L a précarité fait régulièrement l’objet de reportages télévisés. Elle se définit par un sentiment d’instabilité, une vie sur un fil et la peur de basculer à tout moment. La chute peut survenir brusquement, à la suite de déconvenues professionnelles ou privées. Parfois, pris dans un engrenage, ces hommes et ces femmes perdent peu à peu des conditions de vie décentes. Vivre dans la rue n’est pas nécessairement un choix volontaire, et ces situations dramatiques ne font que croître au fil des années.1 Selon la fondation Abbé Pierre, le phénomène concernerait aujourd’hui 300 000 personnes, deux fois plus qu’en 2012.2
L’étude Samenta, évaluant la santé des sans-abri, a mis en lumière la forte prévalence des pathologies psychiatriques. Près de 30 % des personnes sans domicile ont des problèmes psychiques.3 Les migrants, déracinés et victimes de nombreux traumatismes dans leur pays d’origine ou durant leur fuite, ne sont pas épargnés (voir p. 793 et référence 4).
La pandémie actuelle aggrave la paupérisation d’une partie de la population, perturbant des conditions de vie déjà fragiles. Elle exacerbe la crise sociale, mettant à jour de manière encore plus criante les inégalités de santé et renversant même ceux qui s’y attendaient le moins. Par exemple, le géant Airbus dont les carnets de commande étaient remplis pour 10 ans avant le SARS-CoV-2, prévoit aujourd’hui 5 000 départs, dont 700 possibles licenciements secs. Par ailleurs, le confinement a radicalement modifié le mode de vie de ceux qui étaient déjà dans la rue. Certains ont dû accepter « l’intégration » dans des centres d’hébergement et de réinsertion (CHRS), alors même qu’ils aspiraient à une vie nomade. Imposer, dans l’urgence, un tel bouleversement est souvent une gageure, mal comprise ou vécue comme très traumatisante.
La vie en collectivité est une épreuve (parfois ressentie comme une incarcération) pour ces personnes attachées à leur liberté. Cela s’est traduit par des décompensations de pathologies psychiatriques plus ou moins sévères. En outre, la rue s’est vidée, les privant de leur principale source d’argent et majorant leur détresse morale.
Tout au long de cette crise majeure, le médecin généraliste a assuré de lui-même la continuité des soins, sans y être franchement encouragé par les autorités de santé. Il n’a pas quitté le navire, son sens du devoir chevillé au corps. Observant la société et ses travers, il constate que certains, autrefois bien insérés – travailleurs en intérim, étudiants – ont basculé dans la précarité. Connaissant le mal-être des personnes sans abri qu’il côtoie, il peut aussi les orienter, les aider dans des démarches sociales. Ce rôle, outre celui de soignant, en fait l’interlocuteur privilégié de ces patients. N’est-il pas, plus que jamais, le pivot du système de santé français ?
L’étude Samenta, évaluant la santé des sans-abri, a mis en lumière la forte prévalence des pathologies psychiatriques. Près de 30 % des personnes sans domicile ont des problèmes psychiques.3 Les migrants, déracinés et victimes de nombreux traumatismes dans leur pays d’origine ou durant leur fuite, ne sont pas épargnés (voir p. 793 et référence 4).
La pandémie actuelle aggrave la paupérisation d’une partie de la population, perturbant des conditions de vie déjà fragiles. Elle exacerbe la crise sociale, mettant à jour de manière encore plus criante les inégalités de santé et renversant même ceux qui s’y attendaient le moins. Par exemple, le géant Airbus dont les carnets de commande étaient remplis pour 10 ans avant le SARS-CoV-2, prévoit aujourd’hui 5 000 départs, dont 700 possibles licenciements secs. Par ailleurs, le confinement a radicalement modifié le mode de vie de ceux qui étaient déjà dans la rue. Certains ont dû accepter « l’intégration » dans des centres d’hébergement et de réinsertion (CHRS), alors même qu’ils aspiraient à une vie nomade. Imposer, dans l’urgence, un tel bouleversement est souvent une gageure, mal comprise ou vécue comme très traumatisante.
La vie en collectivité est une épreuve (parfois ressentie comme une incarcération) pour ces personnes attachées à leur liberté. Cela s’est traduit par des décompensations de pathologies psychiatriques plus ou moins sévères. En outre, la rue s’est vidée, les privant de leur principale source d’argent et majorant leur détresse morale.
Tout au long de cette crise majeure, le médecin généraliste a assuré de lui-même la continuité des soins, sans y être franchement encouragé par les autorités de santé. Il n’a pas quitté le navire, son sens du devoir chevillé au corps. Observant la société et ses travers, il constate que certains, autrefois bien insérés – travailleurs en intérim, étudiants – ont basculé dans la précarité. Connaissant le mal-être des personnes sans abri qu’il côtoie, il peut aussi les orienter, les aider dans des démarches sociales. Ce rôle, outre celui de soignant, en fait l’interlocuteur privilégié de ces patients. N’est-il pas, plus que jamais, le pivot du système de santé français ?
1. Yaouancq F, Duée M. Les sans-domicile en 2012 : une grande diversité de situations. Insee. https://bit.ly/3lQcQ2G
2. Fondation Abbé Pierre. https://bit.ly/3lOy5Sh
3. Laporte A, Chauvin P. Samenta : rapport sur la santé mentale et les addictions chez les personnes sans logement personnel d’Île-de-France. Inserm. https://bit.ly/2KsaUzy
4. Bouchaud O. Santé des migrants. Rev Prat 2019; 69: 545-72.
• Lire aussi le dossier Précarité (Rev Prat 2020;70: 377-402), coordonné par Hélène de Champs Léger
2. Fondation Abbé Pierre. https://bit.ly/3lOy5Sh
3. Laporte A, Chauvin P. Samenta : rapport sur la santé mentale et les addictions chez les personnes sans logement personnel d’Île-de-France. Inserm. https://bit.ly/2KsaUzy
4. Bouchaud O. Santé des migrants. Rev Prat 2019; 69: 545-72.
• Lire aussi le dossier Précarité (Rev Prat 2020;70: 377-402), coordonné par Hélène de Champs Léger