La forme urogénitale ne doit plus être considérée comme une affection strictement exotique !
Les bilharzioses ou schistosomoses sont des parasitoses rencontrées presque exclusivement en zone tropicale ou subtropicale. Elles sont dues à des trématodes (vers plats non segmentés) vivant à l’état adulte dans le système veineux humain et à l’état larvaire dans un mollusque d’eau douce. L’homme se contamine par voie transcutanée lors d’un contact avec de l’eau contenant des larves infectantes.
Les vers adultes font de 1 à 1,5 cm de long et vivent en couple : dans les veines périvésicales pour Schistosoma haematobium (responsable de la schistosomose urogénitale) ou dans le réseau veineux mésentérique pour S. mansoni (schistosomose digestive) et pour les autres espèces. La majorité des œufs pondus par les femelles migre vers la lumière vésicale ou colique et est éliminée dans le milieu extérieur avec les excretas. Une minorité reste bloquée dans la sous-muqueuse de l’intestin ou de la vessie, ou s’embolise dans les veinules portes hépatiques ou les artérioles pulmonaires, donnant des lésions granulomateuses inflammatoires évoluant vers la fibrose et la calcification.
La longévité des parasites varie de 3 à 10 ans, mais peut atteindre 40 ans. L’Afrique, où sévissent surtout S. haematobium et S. mansoni, est le principal foyer de schistosomose, avec près de 92 % des cas recensés dans le monde.
Les vers adultes font de 1 à 1,5 cm de long et vivent en couple : dans les veines périvésicales pour Schistosoma haematobium (responsable de la schistosomose urogénitale) ou dans le réseau veineux mésentérique pour S. mansoni (schistosomose digestive) et pour les autres espèces. La majorité des œufs pondus par les femelles migre vers la lumière vésicale ou colique et est éliminée dans le milieu extérieur avec les excretas. Une minorité reste bloquée dans la sous-muqueuse de l’intestin ou de la vessie, ou s’embolise dans les veinules portes hépatiques ou les artérioles pulmonaires, donnant des lésions granulomateuses inflammatoires évoluant vers la fibrose et la calcification.
La longévité des parasites varie de 3 à 10 ans, mais peut atteindre 40 ans. L’Afrique, où sévissent surtout S. haematobium et S. mansoni, est le principal foyer de schistosomose, avec près de 92 % des cas recensés dans le monde.
Pourquoi la Corse ?
L’apparition de la forme urogénitale dans l’île de Beauté a pu surprendre mais c’était pourtant loin d’être improbable. Au Portugal, un foyer découvert en 1921 dans l’Algarve a disparu au début des années 1950, montrant que l’Europe n’est pas à l’abri d’une infestation. En 1966, Jean-Marie Doby qui avait enquêté en Corse sur la présence de Bulinus truncatus (bulin), mollusque hôte intermédiaire de S. haematobium, concluait ainsi une de ses publications : « La Corse réunit dès à présent, et sans aucun doute encore pour plusieurs années, en été du moins, l’ensemble des conditions requises pour réaliser à l’occasion la chaîne épidémiologique assez inhabituelle pour la France : œufs de schistosome, bulins, homme ». Cinquante ans plus tard, sa prédiction s’est réalisée.
Début 2014, à Toulouse et à Düsseldorf, 2 enfants sont explorés pour une héma-turie macroscopique évoluant depuis quelques semaines. L’examen anatomopathologique de lésions polypoïdes intra-vésicales met en évidence des œufs de schistosome. La morphologie caractéristique de ceux des urines (fig. 1) est en faveur d’une infection à S. haematobium. Les 2 familles, qui n’ont jamais séjourné en zone d’endémie bilharzienne, ont en commun d’avoir passé des vacances à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio (Corse du Sud) en août 2013 et de s’être baignées dans la rivière Cavu, probable zone de contamination.
Côté français, les investigations familiales étendues à 2 familles amies ayant séjourné avec eux montrent que sur 16 personnes 8 rejettent des œufs de S. haematobium dans les urines et 5 autres ont un immunodiagnostic positif. Le taux d’attaque s’élève ainsi à plus de 80 %.1, 2
Saisie de cet événement épidémiologique, la DGS met en place diverses mesures réglementaires. Agissant sur avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), elle recommande dès juin 2014 un dépistage sérologique de la schistosomose urogénitale chez toute personne résidant en France et ayant été en contact avec l’eau de la rivière Cavu, à partir de 2011, entre les 1er juin et 30 septembre de chaque année. Parallèlement, l’Institut de veille sanitaire, aujourd’hui Santé Publique France, lance un dispositif de recensement des cas autochtones auprès des services de soins et des laboratoires de parasitologie. Leur signalement, effectué auprès des agences régionales de santé (ARS), vise à quantifier l’ampleur et la durée du phénomène et identifier en France métropolitaine d’éventuels autres foyers. Enfin, les autorités sanitaires locales interdisent la baignade dans le Cavu durant l’année 2014.
Début 2014, à Toulouse et à Düsseldorf, 2 enfants sont explorés pour une héma-turie macroscopique évoluant depuis quelques semaines. L’examen anatomopathologique de lésions polypoïdes intra-vésicales met en évidence des œufs de schistosome. La morphologie caractéristique de ceux des urines (fig. 1) est en faveur d’une infection à S. haematobium. Les 2 familles, qui n’ont jamais séjourné en zone d’endémie bilharzienne, ont en commun d’avoir passé des vacances à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio (Corse du Sud) en août 2013 et de s’être baignées dans la rivière Cavu, probable zone de contamination.
Côté français, les investigations familiales étendues à 2 familles amies ayant séjourné avec eux montrent que sur 16 personnes 8 rejettent des œufs de S. haematobium dans les urines et 5 autres ont un immunodiagnostic positif. Le taux d’attaque s’élève ainsi à plus de 80 %.1, 2
Saisie de cet événement épidémiologique, la DGS met en place diverses mesures réglementaires. Agissant sur avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), elle recommande dès juin 2014 un dépistage sérologique de la schistosomose urogénitale chez toute personne résidant en France et ayant été en contact avec l’eau de la rivière Cavu, à partir de 2011, entre les 1er juin et 30 septembre de chaque année. Parallèlement, l’Institut de veille sanitaire, aujourd’hui Santé Publique France, lance un dispositif de recensement des cas autochtones auprès des services de soins et des laboratoires de parasitologie. Leur signalement, effectué auprès des agences régionales de santé (ARS), vise à quantifier l’ampleur et la durée du phénomène et identifier en France métropolitaine d’éventuels autres foyers. Enfin, les autorités sanitaires locales interdisent la baignade dans le Cavu durant l’année 2014.
Dépistage de grande ampleur
Dans les suites immédiates de la découverte des cas toulousains, l’enquête malacologique dans le Cavu et les rivières adjacentes montre une importante population de Bulinus truncatus, mollusque hôte intermédiaire de S. haematobium (fig. 2). En 2014, près de 37 000 sérologies « schistosomoses » sont réalisées dans les laboratoires spécialisés. Entre 2011 et 2013, ces derniers effectuent 5 000 à 7 000 sérodiagnostics par an. En juillet 2015, 106 cas autochtones en lien avec des baignades dans le Cavu ont été signalés aux agences régionales de santé (au moins 1 baignade en 2013, et pour 80 % d’entre eux, pendant le mois d’août).
Le nombre relativement restreint d’infections s’explique vraisemblablement par une transmission limitée dans le temps (première quinzaine d’août) et dans l’espace (seules 2 zones de contamination ont été identifiées).
L’âge médian des patients est de 17 ans (extrêmes : 1-71 ans) lié à une fréquence et une durée de baignade plus importantes chez les enfants. Le sex ratio est de 1,3.
Les analyses moléculaires révèlent qu’il s’agit de parasites hybrides, résultant du croisement de S. haematobium et S. bovis (parasite des ruminants). Hypothèse la plus probable : l’ensemencement des mollusques du Cavu par une personne qui aurait contracté la schistosomose urogénitale en Afrique, vraisemblablement au Sénégal.
Seuls 34 % des sujets infectés en Corse sont symptomatiques (tableau). La plupart des patients reçoivent 1 ou 2 cures de 40 mg/kg de praziquantel (Biltricide), traitement efficace et bien toléré, puisque aucun échec ni effet indésirable ne sont signalés.
Le nombre relativement restreint d’infections s’explique vraisemblablement par une transmission limitée dans le temps (première quinzaine d’août) et dans l’espace (seules 2 zones de contamination ont été identifiées).
L’âge médian des patients est de 17 ans (extrêmes : 1-71 ans) lié à une fréquence et une durée de baignade plus importantes chez les enfants. Le sex ratio est de 1,3.
Les analyses moléculaires révèlent qu’il s’agit de parasites hybrides, résultant du croisement de S. haematobium et S. bovis (parasite des ruminants). Hypothèse la plus probable : l’ensemencement des mollusques du Cavu par une personne qui aurait contracté la schistosomose urogénitale en Afrique, vraisemblablement au Sénégal.
Seuls 34 % des sujets infectés en Corse sont symptomatiques (tableau). La plupart des patients reçoivent 1 ou 2 cures de 40 mg/kg de praziquantel (Biltricide), traitement efficace et bien toléré, puisque aucun échec ni effet indésirable ne sont signalés.
Persistance du foyer corse
Fin 2015, en raison notamment de l’absence de découverte de mollusques infectés, le foyer corse est considéré comme non permanent, et l’épidémie de 2013 jugée sans lendemain. Malheureusement, quelques cas d’infection ont été observés pendant l’été 2015 (n = 5 ) et 2016 (n = 2 ), toujours après des baignades estivales dans le Cavu, montrant bien la persistance de la transmission de la schistosomose3 (selon des données personnelles).
