médecin agréé que les capacités physiques ou mentales du patient sont altérées et après enregistrement au greffe du tribunal judiciaire dont dépend son domicile.

Deux types de mandat


Mandat sous seing privé

Le mandat peut être établi sous seing privé (sur papier libre contresigné par un avocat ou établi sur un mo­dèle réglementaire – disponible sur service-public.fr) et est limité à la gestion courante du patrimoine. Il doit être daté et signé de la main du mandant (la personne qui organise sa protection future) et par le mandataire (la personne qui exercera la mesure de protection) qui accepte cette mission en le signant. Ce mandat doit être enregistré à la recette des impôts (coût d’environ 125 euros). Si le mandat est mis en œuvre, le mandataire devra rendre compte de l’exercice du mandat au greffier en chef du tribunal judiciaire annuellement (une vérification du respect de ce contrat pourra éventuellement, mais non systématiquement, être effectuée par le greffe). Tout intéressé peut saisir le juge des tutelles en cas de manquement à ce contrat.

Mandat notarié

Ce mandat peut également être établi devant un notaire en présence du mandant et de son mandataire. Il donne des pouvoirs plus étendus au mandataire, notamment dans la protection de la personne et permet de détailler les souhaits de la personne protégée. Si le mandat est mis en œuvre, le mandataire devra rendre compte de l’exercice du mandat au notaire annuellement : il devra remettre l’inventaire du patrimoine et le rapport annuel de gestion des comptes. Cela permet de vérifier l’application effective des volontés du patient. Le coût est d’environ 300 euros (frais de notaire et d’enregistrement inclus). Les tribunaux donnent plus de force probante au mandat notarié. Le notaire a l’obligation d’avertir le juge des tutelles en cas d’abus ou de non-respect de ce contrat ; toute personne peut également l’informer d’une irrégularité.

En pratique

Ainsi un patient peut prévoir à l’avance l’endroit où il souhaite finir sa vie, les activités qu’il souhaite maintenir (par exemple, passage hebdomadaire d’une coiffeuse à domicile, livraison de ses courses préférées) et la gestion de ses biens (par exemple, quel bien ne devra jamais être vendu de son vivant), etc.
En cas de dépendance médicalement constatée, le juge des tutelles (désormais appelé juge des contentieux de la protection) privilégiera la volonté du patient en appliquant ce mandat de protection future : il s’agit désormais d’un mode de protection prioritaire.
Si jamais celui-ci est insuffisant pour garantir l’intérêt de la personne ou si son exécution porte à discussion, le juge peut alors compléter la protection par une mesure judiciaire (curatelle, tutelle). Le plus souvent, le juge désigne comme responsable de cette mesure de protection juridique le mandataire choisi par le patient afin de respecter ses volontés (à condition que celui-ci n’ait commis aucun manquement dans l’application du mandat de protection future).

Mesures de protection  lorsqu’une situation de vulnérabilité est présente

Constatation et signalement au procureur de la République

En cas de suspicion ou de constatation de violences sur des patients âgés, qu’elles soient physiques, psychologiques, ou financières, ou d’une situation de vulnérabilité particulière chez un patient hors d’état de se protéger en raison de son âge, de son incapacité physique ou psychique, le médecin doit faire un signalement au procureur de la République, et cela même en l’absence de constatation de lésion physique.3

