Un prurigo nodulaire. Une maladie rare, dermatologique, dont l’origine est encore mal comprise et qui est trop souvent à l’origine d’une longue errance diagnostique.

Témoignage de Thibaut, 54 ans

Atteint de prurigo nodulaire depuis 10 ans, mais clairement diagnos­tiqué depuis seulement 1 an, mes conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles. Les premiers boutons ont été fortuitement constatés en 2008 par un ophtalmologue après une opération de la cornée (kératite de Thygeson). En 2013, j’ai été hospitalisé pour un érysipèle associé à des lésions de grattage sur tout le corps. Malgré les premiers examens, aucun diagnostic formel n’avait été posé, et le traitement prescrit, dans mon cas, n’avait eu à peu près aucun effet. Je me suis familiarisé, par la suite, au fil des années aux grosses doses de dermocorticoïdes, d’antihistaminiques, aux séances d’UV et d’émollients en tout genre. Sans réponse obtenue avec ces traitements, d’autres ont été tentés pour diminuer le prurit : Quitaxon, anxiolytiques, Apaisyl et gabapentine, cette dernière étant un peu efficace mais n’empêchant pas les crises. Ayant aussi une lymphopénie CD4 profonde et idiopathique, je n’ai pas eu les traitements à base d’immu­nosuppresseurs type Protopic ou ciclosporine, mais des perfusions d’immunoglobulines (Clairyg) m’ont été bénéfiques lors des crises.
Ma vie familiale et professionnelle est profondément affectée par cette maladie très invalidante, les crises pouvant durer de 3 à 6 mois sur la période de novembre à juin.

Une lutte permanente

Ces crises se manifestent par des démangeaisons irrésistibles qui me rendent « fou » et auxquelles la réponse est un grattage allant souvent jusqu’au sang, la douleur étant plus supportable que les démangeaisons ! Mais la multitude de lésions rend la peau à vif, et la douche quotidienne devient une vraie souffrance.
Les journées sont alors consacrées aux différents soins, pommades, crèmes, bandages, et mon attention exclusive se porte alors sur l’objectif de ne pas me gratter, m’empêchant de me concentrer sur autre chose. Les nuits, malgré l’antihistaminique ­(effet sédatif), je me gratte et, le matin, il y a des traces de sang et des squames partout... Mon sommeil en est affecté, et la douleur d’une peau arrachée me réveille parfois. Inutile de dire que pendant cette période je ne peux plus travailler, ni avoir d’activité sociale, une profonde fatigue m’envahit, due à cette lutte permanente contre la souffrance, parfois un état dépressif amenant des idées suicidaires.
Bien entendu, au cours de toutes ces années, des dizaines d’examens ont été réalisés, des hospitalisations, de nouveaux essais de traitement. Mais, dans le temps, la situation malgré tout se dégrade sans traitement adapté. En effet, les crises sont de plus en plus fortes et douloureuses, nécessitant des arrêts de travail de plus en plus longs. Aussi, je me tourne actuellement vers la phytothérapie, l’acupuncture ou l’hypnose pour m’aider.
Mais, par chance, la recherche progresse, et des immunomodulateurs apparaissent comme le dupilumab ou le némolizumab, ce dernier en cours de développement étant très prometteur.
Encore faut-il que les patients atteints de prurigo nodulaire puissent y avoir accès !

Commentaire du Dr Christine Patras de Campaigno, présidente de l’AFPN

Le prurigo nodulaire est une affection dermatologique rare dont l’origine est encore mal comprise. Il est caractérisé par un prurit intense, qui dure depuis plus de 6 semaines et s’accompagne de nombreuses lésions nodulaires, souvent excoriées. Les lésions sont souvent symétriques et siègent préférentiellement aux niveaux des membres.
Comme le décrit très bien Thibaut, c’est le « parcours du combattant » pour établir un diagnostic, dans son cas, loin d’être isolé, il aura fallu 10 ans pour affirmer le diagnostic. La première mission que s’est donc fixée l’Association France prurigo nodulaire (AFPN) est de faire reconnaître le prurigo nodulaire comme étant une maladie rare afin que soient créés des centres experts dans le but d’éviter l’errance diag­nostique et de permettre un suivi dans un service médical spécialisé.
L’association a également pour but de rompre l’isolement vécu par les ­malades et de les déculpabiliser. Non, ils ne sont pas responsables de leur grattage diurne et nocturne ! Cela est dû à la maladie, le prurigo nodulaire. Il est inutile de répéter « arrêtez de vous gratter et cela ira mieux ! » ; est-ce qu’on l’on dit à un diabétique d’arrêter d’avoir un diabète ? Évidemment, non ! On lui fournit des conseils diététiques et un traitement, ce n’est pas toujours le cas dans le prurigo nodulaire, où l’on a, malheureusement, encore parfois tendance à culpabiliser les malades.
Le prurigo nodulaire altère gran­dement la qualité de vie. En effet, ­comment rester serein, garder une vie professionnelle et sociale satis­faisante, quand on se gratte continuellement, quand les vêtements sont ­tachés de sang, quand on n’ose plus montrer son corps meurtri et dou­loureux, quand la concentration est altérée, quand la fatigue causée par l’insomnie due au grattage est omniprésente, quand dès le matin on est obnubilé par les soins corporels…
Se rajoute à cela le peu d’efficacité des traitements dans le prurigo nodulaire.
Tout cela explique que cette pathologie est responsable d’état anxieux, de dépression sévère pouvant aller jusqu’au suicide. Il est donc urgent d’agir !
Une autre mission de l’AFPN est de faire accélérer la recherche, en associant les malades à des études et à des essais cliniques afin d’avancer sur les traitements et qu’enfin tous les malades, sans exception ni discrimination, puissent avoir accès à ces nouveaux traitements prometteurs tels que les biothérapies.
L’AFPN est également présente pour informer et aider non seulement les patients mais également les médecins sur cette maladie méconnue.
Encadre

Enfin, ça bouge pour le prurigo nodulaire !

On part de loin… puisqu’à ce jour, on ne connaît toujours pas la prévalence de la maladie en France ! L’équipe du Pr Laurent Misery, à Brest, s’y attèle (v. p. 187). Il faut préciser que le prurigo nodulaire est une pathologie rare, avec une prise en charge compliquée et peu satisfaisante.

La recherche sur le prurit est depuis quelques années très dynamique. On a actuellement une meilleure connaissance de la physiopathologie du prurit, ce qui a pour conséquence l’émergence de nouvelles possibilités thérapeutiques. De nombreux essais cliniques sont en cours, avec des résultats qui semblent très prometteurs.

De nombreuses conférences concernant le prurit et plus particulièrement le prurigo nodulaire ont lieu. Une conférence de consensus a été organisée afin de trouver une définition ainsi qu’une classification qui fasse autorité. Des guidelines sur le prurigo nodulaire sont en cours d’actualisation, qui devraient concerner les traitements topiques et systémiques.

L’AFPN a toute sa place dans cette évolution car il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Comme le fait d’optimiser la prise en charge du prurigo, aussi bien dans l’affirmation du diagnostic que dans l’obtention de traitements médicaux efficaces et accessibles à tous. L’AFPN permet aux patients d’être acteurs de ce changement.

Il est notamment prévu une étude qui va permettre de « mesurer » le prurit grâce à des bracelets connectés remis aux patients. Ces bracelets seront ensuite analysés et permettront d’avoir une évaluation précise de la répercussion du prurit sur l’activité diurne et nocturne des patients.

Les patients, grâce aux informations fournies par l’AFPN, sont prévenus des différents essais cliniques et peuvent ainsi y prendre part.

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