Si les traitements actuels permettent de réduire la fréquence et la sévérité des poussées inflammatoires de la sclérose en plaques, ils sont inefficaces contre sa progression. La recherche actuelle vise ainsi à développer de nouvelles thérapeutiques pour favoriser la régénération de la myéline. Les hormones masculines pourraient être une piste, selon une récente découverte d’une équipe de l’Inserm publiée dans Nature Communications.

La sclérose en plaques (SEP) touche trois femmes pour un homme. Dans sa forme la plus fréquente, dite récurrente-rémittente (85 % des cas), elle se traduit par des poussées inflammatoires au cours desquelles les cellules immunitaires des patients s’attaquent à la myéline du système nerveux central et la détruisent. Ce phénomène entraîne des lésions qui provoquent des troubles moteurs, sensitifs ou visuels. Ces symptômes sont réversibles au début de la maladie, grâce à la réparation spontanée de la myéline détruite. Cependant, avec le temps, ils deviennent peu à peu irréversibles, ce qui reflète l’échec du processus de réparation et fait entrer les patients dans la phase progressive de la maladie.

La recherche actuelle vise ainsi à mieux appréhender les mécanismes de la maladie et à développer de nouvelles pistes thérapeutiques qui permettraient d’éviter l’entrée des patients dans la phase progressive, notamment en favorisant la régénération de la myéline.

Des travaux avaient déjà montré que les androgènes protègent les neurones dans le système nerveux central des hommes atteints de formes récurrentes-rémittentes de sclérose en plaques et induisent la régénération des gaines de myéline détruites chez le mâle, dans des modèles animaux de la maladie. Mais quel est le rôle des petites quantités d’androgènes que l’on retrouve aussi dans le système nerveux central des femmes ? Les androgènes, présents à des taux bien plus faibles que chez les hommes, peuvent-ils aussi avoir un impact sur la progression de la maladie chez les patientes ?

Les chercheurs français de l’unité Inserm-Université Paris-Saclay « Maladies et hormones du système nerveux » ont travaillé avec des modèles animaux de SEP mais également à partir de tissus de patients issus de banques de dons d’organes. Ils ont d’abord montré que dans les régions où la myéline est détruite, le récepteur AR qui permet aux androgènes de transmettre leur signal est fortement exprimé dans le tissu nerveux des femmes atteintes de sclérose en plaques, comme dans celui des souris femelles utilisées comme modèles de la maladie. Même s’ils ne sont présents qu’en faible quantité chez les femelles, les androgènes ont bien une action favorisant une régénération optimale de la myéline détruite : en effet, lorsque les signaux transmis par les androgènes sont bloqués, cette régénération est fortement réduite.

Ces mêmes androgènes ont également des effets anti-inflammatoires majeurs dans le tissu nerveux démyélinisé des femelles. Les effets bénéfiques des androgènes chez les femmes atteintes de sclérose en plaques pourraient donc également être liés à la diminution du niveau d’inflammation locale, dans les zones où la myéline est détruite. Ce résultat est d’autant plus intéressant que, selon l’hypothèse actuelle, la progression de la maladie pourrait être étroitement associée aux cellules inflammatoires résidant dans le tissu nerveux.

Ainsi, contrairement à ce que l’on pouvait penser, et en dépit de leur faible concentration, ces résultats suggèrent que les hormones masculines jouent un rôle neuroprotecteur, anti-inflammatoire et remyélinisant chez les femmes atteintes de sclérose en plaques.

« Nos données suggèrent l’utilisation de doses appropriées d’androgènes chez les femmes atteintes de sclérose en plaques et la nécessité de prendre en considération le sexe du patient dans l’approche thérapeutique de cette pathologie », conclut Elisabeth Traiffort, auteure de l’étude.