Souvent vécu comme un préjudice esthétique, le vitiligo peut avoir d’importantes conséquences psychologiques. Les anti-inflammatoires locaux ou généraux associés à la photothérapie donnent parfois de bons résultats, mais il n’y a toujours aucun traitement spécifique de dépigmentation des lésions ayant une AMM en Europe. Une crème à base d’une Janus kinase (JAK) pourrait changer la donne, selon les résultats de deux études randomisées publiés dans le NEJM.

De petites études ouvertes ont montré dès 2017 l’intérêt des inhibiteurs sélectifs des Janus kinases JAK1 et JAK2, enzymes dont l’activation jouerait un rôle dans la destruction des mélanocytes à l’origine du vitiligo. En 2020, un essai concluant a démontré l’intérêt du ruxolitinib, un inhibiteur des JAK, contre le vitiligo. Cette étude contrôlée de phase II indiquait une amélioration significative du F-VASI (Face-Vitiligo Area Severity Index, score utilisé pour déterminer la sévérité de la maladie, qui va de 0 à 3, les hauts scores indiquant une plus grande aire dépigmentée), chez les patients traités par ruxolitinib, notamment avec la crème à 1,5 %. C’est avec ce dosage qu’une équipe internationale de chercheurs a conduit deux essais de phase III en double aveugle contre une crème sans principe actif.

Dans ces deux essais randomisés multicentriques menés en Europe et en Amérique du Nord, 674 patients (330 dans l’essai TRuE-V1, 344 dans l’essai TRuE-V2) ont été enrôlés ; ils avaient à l’inclusion une dépigmentation de moins de 10 % de la peau. Ces patients ont été assignés aléatoirement aux bras « crème 1,5 % ruxolitinib » ou « crème sans principe actif » suivant un ratio 2:1. Les patients des deux groupes appliquaient la crème 2 fois par jour pendant 24 semaines sur toutes les régions touchées par le vitiligo, puis pouvaient choisir d’utiliser le ruxolitinib jusqu’à la 52e semaine. Le critère de jugement principal était la proportion de personnes montrant une diminution d’au moins 75 % de leur score F-VASI à la semaine 24 (« F-VASI75 »). Les résultats – publiés fin octobre dans le NEJM – ont montré que, à l’issue des 24 semaines, la proportion de patients de l’essai TRuE-V1 ayant atteint le « F-VASI75 » était 29,8 % dans le groupe ruxolitinib, contre 7,4 % dans le groupe contrôle (p-value < 0,001). Pour l’essai TRuE-V2, ces proportions respectives était de 30,9 % et 11,4 % (p-value < 0,001).

Toutefois, cette bonne efficacité en termes de repigmentation est à contrebalancer par une augmentation des effets indésirables, qui ont concerné 54,8 % (essai TRuE-V1) et 62,3 % (TRuE-V2) des patients ayant utilisé le ruxolitinib pendant les 52 semaines. Les plus fréquents étant l’acné au site d’application (respectivement 6,3 % et 6,6 %), la rhinopharyngite (5,4 % et 6,1 %) et le prurit au site d’application (5,4 % et 5,3 %). Au total, 14 patients ont rapporté des effets indésirables graves. 

Les auteurs en concluent que ces résultats encourageants doivent être confirmés par des essais plus larges, et avec un suivi plus long.

Pour en savoir plus
Rosmarin D, Passeron T, Pandya AG, et al. Two Phase 3, Randomized, Controlled Trials of Ruxolitinib Cream for Vitiligo.  N Engl J Med 2022;387:1445-55.
Seneschal J. Vitiligo, où en est le traitement ?  Rev Prat Med Gen 2020 ;34(1040) ;317-8.