Objectif
Connaître la définition des termes suivants : sepsis et choc septique.
Savoir évoquer un état de choc septique chez l’enfant.
Connaître les bases de la prise en charge d’un choc septique chez l’enfant (voir item 332).
Introduction
Le choc septique de l’enfant est une pathologie sévère dont la mortalité, malgré une baisse depuis quelques années, reste élevée, entre 5 et 25 % en fonction des pays (connaissances de rang B pour l’ECN). Cette mortalité élevée est en partie expliquée par un retard à l’identification de cette pathologie, et de ce fait par un retard à la prise en charge. Afin d’améliorer le pronostic, des recommandations internationales sont mises à jour régulièrement, dont la dernière date d’avril 2020.
Définition
La définition du choc septique dans la population pédiatrique résulte du continuum physiopathologique allant du syndrome de réponse inflammatoire systémique à l’état de choc septique avéré (
Il est cependant utile de savoir que la définition du choc septique de l’adulte a récemment été modifiée devant la mauvaise sensibilité des critères de sepsis sévère pouvant amener à un retard diagnostique. Le syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) et le sepsis sévère n’y apparaissent plus. Le sepsis est défini par une infection suspectée, associée à un score SOFA (sequential organ failure assessment) [
Physiopathologie
Un état de choc est défini par une insuffisance circulatoire aiguë et durable aboutissant à une hypoxie cellulaire. Cette hypoperfusion absolue ou relative, correspondant à un déséquilibre entre les apports et la consommation d’oxygène, est responsable d’une souffrance hypoxique multiviscérale et d’un passage en métabolisme anaérobie (connaissances de rang B pour l’ECN). Le passage de l’organisme en métabolisme anaérobie engendre la production accrue de lactate.
Épidémiologie
L’épidémiologie des infections bactériennes chez l’enfant est en partie fonction de l’âge.
Nous ne traiterons pas dans ce chapitre des infections bactériennes néonatales précoces et tardives. Les trois principaux germes impliqués dans les infections bactériennes néonatales sont le streptocoque du groupe B, Escherichia coli et, dans une moindre mesure, Listeria monocytogenes.
Germes principaux
Le choc septique est une pathologie principalement engendrée par une infection bactérienne. Cependant, il est aussi important de noter que certains virus peuvent être responsables d’un authentique choc septique (Herpesvirus, virus de la grippe, adénovirus).
Les trois principales bactéries identifiées dans les chocs septiques de l’enfant sont :
- Streptococcus pneumoniae : il peut être responsable principalement de pleuropneumopathies et de méningites. La vaccination antipneumococcique a cependant permis de diminuer l’incidence de ces infections. Les sérogroupes non inclus dans le vaccin sont le plus souvent responsables de ces infections sévères ;
- Staphylococcus aureus : qu’ils soient sensibles ou résistants à la méticilline, les staphylocoques dorés peuvent être responsables de pneumopathies et de fasciites nécrosantes. Certaines souches de ces germes sont aussi capables de sécréter des toxines (toxine de Panton-Valentine [PVL) extrêmement pathogènes et responsables de chocs dits toxiniques (érythrodermie et hypotension profonde) ;
- streptocoque bêta-hémolytique du groupe A : il peut être responsable de pneumopathie nécrosante, fasciite nécrosante et choc toxinique.
Les autres germes impliqués dans les chocs septiques de l’enfant sont Neisseria meningitidis (principalement pourvoyeur de méningite) et Escherichia coli (infections du tractus urinaire). Les infections invasives à Haemophilus du groupe b ont quasiment été éradiquées grâce à la vaccination.
Principaux sites infectieux
Le principal site d’infection grave de l’enfant reste à l’heure actuelle le tractus respiratoire (environ 45 % des infections). Les autres principales localisations infectieuses sont le sang, les voies urinaires, les infections abdominales (appendicite, péritonite), les infections des tissus mous (fasciite nécrosante, dermo-hypodermites et abcès cutanés), les infections du système nerveux central (méningite et méningo-encéphalite).