Mise en place de mesures de protection juridique

Toute personne vulnérable peut avoir besoin d’une protection qui, selon la gravité de son état de santé et de ses difficultés à défendre ses propres intérêts du fait d’une altération de ses capacités physiques et/ou psychiques, nécessite la mise en place d’une mesure de protection juridique par le juge des contentieux de la protection (auparavant et encore communément appelé juge des tutelles) [tableau].
Ce juge des tutelles du tribunal judiciaire dont dépend le domicile de la personne vulnérable se prononce :
– après examen d’un certificat médical circonstancié établi par un médecin agréé inscrit sur une liste établie par le procureur de la République (le coût est d’environ 160 euros à la charge du majeur vulnérable) ;
– après avoir rencontré la personne concernée (immédiatement si son état de santé le permet ; sinon a posteriori) ;
– et éventuellement après avoir rencontré ses proches et effectué une enquête.
Trois types de mesures de protection juridique existent. Elles sont progressives et limitées dans le temps. Selon l’urgence et son état de santé, il peut être mise en place :
– une sauvegarde de justice, mesure provisoire et d’urgence ;
– une curatelle, mesure d’assistance et de contrôle (le curateur fait « avec » la personne) ;
– une tutelle, mesure de représentation (le tuteur « fait à la place de » la personne).
Pour respecter les droits et libertés des personnes, éviter de les sur- ou sous-protéger, le juge doit se prononcer pour la mesure la plus adaptée à la situation selon trois principes :
– le principe de nécessité ; la mesure de protection juridique n’est appliquée que si la situation le justifie car les facultés de la personne sont effectivement altérées, comme l’atteste le médecin agréé ;
– le principe de subsidiarité ; si un autre moyen, moins restrictif de liberté, peut être trouvé pour protéger la personne, il est privilégié (procuration, mandat de protection future…) ;
– le principe de proportionnalité : le juge doit choisir la mesure parfaitement adaptée aux capacités propres de chaque personne vulnérable.
Pour ouvrir une mesure de protection juridique, la demande se fait auprès du juge des tutelles par la personne elle-même, son conjoint, sa famille, ses proches, toute personne ayant constaté la nécessité de cette protection, ou après un signalement au procureur de la République. Cette demande doit être accompagnée d’un certificat médical établi par un médecin agréé.
L’examen du dossier peut être long : le juge a un an au maximum pour se prononcer pour la mise en place d’une curatelle ou d’une tutelle. Dans l’attente de l’instruction du dossier, le juge peut prononcer une sauvegarde de justice.
Le juge peut confier l’exercice de la mesure de protection à une ou plusieurs personnes parmi : le conjoint (époux, partenaire de PACS, concubin), à un membre de la famille (enfant[s], frère[s], sœur[s], petit[s]-­enfant[s], parent[s], cousin[s]…),à un proche ayant des liens étroits et stables avec la personne ou à un professionnel (mandataire judiciaire à la protection des majeurs).

Mesures de protection intermédiaires : privilégier la place des familles


Habilitation judiciaire pour représentation du conjoint

Elle permet à l’un des époux de représenter l’autre, et d’agir ainsi en son nom uniquement pour les actes de gestion courante. Il ne s’applique qu’aux couples mariés, quel que soit leur contrat de mariage. La demande se fait auprès du juge des tutelles, et il est recommandé d’avoir l’accord écrit des enfants majeurs. Des certificats médicaux peuvent être fournis pour attester que le conjoint est hors d’état d’exprimer sa volonté (il est recommandé, de préférence, que celui-ci émane d’un médecin agréé, mais cela n’est pas obligatoire). Cette mesure est très limitée et peut être complétée par le juge par une habilitation familiale ou une mesure de protection juridique plus restrictive.

Habilitation familiale : une mesure de protection au sein de la famille

Depuis 2016, une nouvelle mesure, l’habilitation familiale, permet de représenter un proche vulnérable sans avoir à passer par une mesure de tutelle ou curatelle.
Seuls le conjoint, concubin, partenaire de PACS, les enfants, les petits-enfants, les parents, les grands-parents, les frères et sœurs peuvent bénéficier de ce dispositif, qui nécessite un consensus familial et une bonne entente.
L’habilitation peut être complète ou limitée à certains actes de gestion courante ou aux actes concernant la personne à protéger (mariage, divorce, décision médicale…). La personne protégée peut continuer à accomplir les actes qui ne sont pas confiés à la personne habilitée à la représenter.
Elle nécessite l’intervention d’un juge initialement, qui examine la demande accompagnée d’un certificat médical circonstancié et auditionne la personne à protéger (si son état de santé le permet). Il s’assure que les autres proches de la personne à protéger sont d’accord avec la mesure, qu’ils ne s’y opposent pas, et statue ensuite sur le choix de la personne habilitée, en précisant l’étendue de l’habilitation. Si l’habilitation familiale sollicitée ne permet pas d’assurer une protection suffisante, le juge peut ordonner une mesure de protection judiciaire telle qu’une curatelle ou une tutelle.
Contrairement aux régimes de sauvegarde de justice, tutelle ou curatelle, une fois la personne désignée pour recevoir l’habilitation familiale, le juge n’intervient plus.
La personne habilitée n’est donc pas tenue de dresser un inventaire, ni de rendre des comptes annuels de gestion au juge des tutelles. La personne chargée de cette habilitation à représenter le majeur protégé peut être autorisée par le juge à le représenter y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle.
Le juge fixe la durée de l’habilitation, qui ne peut pas dépasser 10 ans, renouvelable pour une même durée sur présentation d’un certificat médical circonstancié. Elle peut s’arrêter plus tôt si jamais la personne protégée est placée sous une autre mesure de protection.

