L’administration séquentielle de 2 vaccins différents contre la Covid concerne de nombreux patients, notamment les moins de 55 ans initialement vaccinés avec AstraZeneca, mais aussi ceux ayant eu une réaction post-vaccinale contre-indiquant une 2e injection ou ayant reçu une première dose à l’étranger (Sputnik, Sinovac...). Les études sur ces schémas combinés sont en cours, et The Lancet publie les premières données de tolérance…

 

Plusieurs essais sont en cours pour évaluer les schémas vaccinaux de « prime-boost hétérologue », c’est-à-dire l’administration séquentielle de 2 vaccins différents contre la Covid. D’une part, les résultats sont importants dans le contexte international de difficultés d’approvisionnement des vaccins. D’autres part, en France, comme dans de nombreux autres pays, à la suite du changement des recos sur AstraZeneca (réservé depuis le 9 avril aux plus de 55 ans), les personnes ayant eu une première dose de ce vaccin reçoivent lors du rappel un vaccin à ARNm (en France à un intervalle de 12 semaines). Sont concernés également les patients ayant eu des réactions post-vaccinales contre-indiquant une 2e injection (anaphylactiques par exemple) ou ayant reçu avec une première dose de vaccin à l’étranger (Sputnik, Sinovac...), pour lesquels la HAS n’a pas encore établi la conduite à tenir pour la dose de rappel.

À ce jour, il n'y a pas de données sur l'immunogénicité, la réactogénicité, ou la sécurité de ces schémas. 

Com-COV est une étude randomisée, multicentrique, comparant quatre schémas vaccinaux : 2 homologues (Pfizer puis Pfizer ; AstraZeneca puis AstraZeneca) et 2 hétérologues (AstraZeneca puis Pfizer ; Pfizer puis AstraZeneca). L’intervalle entre les 2 injections était de 28 ou de 84 jours (12 semaines). Si les résultats sur l’immunogénicité devraient être disponibles au cours du mois de juin 2021, une analyse intermédiaire de la tolérance a été publiée dans The Lancet.

Parmi les 830 participants recrutés (âgés de 50 ans et plus ; avec ou sans une comorbidité légère à modérée, bien contrôlée), 463 ont été répartis au hasard dans les quatre groupes avec un intervalle prime-boost de 28 jours, et 367 participants dans les groupes avec un intervalle prime-boost de 84 jours.

Les symptômes ont été recueillis dans les 7 jours après la première ou la 2e dose. La surveillance hématologique a été effectuée sur une cohorte de 100 participants, avant la 1ère dose, à J 28 (avant la dose de rappel) et 7 jours après.

Comme attendu, pour les schémas homologues, la réactogénicité systémique était plus élevée après la 1ère dose pour AstraZeneca, et après la 2e pour Pfizer.

Les deux schémas hétérologues ont induit une réactogénicité systémique plus élevée après la dose de rappel que les schémas classiques : fièvre chez 34 % des personnes vaccinées avec AstraZeneca puis Pfizercontre 10 % chez celles recevant 2 doses d’AstraZeneca ; 41 % pour le groupe vacciné avec Pfizer puis AstraZeneca, contre 21 % en cas de 2 doses de Pfizer. Des augmentations similaires ont été observées pour les frissons, la fatigue, les maux de tête, les douleurs articulaires, les malaises et les douleurs musculaires. Cependant, il n'y a pas eu d'hospitalisationet la majorité de ces réactions, modérées, sont survenues dans les 48 h suivant la vaccination.

L'utilisation de paracétamol 48 h après la dose de rappel a été cohérente avec cette augmentation des effets indésirables : autour de 60 % pour les schémas mixtes, versus 36-41 % pour les protocoles homologues classiques.

Les bilans hématologiques étaient similaires et aucune thrombocytopénie n’a été signalée dans les 7 jours suivant la 2e dose.

Cette analyse de sécurité intermédiaire montre donc une augmentation des effets indésirables non graves après la dose de rappel pour les vaccinations hétérologues. Par ailleurs, ces données ont été obtenues chez des participants âgés de 50 ans et plus ; la réactogénicité pourrait être plus élevée chez les plus jeunes, pour lesquels un calendrier de vaccination mixte est indiqué en France, mais aussi dans de nombreux pays européens…

L'utilisation prophylactique de paracétamol, qui pourrait aider à atténuer ces effets, est évaluée dans cet essai, mais les résultats ne sont pas encore disponibles.

Des études comparant d’autres schémas hétérologues, avec Moderna et Novavax notamment, sont également en cours.

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien