Si, depuis 2023 , les podologues peuvent prescrire les orthèses directement, le médecin traitant garde toute sa place pour en évaluer les véritables indications et approuver la prescription – qui ne peut se faire en cas d’avis contraire du médecin.
Pied plat valgus : les semelles sont souvent inutiles
Physiologique jusqu’à l’âge de 5 - 6 ans, le pied plat valgus statique (ou essentiel) représente la quasi-totalité des cas de pieds plats chez l’enfant (95 %). L’effondrement du pied en charge est souvent dû à un trouble torsionnel, au niveau soit du fémur (hyperantéversion fémorale) soit du tibia (torsion tibiale interne). Il se corrige progressivement avec la croissance, dans la très grande majorité des cas. Lorsque les pieds plats persistent en fin de croissance, très peu restent symptomatiques à l’âge adulte.
La prescription de semelles n’est donc pas justifiée en cas :
- d’absence de douleur ;
- de souplesse du pied plat et réductibilité de l’effondrement plantaire qui ne se produit qu’en charge : quand le premier orteil est mis en extension ou l’enfant se met sur la pointe des pieds, le creux plantaire interne réapparaît.
Une revue récente de la Cochrane a confirmé l’inutilité des semelles orthopédiques en cas de pied plat asymptomatique flexible de l’enfant. Il convient de rassurer les parents, qui en sont souvent demandeurs.
Si le pied plat fait partie d’une pathologie générale (Marfan, Ehlers Danlos, arthrite juvénile idiopathique…) ou dans un contexte neurologique, des semelles ou des coques moulées aident au confort mais n’ont pas de visée correctrice.
Un avis orthopédique est nécessaire en cas de raideur et/ou douleur, à la recherche d’une synostose calcanéo-naviculaire ou talo-calcanéenne dont le traitement est chirurgical.
Inégalité de longueur des membres inférieurs
Le diagnostic est clinique car l’imagerie peut être trompeuse. Les radiographies des membres inférieurs ou du rachis montrant un déséquilibre du bassin de quelques millimètres sont souvent à l’origine de prescriptions abusives (il s’agit d’images fixes qui ne reflètent pas entièrement la réalité). L’enfant est examiné debout, de face et de dos, en se repérant sur les épines iliaques antéro-supérieures et postéro-supérieures respectivement : en cas d’inégalité, elles ne se situent pas à la même hauteur. L’enquête étiologique (cause malformative, post-traumatique, etc.) et l’appréciation de l’évolution sont du ressort de l’orthopédiste.
Les semelles ne se justifient qu’en cas de gêne fonctionnelle lorsque l’inégalité de longueur est inférieure à 1,5 cm (la compensation n’est pas obligatoire car il n’y a pas de risque de créer une scoliose ou une coxopathie en période de croissance). Si elle est supérieure, une consultation en orthopédie est nécessaire.
Enfant sportif : quelles indications ?
Plusieurs pathologies des pieds liées à la pratique du sport chez l’enfant peuvent nécessiter la prescription de semelles orthopédiques.
Maladie de Sever
Survenant entre 8 et 15 ans, elle concerne le noyau d’ossification secondaire de la grande apophyse calcanéenne. L’activité sportive pratiquée par l’enfant de cet âge – lorsque le cartilage de croissance est encore actif – peut entraîner une contrainte excessive sur ce point d’attache du mollet et du tendon calcanéen au talon immature.
Des lésions microtraumatiques du cartilage de croissance sont alors responsables d’une réaction inflammatoire, à l’origine des douleurs mécaniques localisées à ce niveau. La symptomatologie disparaît avec la fin de la croissance.
Des semelles avec une talonnette amortissante, disponibles dans le commerce, sont souvent efficaces, par diminution de la traction sur le triceps. On y associe la mise au repos sportif en période douloureuse.
Les semelles orthopédiques ne sont indiquées que lorsqu’il existe des défauts de l’arrière-pied (rares) ; elles ne corrigent pas les vices architecturaux.
Maladie de Kohler
Survenant entre 3 et 7 ans, c’est une ostéochondrose rare de croissance de l’os naviculaire du pied ou scaphoïde tarsien, fragilisé par des contraintes mécaniques (tractions importantes par l’intermédiaire du muscle tibial postérieur) perturbant sa vascularisation.
La douleur s’étend à l’ensemble de l’arche interne. L’examen retrouve une douleur plus importante sur l’os naviculaire, une sensibilité augmentée à la mobilisation de l’articulation médiotarsienne lors des mouvements de pronosupination ou à la contraction du muscle tibial postérieur.
Les semelles orthopédiques en supination sont utiles pour soulager la douleur, associées au repos sportif. L’évolution est favorable en quelques mois.
Maladie de Freiberg
Touchant surtout les danseuses à l’adolescence, c’est une nécrose ischémique de la tête d’un métatarsien (le plus souvent le 2e, parfois le 3e, exceptionnellement le 4e).
Les douleurs sont déclenchées par la marche ou l’activité sportive. La palpation retrouve une douleur de l’articulation s’accompagnant d’une raideur à la flexion plantaire de l’orteil. La radiographie de l’avant-pied affirme le diagnostic, mais elle est normale au stade initial.
Les semelles orthopédiques avec appui rétrocapital pour mettre en décharge cette zone sont indiquées, associées au repos. Elles sont efficaces sur les douleurs et favorisent la reconstruction.
Pathologies neurologiques
Les anomalies des pieds s’intégrant dans des pathologies neurologiques (paralysie cérébrale, dysraphismes, neuropathies périphériques, etc.) requièrent des semelles orthopédiques voire des orthèses plus complexes (coques moulées, chaussures orthopédiques).
Leur objectif reste modeste, sans vertu curative en soi : les orthèses peuvent soulager les douleurs, aider à la marche en positionnant le pied au mieux ou, tout au plus, aider à freiner l’évolution des déformations. Leur prescription se fait le plus souvent en milieu spécialisé.
Mary P. Quand prescrire des semelles orthopédiques (ou pas) ? Médecine & enfance Octobre 2013.
À lire aussi :
Ben Nessib D, Majdoub F, Lassoued Ferjani H, et al. Examen clinique du pied de l’enfant. Rev Prat 2023;73(8):890-4.