Salmonelloses : en cause dans 50 % des intoxications collectives
FOCUS
La plupart des Salmonella sont hébergées dans l’intestin des animaux vertébrés ; pour certaines, le réservoir est strictement humain. Dans les deux cas, les entérobactéries entrent par le tractus digestif, mais la symptomatologie est différente : gastro-entérites pour les salmonelloses « mineures » et fièvres typhoïde-paratyphoïde dans les formes « majeures ».

Salmonelloses non typhoïdes

Les gastro-entérites sont provoquées par des Salmonella ubiquitaires. Compte tenu du large spectre d’animaux pouvant être porteurs, une grande variété de produits alimentaires, consommés crus, peu cuits ou contaminés post-cuisson, peuvent être à l’origine d’une intoxication chez l’homme : viande, et particulièrement volaille, produits carnés, œufs, lait et dérivés.
Plus rarement, un contact direct avec un animal est en cause (rappelons que la grande majorité des reptiles, nouveaux animaux de compagnie, sont des porteurs sains).
Des bactéries du genre Salmonella ont été retrouvées dans la moitié des foyers de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) dont l’agent infectieux a pu être déterminé ; des épidémies à l’échelle nationale, voire internationale, sont possibles si un produit commercialisé à large diffusion est contaminé.
L’incidence annuelle en France est estimée à 307 cas pour 100 000 habitants et 4 305 hospitalisations.1 Typhimurium (ubiquitaire) est le sérotype majoritaire, suivi par Enteritidis (filière œufs) qui a tendance à diminuer en Europe grâce aux mesures sanitaires.
Les TIAC sont des maladies à déclaration obligatoire (par les médecins, les biologistes ou les responsables d’établissements), ce qui permet de limiter la propagation en retirant du marché l’aliment incriminé.
Les symptômes surviennent 12 à 48 heures après la consommation et dépendent de la dose ingérée, de l’hôte et des caractéristiques de la souche de Salmonella : fièvre, diarrhée, vomissements et douleurs abdominales. Chez les adultes immunocompétents, la gastro- entérite disparaît sans traitement après 2 à 5 jours en moyenne. En revanche, la symptomatologie peut être sévère chez les personnes âgées, les nourrissons ou les immunodéprimés, avec un risque de bactériémies et localisations extradigestives (méningites, endocardites…) potentiellement mortelles.
Le diagnostic repose sur les coprocultures qui identifient la souche (il faut pratiquer des hémocultures si une forme invasive est suspectée).
La réhydratation orale est le traitement principal. Toutefois, devant une diarrhée glairo-sanglante avec fièvre élevée et risque de bactériémie, une anti- biothérapie peut être prescrite (après réalisation d’une coproculture), à base de fluoroquinolones, céphalosporines à spectre étendu ou azithromycine (de 5 à 7 jours de traitement, posologie à adapter selon l’âge et le poids).
La prévention repose sur une bonne cuisson des aliments, en particulier des viandes (au moins 65 °C pendant 5 à 6 minutes ; cuire les steaks hachés surgelés sans décongélation préalable) et le respect de la chaîne du froid, surtout pour les préparations à base d’œufs sans cuisson (mayonnaise, crèmes, pâtisseries ; les consommer rapidement après fabrication ; conserver les œufs au réfrigérateur).
De plus, les personnes vulnérables (sujets âgés, nourrissons, femmes enceintes et patients immunodéprimés) doivent éviter la consommation d’œufs crus et de produits au lait cru, et les contacts avec les reptiles de compagnie. Enfin, il est préconisé de se laver les mains après avoir touché un animal vivant.
Notons qu’au décours de ces gastro- entérites, une excrétion fécale prolongée (en moyenne 5 semaines) est fréquente malgré l’administration d’une antibiothérapie et/ou une guérison clinique. Elle est même retrouvée pendant plus de 1 an chez près de 1 % des sujets.2
Ainsi, compte tenu de la grande sensibilité de détection des souches de salmonelle (utilisation de milieux d’enrichissement ou kits entériques), en dehors de toute persistance ou aggravation du tableau clinique, la coproculture de contrôle est à éviter, afin de limiter toute prolongation inutile du traitement et/ou de l’hospitalisation.
Enfin, en l’absence de signe clinique (diarrhées, vomissements), l’éviction scolaire ou de la crèche n’est pas utile, les mesures d’hygiène des mains classiques évitent toute transmission secondaire.