L’hypothèse est que des individus infectés en 2013 dans le Cavu ont réensemencé le cours d’eau, contribuant ainsi à l’entretien du cycle parasitaire. Cela impliquerait que le dépistage à grande échelle n’a pas permis d’identifier et traiter tous les excréteurs d’œufs ; un réservoir humain a pu persister dans la population locale ou chez des touristes fréquentant régulièrement le site.
L’hypothèse est que des individus infectés en 2013 dans le Cavu ont réensemencé le cours d’eau, contribuant ainsi à l’entretien du cycle parasitaire. Cela impliquerait que le dépistage à grande échelle n’a pas permis d’identifier et traiter tous les excréteurs d’œufs ; un réservoir humain a pu persister dans la population locale ou chez des touristes fréquentant régulièrement le site.
Vers une extension de la maladie ?
L’implantation de la schistosomose urogénitale en Corse paraît liée à la conjonction de plusieurs facteurs : présence de l’hôte intermédiaire sur l’île, attractivité croissante des activités ludiques ou sportives en rivière, combinés à une augmentation des échanges et des voyages vers les pays naturellement endémiques. La fixation, même à bas bruit, de ce foyer de transmission du Cavu doit nous amener à un renforcement ou à un ajustement des stratégies de dépistage et d’information. L’inscription en juin 2016 de la schistosomose autochtone sur la liste des maladies à déclaration obligatoire est un outil de surveillance important. Par ailleurs, la HAS recommande 2 sérologies, à confirmer par un Western Blot.
En l’absence d’une maîtrise rapide de ce foyer encore localisé, la maladie pourrait s’étendre à d’autres rivières en Corse, mais aussi aux cours d’eau de l’Europe du Sud où les mollusques vecteurs sont présents.
Quoi qu’il en soit, la schistosomose urogénitale ne doit plus être considérée comme une affection strictement exotique. Elle fait dorénavant partie des étiologies à évoquer devant toute hyperéosinophilie ou hématurie, même en l’absence de séjour ou de voyage en Afrique et au Moyen-Orient.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
➜ La schistosomiose urogénitale doit être évoquée chez tout patient ayant une hématurie microscopique ou macroscopique et/ou une hyperéosinophilie.
➜ L’interrogatoire recherche un séjour ou un voyage en zone d’endémie reconnue, mais AUSSI en régions méditerranéennes.
➜ En cas de réponse positive, les examens de première ligne sont la confirmation de l’hématurie, le sérodiagnostic spécifique, la recherche d’œufs de S. haematobium dans les urines et les selles.
➜ Ces investigations doivent s’étendre aux membres de la famille, éventuellement aux relations ayant partagé le(s) même(s) voyage(s) ou séjour(s).
En l’absence d’une maîtrise rapide de ce foyer encore localisé, la maladie pourrait s’étendre à d’autres rivières en Corse, mais aussi aux cours d’eau de l’Europe du Sud où les mollusques vecteurs sont présents.
Quoi qu’il en soit, la schistosomose urogénitale ne doit plus être considérée comme une affection strictement exotique. Elle fait dorénavant partie des étiologies à évoquer devant toute hyperéosinophilie ou hématurie, même en l’absence de séjour ou de voyage en Afrique et au Moyen-Orient.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
➜ La schistosomiose urogénitale doit être évoquée chez tout patient ayant une hématurie microscopique ou macroscopique et/ou une hyperéosinophilie.
➜ L’interrogatoire recherche un séjour ou un voyage en zone d’endémie reconnue, mais AUSSI en régions méditerranéennes.
➜ En cas de réponse positive, les examens de première ligne sont la confirmation de l’hématurie, le sérodiagnostic spécifique, la recherche d’œufs de S. haematobium dans les urines et les selles.
➜ Ces investigations doivent s’étendre aux membres de la famille, éventuellement aux relations ayant partagé le(s) même(s) voyage(s) ou séjour(s).
références
1. Berry A, Moné H, Iriart X, et al. Schistosomiasis haematobium, Corsica, France. Emerg Infect Dis 2014;20:1595-7.
2. Holtfreter MC, Moné H, Müller-Stöver I, Mouahid G, Richter J. Schistosoma haematobium infection acquired in Corsica, France, August 2013. Euro Surveill 2014;19: pii:20821.
3. Berry A, Fillaux J, Martin-Blondel G, et al. Evidence for a permanent presence of schistosomiasis in Corsica, France, 2015. Euro Surveill 2016;21: pii:30100.
2. Holtfreter MC, Moné H, Müller-Stöver I, Mouahid G, Richter J. Schistosoma haematobium infection acquired in Corsica, France, August 2013. Euro Surveill 2014;19: pii:20821.
3. Berry A, Fillaux J, Martin-Blondel G, et al. Evidence for a permanent presence of schistosomiasis in Corsica, France, 2015. Euro Surveill 2016;21: pii:30100.