Elle est en recrudescence en France et en Europe de l’Ouest du fait de trop nombreux sujets non immunisés.
La France est engagée depuis 2005 dans le plan stratégique mondial de l’OMS visant à éliminer rougeole et rubéole. L’atteinte de cet objectif nécessite que la couverture vaccinale (CV) soit supérieure à 95 % avec 2 doses pour les enfants de moins de 2 ans. À ce jour, ce but n’est pas atteint. Par ailleurs, la CV insuffisante en population générale a permis l’accumulation de sujets réceptifs dont le nombre est estimé à plus de 1 million, justifiant la recommandation d’un rattrapage pour les personnes nées après 1980.

Une infection très contagieuse

Cette contagiosité se mesure par le taux de reproduction (Ro) ou nombre de nouveaux cas induits par un malade dans une population non immune, ici entre 15 et 20.
La transmission se fait par voie aérienne. La phase de contagiosité débute 5 jours avant l’éruption et s’étend jusqu’à au moins 5 jours après. La période d’incubation est de 10 à 12 jours.
La phase d’invasion (durant 2 à 4 jours) se manifeste par l’apparition d’une fièvre volontiers élevée, accompagnée d’un catarrhe oculo-respiratoire avec conjonctivite, rhinite, toux, parfois diarrhée chez un enfant « grognon et pleurard » souvent fatigué. Le signe de Köplik (semis de taches blanches sur muqueuse jugale inflammatoire, fig. 1), inconstant, apparaît vers la 36e-48e heure et disparaît avec le début de l’éruption. Celle-ci se manifeste en moyenne 14 jours après le contage (de 7 à 18 jours). En règle générale, lorsqu’elle survient, la fièvre disparaît. L’éruption, maculopapuleuse, débute derrière les oreilles puis touche le visage, le tronc et les membres suivant une topographie descendante en 3 jours (fig. 2).
Des complications peuvent survenir : otites et diarrhées avant tout. Elles sont plus sévères avant 1 an et après 20 ans : pneumopathie. L’encéphalite aiguë post-éruptive atteint un cas sur 1 000. Sa létalité est de l’ordre de 10 % et le taux de séquelles de 20 à 40 %. L’encéphalite à inclusions s’observe chez l’immunodéprimé dans un délai de 1 à 6 mois après l’épisode rougeoleux. La panencéphalite sclérosante sub-aiguë (PESS) complique 1 rougeole sur 10 000 chez les moins de 12 mois et 1 sur 100 000 chez les plus de 5 ans. Elle débute en moyenne 7 ans (de 4 à 10 ans) après l’épisode rougeoleux Elle se caractérise par la survenue progressive de troubles du comportement, de myoclonies et de troubles moteurs. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’un taux d’anticorps antirougeole très élevé dans le sang et dans le liquide cérébrospinal. Le décès est constant. D’autres complications sont possibles, comme une hépatite cytolytique chez l’adulte.
Chez la femme enceinte, la pneumo-pathie est la plus fréquente, et son risque est accru (x 3 par rapport aux femmes non enceintes du même âge). Le risque de décès est 6 fois plus élevé qu’en dehors de la grossesse. La rougeole maternelle expose à un risque de mort fœtale et de naissance prématurée. La rougeole congénitale est liée à la survenue de l’infection chez la mère en fin de grossesse.
Le diagnostic doit être confirmé biologiquement. Il peut être fait à partir d’un frottis gingival (kit salivaire obtenu auprès de l’ARS). L’échantillon, prélevé à l’aide d’un écouvillon en mousse que l’on passe dans le sillon gingivo-jugal, permet la recherche de l’ARN viral par PCR et celle des anticorps IgM et IgG spécifiques (fig. 3). L’écouvillon placé dans un tube en plastique fermé et conservé à température ambiante est posté dans une enveloppe préaffranchie à l’adresse du Centre national de référence (CNR) où sont réalisés les tests.
Autre moyen diagnostique : la sérologie sur prélèvement de sang par méthode ELISA qui détecte des IgM spécifiques, présents au moment de l’éruption mais parfois plus tard. Les IgG apparaissent de façon contemporaine aux IgM ou quelques jours plus tard.
La rougeole est redevenue, en 2005, une maladie à déclaration obligatoire. Les critères cliniques du signalement sont une fièvre supérieure ou égale à 38,5 °C, une éruption maculopapuleuse et au moins un des signes suivants : conjonctivite, coryza, toux, signe de Köplik.
Critères biologiques : mise en évidence du virus par PCR sur prélèvement sanguin, rhinopharyngé, salivaire ou urinaire, détection sérologique ou salivaire d’IgM spécifiques ou séroconversion, c’est-à-dire élévation de 4 fois au moins du titre des IgG sériques entre la phase aiguë et la convalescence.
Le signalement se fait sans délai et par tout moyen approprié (téléphone, télécopie, au mieux sur la fiche de notification obligatoire) au médecin de l’ARS du lieu d’exercice.
Enfin, il est nécessaire d’évincer le malade de la collectivité pendant toute la période de contagiosité, d’identifier la source de contamination par l’interrogatoire (contage dans les 7 à 18 jours avant le début de l’éruption), de rechercher d’autres cas dans l’entourage familial et d’identifier les sujets contacts.