Mesures de protection juridique


Sauvegarde de justice : mesure d’urgence et de courte durée

La sauvegarde de justice est la mesure de protection juridique la plus légère, la plus courte et la plus rapide à mettre en place. Elle cesse dès que la personne a recouvré ses capacités ou qu’une mesure plus contraignante a été mise en place. La personne sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits. Elle conserve donc tous ses droits concernant ses décisions de santé.
Une sauvegarde de justice peut être demandée quand une personne a besoin d’être représentée temporairement mais également lorsque ses facultés sont durablement atteintes et qu’elle a besoin d’une protection immédiate en attendant la mise en place d’une mesure plus protectrice, plus longue à mettre en place (tutelle ou curatelle).
La sauvegarde de justice permet au mandataire nommé de contester les actes réalisés par la personne, à partir de sa mise en place, s’ils sont contraires à ses intérêts, soit en les annulant, soit en les corrigeant.
Le procureur de la République inscrit la sauvegarde dans un répertoire consultable par les professionnels de la justice et la famille proche.
Il existe deux types de mesure de sauvegarde de justice :
– la sauvegarde de justice sur décision d’un juge des tutelles ; sa demande s’effectue selon les mêmes règles que toute demande de mise sous protection juridique. La mesure de sauvegarde de justice judiciaire est courte et peut prendre fin pour plusieurs raisons : soit à l’expiration de la mesure, soit à sa levée, soit après l’accomplissement des actes pour lesquels elle a été ordonnée, soit lorsque le majeur reprend possession de ses facultés, soit à l’ouverture d’une mesure de curatelle ou de tutelle. Aucun recours n’est possible, car la sauvegarde n’entraîne pas de modification des droits de l’intéressé ;
– la sauvegarde par déclaration médicale ; elle permet à un médecin de placer lui-même la personne à laquelle il dispense des soins sous un régime de protection, par simple déclaration, s’il constate que l’état du patient le nécessite. L’intérêt de la sauvegarde médicale est d’être mise en place rapidement si une personne présente une altération de ses facultés personnelles. Elle résulte d’une déclaration faite au procureur de la République soit par le médecin de la personne qui constate qu’elle a besoin d’être protégée, et cette déclaration est accompagnée de l’avis conforme d’un psychiatre, soit par le médecin de l’établissement de santé où se trouve hospitalisée la personne.
La mesure prend fin par une nouvelle déclaration du médecin au procureur de la République attestant que la situation qui avait justifié la déclaration de sauvegarde a cessé, ou par l’ouverture d’une mesure de tutelle ou de curatelle. La personne protégée peut introduire un recours amiable auprès du procureur de la République pour obtenir la radiation de cette sauvegarde.
La durée de la sauvegarde de justice est courte : elle ne peut pas dépasser un an, renouvelable une fois par le juge des tutelles. La durée totale ne peut donc pas excéder deux ans.
Le juge peut désigner un ou plusieurs mandataires spéciaux pour accomplir des actes précis, de représentation ou d’assistance, que la protection de la personne rend nécessaires. Le juge va chercher à nommer un mandataire spécial parmi les proches de la personne protégée (enfant, frère, sœur...). Si cela est impossible, il va désigner un professionnel inscrit sur une liste départementale tenue par le préfet. Le mandataire spécial est tenu de rendre compte de l’exécution de son mandat à la personne protégée et au juge. S’il s’agit d’un mandataire professionnel, la personne protégée doit prendre en charge sa rémunération (selon un pourcentage de ses revenus annuels perçus l’année précédant la mise en place de la mesure).
Une personne sous sauvegarde de justice peut désigner une personne de confiance et rédiger des directives anticipées (tableau).