Fièvres typhoïde et paratyphoïde

Elles sont causées par 4 sérotypes de Salmonella ayant l’homme pour seul réservoir : Typhi, Paratyphi A, certaines souches de Paratyphi B et C.
La contamination fait suite à l’ingestion d’eau ou d’aliments souillés par des déjections humaines, ou par transmission directe de personne à personne (voie oro-fécale).
Le nombre de cas dans le monde est estimé à 26 millions (216 000 morts par an), qui se concentrent principalement dans des zones où l’hygiène est précaire : sous-continent indien, Asie du Sud-Est, Afrique et Amérique du Sud.3 L’incidence annuelle en France est d’environ 0,2 pour 100 000 habitants ; il s’agit quasi exclusivement de cas importés en métropole, mais des épidémies surviennent dans certains départements d’outre-mer (Guyane française et Mayotte).
La maladie est toujours présente dans les pays industrialisés, responsable de foyers d’intoxication alimentaire. Dans ce cas, la source de la contamination est essentiellement un porteur sain travaillant en cuisine. Ces infections sont à déclaration obligatoire.
Une à deux semaines après la contamination survient une fièvre continue accompagnée de céphalées, anorexie, abattement (tuphos), douleurs abdominales avec diarrhée ou constipation. Les signes classiquement associés (taches rosées lenticulaires et hépatosplénomégalie) ne sont pas constants. L’état reste stationnaire pendant une quinzaine de jours, puis la convalescence dure plusieurs semaines. Dans les formes les plus graves, les complications apparaissent à la 3e semaine : péritonites, hémorragies digestives, myocardite et ostéites.
Compte tenu des symptômes souvent non spécifiques (évoquant d’autres maladies fébriles comme le paludisme, la dengue, la grippe), la confirmation repose sur les cultures bactériennes (hémoculture surtout ± coproculture).
La fièvre typhoïde peut être fatale en l’absence de traitement antibiotique efficace (céphalosporines de troisième génération, azithromycine, fluoroquinolones à vérifier par antibiogramme) : le taux de mortalité est de 10 % comparé à moins de 1 % pour les autres formes de salmonellose.
Une antibiothérapie appropriée l’abaisse à moins de 1 %, mais les résistances sont de plus en plus nombreuses : en Asie du Sud-Est et dans le sous-continent indien, plus de 90 % des souches isolées ont une sensibilité diminuée aux fluoroquinolones, antibiotiques classiquement utilisés, contre moins de 1 % en Afrique.4 La résistance aux céphalosporines est de plus en plus décrite en Asie ; celle à l’azithromycine est peu répandue. Il est intéressant de noter que les molécules utilisées en première intention dans les années 1990 redeviennent actives sur ces souches hautement résistantes : chloramphénicol, ampicilline et cotrimoxazole.
Une particularité épidémiologique de ces infections est qu’il existe des porteurs sains. En effet, après guérison, 2 à 5 % des individus continuent à héberger des Typhi (essentiellement au niveau de la vésicule biliaire) qui sont excrétées épisodiquement dans les selles : ce véritable réservoir humain explique les cas secondaires, voire les bouffées épidémiques.5
Ces personnes peuvent être traitées par ciprofloxacine au long cours (1 g par jour pendant 4 semaines chez l’adulte) et cholécystectomie.
La prévention repose sur la lutte contre le péril fécal, la vaccination et la surveillance épidémiologique. La dissémination des bactéries peut être enrayée par une distribution d’eau de qualité, bactériologiquement contrôlée, un traitement des eaux usées, et le respect strict des règles d’hygiène pour les travailleurs du milieu de la restauration.
Les vaccins antityphoïdiques sont bien tolérés et ne nécessitent qu’une seule injection ; ils sont conseillés aux voyageurs ou militaires se rendant dans des régions à risque ainsi qu’aux personnels de laboratoires (manipulant des selles). L’effet dure 3 ans et le taux de protection en zone d’endémie est de 70 % (Typhim Vi, à partir de 2 ans ou Tyavax, vaccin combiné avec l’hépatite A, dès 16 ans).


L’évoquer devant un voyage en pays endémique : Typhi et Paratyphi
Rechercher les signes de gravité
Diagnostic bactériologique par hémoculture, antibiogramme
Traiter par antibiothérapie adaptée, prise en charge hospitalière
Rappeler les mesures d’hygiène pour éviter les contaminations croisées
Vacciner les voyageurs et les personnels de laboratoires
Identifier les porteurs asymptomatiques potentiels (lithiase biliaire)
En cas de suspicion de salmonelloses mineures : rechercher les cas groupés.
Traitement symptomatique ± antibiothérapie selon les signes de gravité.
Éviter les coprocultures de contrôle (excrétion longue des salmonelles).
Rappeler les mesures d’hygiène pour éviter les contaminations croisées.
Encadre

Salmonelloses typhoïdes : que faire ?

L’évoquer devant un voyage en pays endémique : Typhi et Paratyphi

Rechercher les signes de gravité

Diagnostic bactériologique par hémoculture, antibiogramme

Traiter par antibiothérapie adaptée, prise en charge hospitalière

Rappeler les mesures d’hygiène pour éviter les contaminations croisées

Vacciner les voyageurs et les personnels de laboratoires

Identifier les porteurs asymptomatiques potentiels (lithiase biliaire)

Références
1. Van Cauteren D, De Valk H, Sommen C, et al. Community Incidence of Campylobacteriosis and Nontyphoidal Salmonellosis, France, 2008-2013. Foodborne Pathog Dis 2015;12:664-9.
2. Buchwald DS, Blaser MJ. A review of human salmonellosis: II. Duration of excretion following infection with nontyphi Salmonella. Rev Infect Dis 1984;6:345-56.
3. Crump JA, Mintz ED. Global trends in typhoid and para- typhoid Fever. Clin Infect Dis 2010;50:241-6.
4. Weill FX. La fièvre typhoïde n’est plus aussi simple à soigner. Med Sci (Paris) 2010;26:969-75.
5. Gonzalez-Escobedo G, Gunn JS. Gallbladder epithelium as a niche for chronic Salmonella carriage. Infect Immun 2013;81:2920-30.

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essentiel

En cas de suspicion de salmonelloses mineures : rechercher les cas groupés.

Traitement symptomatique ± antibiothérapie selon les signes de gravité.

Éviter les coprocultures de contrôle (excrétion longue des salmonelles).

Rappeler les mesures d’hygiène pour éviter les contaminations croisées.