Comorbidités associées
L’évolution des prises en charge de l’enfant porteur d’une pathologie chronique fait qu’il est dorénavant important de rechercher la présence de comorbidités lors du diagnostic d’un choc septique afin d’orienter le raisonnement du clinicien (porte d’entrée potentielle, germe opportuniste, etc.). Les troubles de la déglutition liés à un polyhandicap, l’immunodépression, la drépanocytose et les voies centrales sont les principales « comorbidités » retrouvées chez l’enfant.
Diagnostic
Le diagnostic d’un choc septique reste avant tout clinique et repose sur un faisceau d’arguments (connaissances de rang A pour l’ECN).
L’objectif de cet examen clinique est d’identifier l’insuffisance circulatoire, les signes de retentissement de cette insuffisance circulatoire sur les différents organes et des signes d’orientation vers une porte d’entrée infectieuse.
Les principaux signes d’insuffisance circulatoire à rechercher sont :
- la tachycardie : c’est le premier signe de choc apparaissant chez l’enfant et elle ne doit jamais être négligée ;
- la mesure de la pression artérielle : l’existence d’une hypotension artérielle est un signe de gravité lors de la prise en charge d’un choc ;
- l’évaluation de la perfusion périphérique : chaleur des extrémités, marbrures cutanées et temps de recoloration cutanée ;
- la palpation des pouls centraux et périphériques, ainsi que l’évaluation de leur intensité (bien pulsé, filant) ;
- l’évaluation des signes de précharge : principalement représentés par une hépatomégalie et des crépitants à l’auscultation pulmonaire.
Le retentissement de cette insuffisance circulatoire peut être multiviscéral :
- la défaillance respiratoire : polypnée, signes de lutte respiratoire, pauses respiratoires ;
- la défaillance neurologique : agitation, irritabilité, geignements, coma ;
- la défaillance rénale : oligo-anurie ;
- la défaillance cardiaque : hépatomégalie en rapport avec une cardiomyopathie septique.
À la recherche d’une porte d’entrée infectieuse, on fera :
- un examen cutané : recherche d’un purpura d’allure nécrotique, recherche d’une plaie cutanée ;
- un examen neurologique : présence de céphalées, d’un syndrome méningé ;
- un examen pulmonaire : foyer auscultatoire de crépitants ;
- un examen abdominal : défense, contracture abdominale, cicatrice.
Lors de la prise en charge d’un choc septique, il ne faut cependant pas négliger l’interrogatoire du patient et/ou de sa famille. En effet, il permet d’identifier des populations à risque d’infection invasive grave (immunodépression acquise ou congénitale, corticothérapie au long cours, drépanocytose, asplénie) et de recherche une porte d’entrée infectieuse.
Prise en charge
La prise en charge d’un choc septique est régulièrement mise à jour afin d’en améliorer l’efficience pour cette pathologie sévère.
Préparation du patient
La prise en charge d’un choc septique est une urgence vitale, et l’enfant doit être rapidement transféré dans un service de soins intensifs et réanimation. Le transport doit être médicalisé (connaissances de rang B pour l’ECN).
La pose d’une voie d’abord est donc une urgence et doit être obtenue dans les 5 minutes suivant l’identification du patient. Cette voie d’abord peut être une voie veineuse périphérique ou une voie intra-osseuse.
En parallèle, le patient doit être installé en salle de déchocage et mis sous scope en continu (fréquence cardiaque, pression artérielle et saturation en oxygène).
Il est aussi nécessaire de débuter une oxygénothérapie aux lunettes ou au masque à haute concentration pour faciliter la délivrance de l’oxygène.
Traitement causal
Une antibiothérapie probabiliste bactéricide et synergique doit être débutée dans l’heure suivant le diagnostic du choc septique (connaissances de rang A pour l’ECN). Classiquement, un traitement par céphalosporine de 3e génération (céfotaxime, par exemple) associé à un aminoside est initié. Cette antibiothérapie doit aussi être adaptée en fonction des antécédents de l’enfant (colonisation connue à des bactéries résistantes).