Curatelle : mesure de protection juridique allégée et durable

La curatelle est une mesure de protection juridique moins restrictive que la tutelle. Elle laisse davantage de droits à la personne protégée. Elle peut s’appliquer à la protection de la personne ou à la protection de ses biens.
Un curateur est nommé par le juge pour assister le patient dans les actes risquant de porter atteinte à son patrimoine ou à sa personne. Le curateur assiste la personne dans la réalisation de certaines démarches, mais il n’intervient pas seul, ni à la place de la personne protégée (sauf exceptions prévues par le juge). Ainsi la personne peut continuer, sans l’accord de son curateur, à assurer la gestion de la vie quotidienne (règlement des factures…), à voter, à choisir son lieu de résidence, à rédiger son testament et à prendre des décisions concernant sa santé.
Le juge peut alléger ou renforcer la curatelle en fonction de la situation ; il existe trois types de curatelle :
– la curatelle simple ; la personne sous curatelle agit seule pour la gestion des affaires courantes mais doit être assistée par son curateur pour les actes plus importants, comme vendre un bien immobilier ;
– la curatelle renforcée ; le curateur perçoit et gère les ressources de la personne. Le compte bancaire reste au nom de la personne ;
– la curatelle aménagée ; le juge peut décider au cas par cas des actes qu’une personne peut encore faire seule et ceux pour lesquels elle doit être assistée de son curateur.
La décision de mise sous curatelle est notée sur l’acte de naissance de la personne protégée.
La mise sous curatelle est limitée dans le temps et ne peut pas excéder 5 ans. Le juge peut ensuite la renouveler, la modifier (passer à un degré plus élevé…) ou l’arrêter si elle ne se justifie plus.
Le juge va chercher en priorité à nommer curateur un membre de la famille. Il est possible que deux personnes (deux de la famille, ou un de la famille et un curateur professionnel) partagent la curatelle. Si le curateur est un professionnel, la personne protégée doit prendre en charge sa rémunération.
Dans certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) publics, un salarié de l’établissement, nommé « préposé », peut être nommé curateur par le juge. Dans ce cas, la rémunération du préposé est incluse dans le tarif hébergement.
Attention : la personne protégée reçoit elle-même l’information sur sa santé et consent seule aux actes médicaux. Elle est libre du choix de son médecin traitant, qu’elle peut consulter seule. Le curateur n’a pas à intervenir, mais peut la conseiller si elle le souhaite. Le curateur n’a pas le droit d’accéder au dossier médical de la personne sous curatelle, sauf si la personne sous curatelle lui délivre un mandat exprès en ce sens. Si la mesure de protection prévoit une assistance aux décisions personnelles, le curateur doit cosigner la demande d’accès du majeur protégé à son dossier. Mais le curateur ne peut pas faire de lui-même cette demande.
Sauf urgence, le curateur ne peut pas, sans l’autorisation du juge, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée ou à l’intimité de sa vie privée.
Une personne sous curatelle peut désigner une personne de confiance et rédiger des directives anticipées.