Impact de la vaccination

Avant sa large diffusion (1987), les épidémies de rougeole touchaient de 400 000 à 500 000 sujets. Depuis 1989 et le début des campagnes d’incitation à vacciner les enfants, l’incidence a progressivement diminué pour atteindre en 2003 un nombre estimé à 10 400 cas, chiffre extrapolé à partir de 18 cas rapportés, reflétant un système (réseau Sentinelle) non adapté à des incidences faibles et faisant craindre la non-détection de petites épidémies.Parallèlement à la baisse du nombre de cas, l’âge moyen de survenue de la maladie a augmenté. Cela est dû à une moindre circulation du virus (à la suite de la vaccination) qui permet à des cohortes d’enfants non vaccinés d’atteindre un âge plus avancé sans le rencontrer.
Jusqu’en 1988, on comptait 15 à 30 dé- cès par an. Le nombre de PESS notifiées est passé de 25 en 1988 à 3 en 1996 ; 20 à 30 cas d’encéphalites aiguës étaient recensées au début des années 1980 et moins de 5 en 1995-1996.1 Cela témoigne d’une faible circulation virale. Mais cette lune de miel, donnant l’illusion d’une maladie en voie d’élimination, est en fait caractérisée par l’accumulation progressive de sujets non immuns, source potentielle de foyers épidémiques. Ainsi la réintroduction du virus dans la population insuffisamment vaccinée a été responsable de trois vagues épidémiques entre 2008 et 2011, totalisant, jusqu’en 2018, 25 000 cas déclarés, plus de 1 500 pneumopathies graves, 38 complications neurologiques (35 encéphalites, 2 syndromes de Guillain-Barré, 1 myélite) et 20 décès dont 8 chez des immuno- déprimés.
Une nouvelle vague épidémique sévit depuis la fin 2017 (519 cas en 2017) : plus de 2 466 cas depuis le 6 novembre 2017 avec un nouveau décès. Au 12 juin 2018, 84 départements avaient déclaré au moins 1 cas ; l’incidence la plus élevée concernait les moins de 1 an, 22 % des cas déclarés ont été hospitalisés, 88 % sont survenus chez des sujets non ou mal vaccinés (selon Santé publique France).
Seule cause de ces diverses vagues : l’insuffisance de couverture vaccinale. En France, en 2016, elle est à 24 mois de 90,3 % pour la première dose et de 80,1 % pour la seconde (données Santé publique France) ; de 83,2 % pour 2 doses à 6 ans (2012-2013) et de 83,9 % pour 2 doses à 15 ans en 2015.
Dans l’Union européenne, la maladie touche également enfants et adultes non ou mal vaccinés, soulignant l’importance du rattrapage. En 2017, 14 600 cas ont été rapportés, 87 % n’étaient pas vaccinés et 8 % n’avaient reçu qu’une dose. La Finlande, dont la CV (2 doses) dépasse 95 % depuis 1997, a éliminé la rougeole et n’a plus que des cas importés.2
En 2016, la couverture vaccinale (2 doses) était inférieure à 95 % dans 22 des 29 pays de l’Union européenne.3