Il est aussi essentiel de prendre en charge la source de l’infection si elle est identifiée (cure d’appendicite, ablation d’un cathéter central, parage et désinfection d’une plaie, etc.).
Cette antibiothérapie probabiliste doit être adaptée dès l’identification du germe, puis secondairement avec l’antibiogramme. Cette phase de réévaluation de l’antibiothérapie est indispensable à la prise en charge d’un choc septique afin d’obtenir un traitement anti-infectieux le plus optimal possible en limitant le risque d’émergence de bactéries multirésistantes (connaissances de rang A pour l’ECN).
Traitement symptomatique
Le traitement symptomatique repose sur la correction de l’insuffisance circulatoire engendrée par le choc septique. Il repose sur deux axes thérapeutiques :
- le remplissage vasculaire : 20 mL/kg, par voie intraveineuse ou intra-osseuse, sur 10 à 20 minutes, de Ringer lactate (dorénavant préféré au sérum physiologique afin de limiter le risque d’acidose hyperchlorémique). L’objectif est de réaliser 40 à 60 mL/kg de remplissage vasculaire au cours de la première heure de prise en charge ;
- un support par amines vasoactives : il est recommandé de débuter le support par amines vasoactives à partir de 40 mL/kg de remplissage vasculaire. La noradrénaline et l’adrénaline sont les deux amines à utiliser dans le choc septique.
Thérapies adjuvantes
En plus de la prise en charge hémodynamique, il y a de nombreuses thérapies adjuvantes potentiellement utiles en fonction du stade d’évolution du choc septique :
- la supplémentation en hémisuccinate d’hydrocortisone ;
- le traitement d’une hypoglycémie ;
- la correction d’une hypocalcémie.
Surveillance de l’efficacité du traitement
Comme dans toute pathologie, l’évaluation de l’efficacité des thérapeutiques mises en place est une étape essentielle à la prise en charge.
Cette surveillance est principalement clinique dans le choc septique et consiste en la disparition des signes d’instabilité hémodynamique et des signes de souffrance multiviscérale :
- normalisation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque ;
- régression des marbrures, réchauffement des extrémités, normalisation du temps de remplissage capillaire (TRC) ;
- disparition des troubles de conscience ;
- reprise d’une diurèse > 1 mL/kg/h ;
- régression du taux de lactate et normalisation du pH.
POINTS FORTS À RETENIR
Le diagnostic d’un choc septique est avant tout clinique.
L’administration d’une antibiothérapie à large spectre est une urgence.
Un support hémodynamique par remplissage vasculaire (Ringer lactate) et amines vasopressives (adrénaline ou noradrénaline) est au centre de la prise en charge.
L’identification et le traitement d’une porte d’entrée infectieuse sont essentiels dans la prise en charge d’un choc septique.
Un remplissage vasculaire se fait par Ringer lactate, 20 mL/kg IVL sur 10 à 20 minutes.
L’obtention d’une voie d’abord est une urgence et peut être une voie veineuse périphérique ou une voie intra-osseuse.
Sepsis et choc septique de l’enfant et de l’adulte
Le choc septique de l’enfant est un item qui peut tout à fait être proposé pour un dossier à l’ECN. En effet, il permet de réaliser un dossier totalement transversal. On pourrait par exemple commencer par des convulsions fébriles se révélant être une méningite à pneumocoque qui évolue vers un choc septique. Poursuivre le dossier en prenant en charge les potentiels handicaps et finir par quelques questions de santé publique en lien avec la vaccination.
En plus de cette capacité à produire des dossiers transversaux, le choc septique reste un vrai problème de santé publique. Les quelques connaissances de rang A ou B à connaître ont dans la « vraie » vie une conséquence directe sur la morbi-mortalité des patients souffrant d’un choc septique.