Si la prise en charge de la SEP s’est améliorée, l’enjeu reste aujourd’hui de la dépister plus tôt, car un traitement précoce diminue le risque de poussées et de nouvelles lésions. Dans une étude sur plus de 110 000 patients, une équipe de l’Institut du cerveau a identifié une « phase prodromique » de la maladie caractérisée par certains symptômes…

Pathologie inflammatoire chronique du système nerveux central, la sclérose en plaque (SEP) touche environ 120 000 patients en France. Avec un âge de début se situant généralement entre 20 et 40 ans, c’est la deuxième cause de handicap acquis chez l’adulte jeune. Il s’agit d’une maladie auto-immune multifactorielle et multigénique, avec une susceptibilité génétique dans certaines familles. Les facteurs déclenchants/favorisants sont de mieux en mieux connus : antécédent d’infection virale à EBV, tabagisme, carence en vitamine D en période néonatale…

Les signes initiaux ne sont pas toujours évidents à reconnaître et sont parfois interprétées à tort comme des anomalies non neurologiques (paresthésies des membres inférieurs mises sur le compte d’une insuffisance veineuse...). Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques et d’imagerie.

L’enjeu aujourd’hui est de détecter la maladie au plus tôt, bien avant que les lésions soient visibles par IRM, dans l’espoir de retarder au maximum l’apparition du handicap. Plusieurs études avaient déjà suggéré que certains symptômes apparaissent jusqu’à dix ans avant le diagnostic. Restait à quantifier ce phénomène à l’échelle d’une population afin de définir de manière rigoureuse une « phase prodromique » de la maladie. En outre, une meilleure connaissance des symptômes avant-coureurs de la SEP pourrait aider à pointer le moment exact où commence le processus inflammatoire à l’origine des lésions dans le système nerveux central.

L’association de 5 symptômes

Une équipe de chercheurs de l’Institut du cerveau a donc comparé les données de santé de 20 174 patients avec une SEP, 54 790 patients sans SEP, et 37 814 patients ayant deux maladies auto-immunes qui, comme la SEP, touchent principalement les femmes et les jeunes adultes — soit 30 477 patients avec une maladie de Crohn et 7 337 avec un lupus.

Grâce aux dossiers médicaux anonymisés issus du Health Improvement Network (THIN) britannique, l’équipe a analysé la trajectoire de santé de ces patients, et particulièrement la fréquence de 113 symptômes sur une période de 5 ans avant et 5 ans après le diagnostic. Une période de référence similaire a été utilisée pour les patients contrôles sans maladie auto-immune.

Les chercheurs ont observé que 5 symptômes étaient associés de manière significative à un diagnostic de SEP ultérieur : dépression, troubles sexuels, constipation, cystite et autres infections des voies urinaires. Selon la Pr Céline Louapre, auteure de l’étude : « Cette association était suffisamment robuste au niveau statistique pour que nous puissions affirmer qu’il s’agit de signes cliniques avant-coureurs, probablement liés à des lésions du système nerveux, chez des patients qui recevront plus tard un diagnostic de SEP  ». De plus, la sur-représentation de ces symptômes persistait et augmentait durant les 5 années après le diagnostic.

Du chemin reste à faire

Si ces résultats dessinent les contours d’une phase prodromique de la maladie, les symptômes identifiés ne sont pas spécifiques : fréquents en population générale, ils apparaissaient également dans la phase prodromique du lupus et de la maladie de Crohn.

Toutefois, selon les chercheurs, chez des patients qui ont un risque spécifique – certaines formes familiales de SEP, par exemple – ces signes peuvent contribuer à alerter au plus tôt.

Pour en savoir plus
Institut du cerveau. Sclérose en plaques : une nouvelle étude pointe cinq signes avant-coureurs de la maladie.  6 décembre 2023.
Guinebretière O, Nedelec T, Gantzer L, et al. Association between diseases and symptoms diagnosed in primary care and the subsequent specific risk of multiple sclerosis.  Neurology 6 décembre 2023.
Vukusic S, Androdias G. Diagnostic de la sclérose en plaques.  Rev Prat 2022;72(4);387-91.
Maillart É. Sclérose en plaques débutante.  Rev Prat Med Gen 2021;35(1054);71-2.
Louapre C, Stankoff B, Bodini B. Sclérose en plaques : quelles perspectives thérapeutiques ?  Rev Prat 2022;72(4):410-4.
Nobile C. Sclérose en plaques : les causes se précisent. Rev Prat (en ligne) 31 mai 2023.

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