Vaccination : prévention la plus efficace

On dispose de vaccins triples rougeole, oreillons, rubéole (ROR) à virus vivant atténué. Le monovalent (Rouvax) n’existe plus. La vaccination déclenche une immunité à la fois humorale et cellulaire. Les taux d’anticorps (AC) qu’elle induit sont moins importants que ceux procurés par l’infection naturelle.
Dans 5 à 10 % des cas en population générale, il n’y a pas de séroconversion après la première dose. L’administration de la seconde entraîne la formation d’anticorps chez la très grande majorité des individus n’ayant pas fait d’AC après la première dose. Ainsi cette deuxième injection est justifiée par la nécessité, en vue d’une élimination de la maladie, d’un rattrapage des échecs de la première vaccination. L’immunité post-vaccinale paraît de très longue durée et persiste du fait de l’existence d’une mémoire immunologique. L’efficacité de ce vaccin est attestée par les études épidémiologiques dans les pays qui vaccinent.
Il est dans l’ensemble bien toléré. La majorité des réactions sont modérées et transitoires. Elles surviennent 5 à 12 jours après la vaccination, ce qui correspond au pic de la réplication virale.
Il s’agit essentiellement de fièvre, éruption et phénomènes locaux, moins fréquents après la deuxième dose. Des convulsions fébriles sont possibles (2 à 5 pour 10 000), de même qu’une thrombopénie dont la fréquence est évaluée entre 1 pour 30 000 et 1 pour 100 000.
Les réactions anaphylactiques graves (signes cardiovasculaires, respiratoires) sont rares : inférieures à 1 par million. Elles justifient une exploration allergologique spécifique et contre-indiquent la deuxième dose.
L’hypothèse d’une relation causale entre l’administration du ROR et la survenue de troubles autistiques, évoquée au Royaume-Uni en 1998, n’a pas été confirmée et a même été infirmée par les nombreuses études effectuées depuis.
Contre-indications : outre l’accident anaphylactique grave et comme tout vaccin à virus vivant, le ROR est contre-indiqué en cas de grossesse et de déficit immunitaire (congénital ou acquis).
La vaccination du nourrisson est obligatoire depuis le 1er janvier 2018, pour les enfants nés à partir de cette date. Première dose : à 12 mois quel que soit le mode de garde. Avant cet âge, le vaccin est moins immunogène et moins protecteur ; seconde dose : entre 16 et 18 mois. L’intervalle minimal à respecter entre les doses est de 1 mois.
Chez les nourrissons de moins de 12 mois qui doivent voyager dans un pays à circulation virale intense, la vaccination peut être pratiquée dès l’âge de 6 mois par une dose de trivalent. Dans ce cas, l’enfant recevra par la suite 2 doses suivant le schéma général (12 mois et 16-18 mois).4
Protéger les moins de 1 animplique de vacciner les plus grands. Il faut donc vérifier que toute personne née depuis 1980, c’est-à-dire, ayant jusqu’à 38 ans en 2018, ait bien reçu 2 doses. Pour ceux nés avant 1980, une enquête séro-épidémiologique effectuée en 2009-2010 montre que seuls 2,3 % des 30-39 ans et 0,5 % des 40-49 ans sont séronégatifs. Le rattrapage des personnes nées avant 1980 n’est donc pas justifié, mais on peut les vacciner dans des situations spécifiques.
Les professionnels de santé et personnes en chargede la petite enfance nés en 1980 ou après doivent mettre à jour leur calendrier vaccinal. Pour ceux nés avant 1980, non vaccinés et sans antécédent connu de rougeole : faire 1 dose de trivalent.

Vaccination après exposition

Il est recommandé de vacciner dans les 72 heures les sujets n’ayant pas fait la rougeole (ou dont l’histoire est douteuse), non vaccinés ou n’ayant pas le nombre requis de doses pour l’âge ayant été en contact avec un malade :
– enfants âgés de 6 à 11 mois révolus : 1 dose de trivalent. Par la suite : 2 doses de ROR suivant les recommandations officielles ;
– sujets de plus de 1 an et nés depuis 1980 : mise à jour du calendrier vaccinal pour atteindre au total 2 doses de trivalent ;
– professionnels de santé ou personnel en charge de la petite enfance, sans antécédent de rougeole ou n’ayant pas reçu 2 doses, quel que soit leur âge : 1 dose de trivalent.
Les immunoglobulines polyvalentes sont recommandées dans les 6 jours après exposition à un cas confirmé pour la femme enceinte non vaccinée et sans antécédent de rougeole, l’immunodéprimé quel que soit son statut vaccinal et ses antécédents avérés de rougeole, les nourrissons de moins de 6 mois dont la mère a une rougeole, ceux de moins de 6 mois dont la mère n’a pas d’antécédent de rougeole et n’a pas été vaccinée, ceux de 6 à 11 mois non vaccinés en post-exposition dans les 72 heures après contact, quel que soit le statut vaccinal de la mère ou ses antécédents de rougeole.
références
1. Plan d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale en France, 2005-2010.https://bit.ly/2lfAZls

2. Peltola H, Jokinen S, Paunio M, Hovi T, Davidlin I. Measles, mumps, and rubella in Finland: 25 years of a nationwide elimination program. Lancet Infect Dis 2008;8:796-803.

3. European Centre for Disease Prevention and Control. Risk of measles transmission in the EU/EEA. Stockholm: ECDC; 2018. https://bit.ly/2t3WcTR

4. Ministères des Solidarités et de la Santé. Calendrier des vaccinations et des recommandations vaccinales 2018. https://bit.ly/2nYN7t5

5. Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à l’évolution de la stratégie de gestion en cas d’épidémiologie de rougeole importante sur le territoire national. 23 avril 2018. https://bit.ly/2trBBIx

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est due à l’insuffisance de couverture vaccinale (CV).

touchant surtout les moins de 1 an et les plus de 20 ans.

de 95 % et 2 doses à 24 mois.

l’accumulation de sujets non immunisés justifie un rattrapage pour toutes les personnes nées après 1980.

dans les 72 heures du contage.