Tutelle : mesure de protection juridique la plus complète

La tutelle est la mesure de protection juridique qui entraîne une privation complète de la capacité juridique de la personne protégée. Cette mesure est prononcée dans le cas où les autres mesures de protection juridique plus légères (curatelle, sauvegarde de justice) sont insuffisantes ou que la situation de la personne à protéger est critique. Cette décision est notée sur l’acte de naissance de la personne protégée.
Depuis mars 2019, le juge des tutelles n’a plus la possibilité de priver de son droit de vote la personne bénéficiant de cette mesure. Les personnes sous tutelle peuvent désormais se marier, se pacser ou divorcer sans l’autorisation préalable d’un juge, en informant leur tuteur. Cependant, le tuteur peut s’y opposer si les circonstances l’exigent et peut également conclure une convention matrimoniale afin de préserver les intérêts de la personne protégée.
La mise sous tutelle est limitée dans le temps et ne peut excéder 5 ans. Le juge peut ensuite la renouveler, la modifier ou l’arrêter si elle ne se justifie plus. Il est possible de demander un réexamen de la mesure en cours d’ouverture si cela s’avère nécessaire.
Le juge nomme en priorité un ou des tuteur(s) parmi les proches de la personne protégée (après s’être entretenu avec le majeur à protéger et lui avoir demandé qui il souhaite comme tuteur), ou il nomme un tuteur professionnel dénommé mandataire judiciaire à la protection des majeurs vulnérables. Si le tuteur est un professionnel, la personne protégée prend en charge sa rémunération.
Attention : le majeur sous tutelle est libre du choix de son médecin traitant, étant assisté dans ce choix par son tuteur, qu’il consulte accompagné de lui.
L’information médicale est délivrée au tuteur, qui doit respecter le secret médical : il lui est donc interdit de divulguer à des tiers toutes informations relatives à l’état de santé de la personne sous tutelle. Toutefois, le majeur sous tutelle a le droit de recevoir une information sur sa santé et de participer à la prise de décisions le concernant. Cette information doit être adaptée à sa compréhension et à sa faculté de discernement.
Si son état le permet, la personne protégée peut prendre seule les décisions relatives à sa personne, et comme tout patient, son consentement est révocable à tout moment.
S’il ne peut prendre seul des décisions concernant sa santé, il appartient soit au juge des tutelles, soit au conseil de famille s’il existe (organe de la tutelle composé de membres choisis par le juge des tutelles parmi les membres de la famille ou, en leur absence, des amis de la famille, des voisins ou des personnes s’intéressant au majeur vulnérable qui se réunissent sous la présidence du juge pour prendre des décisions importantes concernant la personne protégée) de prévoir qu’il bénéficiera de l’assistance d’un tuteur pour l’ensemble des actes relatifs à sa personne ou à certains actes. L’accord du tuteur et celui du patient seront alors recherchés par le médecin.
En cas de désaccord entre la personne protégée et celle chargée de sa protection, le juge autorise l’une ou l’autre à prendre la décision, à leur demande ou d’office.
De plus, sauf en cas d’urgence, le tuteur ne peut prendre, sans autorisation du juge ou du conseil de famille, une décision pouvant porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle ou à l’intimité de la personne protégée (comme une opération chirurgicale).
Bien entendu, en cas d’urgence vitale, le médecin donne les soins qui s’imposent compte tenu de l’état du patient, qu’il ait ou non obtenu l’accord du tuteur.
Seul le tuteur peut accéder au dossier médical du patient. Néanmoins, il doit porter à la connaissance du majeur les informations le concernant, en les adaptant à sa capacité de compréhension. Le majeur sous tutelle peut, avec accord du tuteur ou en sa présence, consulter son dossier médical. Une personne sous tutelle peut rédiger des directives anticipées et demander leur homologation au juge ou au conseil de famille. Elle peut avoir désigné au préalable une personne de confiance, que le juge peut maintenir dans ce rôle ou révoquer.
En pratique : pour une demande d’allègement d’une mesure de curatelle ou de tutelle, de son renouvellement à l’identique, ou de la levée de cette mesure, seul un certificat médical circonstancié établi par le médecin traitant du majeur protégé est demandé ; il n’est pas nécessaire d’obtenir un certificat d’un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République. Le juge peut demander un certificat complémentaire émanant d’un médecin inscrit sur cette liste.
Pour la demande d’allègement ou de mainlevée d’une mesure, il est conseillé de compléter le certificat du médecin traitant par celui d’un médecin inscrit sur cette liste.

Conclusion

Cette mise au point a été élaborée pour aider les médecins généralistes dans leur pratique afin de pouvoir anticiper la vulnérabilité de leurs patients âgés et de préserver leur autonomie.
Les médecins traitants sont en effet les interlocuteurs privilégiés des patients âgés et de leur famille. Les médecins généralistes souhaitent une formation sur les différentes mesures de protections juridique et médico-légale.
Ces informations rédigées à l’intention des médecins généralistes résultent du travail de thèse de l’auteur sur le Rôle essentiel du médecin généraliste dans la protection médicale et juridique des patients âgés.
Encadre

Ce que dit la loi

« ... Le médecin traitant informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées... »

« ... Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s’assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l’invite à procéder à une telle désignation... »2

Références
1. Article 459 du code civil.
2. Articles L1111-11 et L1111-6 du code de santé publique.
3. Art. 44 du code de déontologie médicale et art. 226-14 du code pénal.

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Résumé

La population française, et même mondiale, est actuellement vieillissante et en perte d’autonomie tant sur le plan médical que juridique. La prévention de la vulnérabilité et de la perte d’autonomie des personnes âgées est un objectif de santé publique. Ces situations complexes pourraient être anticipées grâce à un échange des patients âgés avec leur médecin généraliste. L’évolution des mesures de protection médicale (telles que les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance) et l’évolution des mesures de protection juridique (telles que mandat de protection future, habilitation familiale, placement sous tutelle ou curatelle…) obligent à réévaluer le rôle du médecin généraliste dans la protection médicale et juridique de ses patients âgés. Cette mise au point est l’aboutissement d’un travail de thèse fondé sur une enquête auprès de médecins généralistes.