La rosacée est une maladie affichante et stigmatisante, vécue souvent comme un handicap par le patient, et dont les manifestations sont polymorphes. En médecine générale, il faut savoir faire le diagnostic – en évitant les pièges – et proposer une prise en charge selon les symptômes. La conduite à tenir selon les dernières recos. 

La rosacée est une dermatose faciale très fréquente, survenant en général chez des adultes après l’âge de 20 ans, avec un pic de fréquence entre 40 et 50 ans, surtout chez les femmes au phototype clair. Fait exception le rhinophyma, qui prédomine chez l’homme après 55 ans.

La physiopathologie est complexe : des anomalies de la vascularisation faciale entraînent l’apparition d’un érythème permanent et de bouffées vasomotrices, favorisés par des facteurs exogènes (fortes chaleurs ou changement de température, exposition au soleil…). S’y associe une inflammation chronique pouvant être liée à une colonisation plus importante du Demodex folliculorum, parasite saprophyte de la flore cutanée et notamment folliculaire.

L’évolution est chronique, émaillée de poussées et de phases de rémission.

C’est une maladie stigmatisante, d’autant plus que la rougeur faciale évoque à tort l’alcoolisme.

Quels signes ?

Le diagnostic, purement clinique, repose sur un interrogatoire et un examen clinique soigneux. La rosacée se manifeste sous diverses formes cliniques, mais le passage par des stades successifs n’est pas obligatoire :

  • Bouffées vasomotrices (ou flushes). Le visage et le cou des patients deviennent rouges de façon paroxystique, avec une sensation de chaleur locale. Les crises, déclenchées par les variations de température, la consommation d’aliments épicés ou d’alcool, durent en général quelques minutes ; elles sont caractéristiques mais non constantes. 
  • Forme érythémato-télangiectasique. Un érythème centrofacial permanent, touchant les joues, le nez, le menton, la partie centrale du front (fig. 1), disparaissant à la vitropression, est associé à des télangiectasies (fig. 2) qui prédominent aux ailes du nez et aux joues (couperose). Peuvent s’y associer une sensation d’inconfort cutané, de brûlure, avec une intolérance à de multiples topiques, notamment cosmétiques. Attention : les télangiectasies isolées des ailes de nez ne sont pas un critère diagnostique. 
  • Forme papulopustuleuse. Des petites papules et pustules, parfois étendues, siègent dans la même zone de l’érythème, sans élément rétentionnel (comédon) ni cicatrices (fig. 3)
  • Rhinophyma. La peau du nez s’épaissit progressivement et devient fibreuse, encore plus érythémateuse, et les orifices folliculaires se dilatent (fig. 5). À noter que l’alcool n’est pas forcément en cause dans son apparition.
 

Une forme clinique particulière est la rosacée cortico-induite, souvent liée à une corticothérapie locale forte et prolongée sur le visage. Elle est caractérisée par une dépendance majeure aux corticoïdes, un érythème desquamatif rouge sombre voire violacé, et de multiples télangiectasies (fig. 4). Contraire­mentà la rosacée classique, les lésions peuvent toucher la zone péribuccale et/ou péri-oculaire.

Enfin, les manifestations ophtalmologiques touchent environ 30 à 50 % des patients atteints de rosacée, sous forme de de sècheresse oculaire, conjonctivites, blépharite, photophobie, voire de kératite. 

Diagnostics différentiels

Lupus érythémateux. Il souvent évoqué dans les phases précoces, mais : pas de bouffées vasomotrices ; pas de pustules ; présence d’une atrophie cutanée et d’une hyperkératose. Si doute, faire pratiquer une biopsie. 

Acné : terrain différent (sujet jeune…) ; signes rétentionnels (comédons, microkystes), séborrhée ; absence de bouffées vasomotrices. 

Dermatite séborrhéique : fond érythémateux, mais parsemé de squames grasses ; localisations différentes : ailes du nez, sillons nasolabiaux, sourcils, glabelle et lisière antérieure du cuir chevelu préférentiellement. Chez un même individu, une combinaison rosacée + dermatite séborrhéique est possible : on parle de « dermatose mixte du visage » (fig. 6).

Bouffées vasomotrices liées à des affections générales (tumeurs carcinoïdes, mastocytose…) : plus longues, elles dépassent le visage et sont parfois associées à des malaises. 

Traiter chaque élément clinique

Il n’y a pas d’approche globale efficace, il faut prendre en charge chaque signe.

En cas de rosacée érythémato-télangiectasique, le traitement médical est rarement efficace. Seul le tartrate de brimonidine en gel (vaso­constricteur α2-mimétique) permet une diminution de l’érythème. Contre les télangiectasies, seuls les moyens physiques sont indiqués (le laser vasculaire et la lumière intense pulsée sont préférés aujourd’hui à l’électrocoagulation, plus fastidieuse).

Les bouffées vasomotrices sont particulièrement difficiles à traiter. Rafraîchir le visage et la cavité buccale (sucer un glaçon) sont des mesures simples mais insuffisantes lors d’épisodes fréquents. Hors AMM, les bêtabloquants semblent bénéfiques (carvédilol ou propranolol ; ce dernier est préconisé dans les dernières recos britanniques en cas de flushes invalidants).

En cas de rosacée papulopustuleuse : 

  • dans les formes mineures peu inflammatoires : métronidazole topique à 0,75 % ou acide azélaïque à 15 % en gel (2 applications/j pendant 3 mois), ou ivermectine à 1 % en crème (1 application/j pendant 3 mois). 
  • dans les formes plus diffuses : traitement antibiotique per os (doxycycline 100 mg/j, à prendre de préférence le soir, pendant 3 mois), en association ou non avec le métronidazole topique.
 

La doxycycline agit aussi sur les lésions oculaires.

En cas de rhinophyma : traitement chirurgical ou par laser CO2.

Les traitements sont suspensifs et les récidives sont la règle dans un délai variable après arrêt du traitement. Il n’y a pas de schéma validé au-delà des 3 mois d’administration initiale : on essaie d’interrompre ou réduire la posologie (demi-dose de doxycycline), tout en maintenant un topique. Touetois, il n’est pas rare de devoir prescrire une cure antibiotique plus ou moins longue tous les ans. Un traitement d’entretien par métronidazole topique peut se discuter en cas de récidives très fréquentes des lésions inflammatoires.

En ce qui concerne l’hygiène locale :

  • se laver le visage à l’eau tiède, en y associant des produits cosmétiques adaptés à la rosacée (pour masquer le rougeur et améliorer le confort cutané) ;
  • éviter les topiques gras et les fonds de teint occlusifs ;
  • les larmes artificielles sont bénéfiques en cas de sécheresse oculaire. 
  • la photoprotection est utile pour prévenir les récidives. 
 

Attention : les dermocorticoïdes sont contre-indiqués.

Pour en savoir plus
Badaoui A, Mahé E. Item 109 – Dermatoses faciales. Acné, rosacée, dermatite séborrhéique. Rev Prat 2018:68(8);e303-9
Cribier B. Rosacée. Rev Prat Med Gen 2011;25(857):206-7.
CEDEF. Item 109 – UE 4 Dermatoses faciales : acné, rosacée, dermatite séborrhéique. Ann Dermatol Venereol 2018.
Hampton PJ, Berth-Jones J, Duarte Williamson CE, et al. British Association of Dermatologists guidelines for the management of people with rosacea 2021. British J Dermatol 2021;185(4):725-735.

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