Première cause de handicap neurologique non traumatique du sujet jeune, la sclérose en plaques (SEP) est une pathologie chronique inflammatoire auto-immune du système nerveux central (cerveau, tronc cérébral et moelle épinière) ; sa cible est la myéline, membrane protectrice des fibres nerveuses. Elle affecte 2,8 millions de personnes dans le monde et 120 000 en France (incidence annuelle d’entre 7 et 9 cas pour 100 000 habitants).
Diagnostiquée en moyenne vers 30 ans, cette maladie touche davantage les femmes (sex-ratio F/H de 3/1). Ses causes sont multiples, impliquant des facteurs génétiques (bien qu’il ne s’agisse pas d’une maladie héréditaire, elle fait intervenir un terrain de susceptibilité engageant plus de 200 gènes liés majoritairement à la réponse immunitaire) et des facteurs environnementaux (infection par le virus d’Epstein-Barr, tabac…).
À ce jour, il n’existe pas de biomarqueur permettant un diagnostic simple de la SEP. Celui-ci reste donc probabiliste et repose sur un faisceau d’arguments cliniques et d’imagerie. Or un diagnostic précoce, voire présymptomatique, permettrait une prise en charge la plus anticipée possible afin de réduire le retentissement de la maladie – d’autant plus que le traitement a considérablement évolué ces dernières années. Il repose sur plusieurs axes : traitement des poussées, traitement de fond préventif de la survenue de poussées et de l’aggravation du handicap, traitement symptomatique et prise en charge non médicamenteuse permettant d’améliorer certains symptômes et la qualité de vie des patients.
En particulier, le traitement de fond de la forme rémittente (85 % des cas) s’avère d’autant plus efficace que son instauration est précoce : l’arsenal thérapeutique, qui s’est étoffé ces dernières années, permet d’envisager la limitation, voire l’arrêt, de l’activité inflammatoire (absence de survenue de poussées et d’apparition de nouvelles lésions à l’IRM), et de nombreuses études ont démontré son efficacité plus importante lorsqu’il est initié précocement (notamment sur la réduction du risque d’avoir un handicap à moyen ou long terme).
Des chercheurs de l’Institut du cerveau ont ainsi entrepris de trouver un biomarqueur précoce qui puisse faciliter le diagnostic de la maladie à un stade préclinique, en étudiant les plexus choroïdes – ces structures situées dans les ventricules du cerveau, qui produisent le liquide céphalo-rachidien et contribuent à réguler la circulation des cellules immunitaires au niveau la barrière hémato-encéphalique. En utilisant l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et la tomographie par émission de positrons (TEP), ils ont comparé les plexus choroïdes de 27 patients SEP présymptomatiques (accès aux clichés d’une période antérieure à la confirmation clinique de leur diagnostic), 97 patients avec une forme clinique et un diagnostic confirmé de SEP, ainsi que 53 volontaires sains.
Résultat : ils ont constaté que les plexus choroïdes des patients SEP en période présymptomatique étaient 32 % plus volumineux que ceux des sujets sains, et d’une taille similaire à ceux des patients déjà diagnostiqués cliniquement. Ces conclusions ont été publiées dans la revue Neurology Neuroimmunology & Neuroinflammation.
Si la mesure du volume des plexus choroïdes pourrait donc constituer un nouveau biomarqueur prometteur, sa fiabilité et son potentiel diagnostique doivent encore être confirmés. Il s’agirait de savoir notamment si l’augmentation du volume de cette zone du cerveau est spécifique à la SEP, et d’élucider les mécanismes biologiques qui y sont associés ainsi que leur implication dans le déclenchement des symptômes de la maladie.
À cet égard, l’équipe a déjà mis en évidence une corrélation entre l’augmentation du volume des plexus choroïdes, l’altération de leur fonctionnement et la neuro-inflammation (l’altération de leur fonction barrière était décelable au stade présymptomatique, à travers une activité immunitaire anormale et des marqueurs biologiques de l’inflammation), mais les liens de causalité restent à déterminer. Ceci permettrait de mieux comprendre si l’altération de ces structures joue un rôle prédictif de l’évolution de la maladie. Enfin, il faudrait également vérifier si le volume des plexus choroïdes fluctue avec l’évolution de la maladie, au gré des poussées inflammatoires ou de la prise de médicaments, par exemple. D’autres études, incluant un plus grand nombre de patients, sont donc nécessaires. À suivre…
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Dossier – Sclérose en plaques, élaboré selon les conseils scientifiques du Pr Bruno Stankoff. Rev Prat 2022;72(4);379-416.