Les résultats positifs d’un traitement capable de prévenir la transmission mère-enfant du cytomégalovirus ont motivé le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) à mettre à jour ses recommandations sur le dépistage systématique de ce virus pendant la grossesse (les dernières dataient de 2018). Qu’en retenir ?

L’infection par le cytomégalovirus (CMV), virus de la famille des Herpesviridae, est fréquente : la séroprévalence dans la population générale mondiale est de plus de 80 % et de 50 à 60 % en Europe. Si elle est souvent asymptomatique ou sans gravité, elle peut être grave lorsqu’elle est acquise in utero, avec des conséquences pour le fœtus telles qu’un retard de croissance ou des séquelles neurosensorielles, notamment des surdités. Ces situations sont rares : elles concernent 1 à 6 pour 100 000 nouveau-nés en France.

Le dépistage systématique des femmes enceintes aurait pour objectif de réduire les conséquences de l’infection fœtale en dépistant les primo-infections maternelles par un ou deux tests sérologiques chez la mère en début de grossesse. En 2018, le HCSP ne recommandait pas ce dépistage systématique, en raison de l’absence de balance bénéfices-risques favorable (notamment, il n’existait pas de traitement pouvant prévenir la transmission maternofœtale).

Nouvelles données, mais pas assez robustes

Depuis, un essai randomisé contrôlé contre placebo évaluant l’efficacité du valaciclovir dans la prévention de la transmission maternofœtale après une primo-infection au cours du 1er trimestre de la grossesse est paru dans le Lancet , complétant les données d’études observationnelles précédentes.

Devant des résultats encourageants, certaines équipes d’experts incitent à prescrire le dépistage et à traiter les femmes concernées. Ainsi, au même titre que la réalisation des sérologies rubéole et toxoplasmose avant la grossesse, ils conseillent de prescrire une sérologie CMV aux femmes ayant un désir de grossesse et de les informer des mesures d’hygiène à appliquer dès l’arrêt de la contraception (figure). En cas de sérologie positive (IgG positives), il est inutile de répéter la sérologie pendant la grossesse. Si elle négative, elle doit être refaite au cours du premier trimestre de grossesse pour identifier une éventuelle primo-infection (figure). Si celle-ci est avérée, un traitement par valaciclovir permettrait de diminuer à moins de 10 % le risque de transmission virale au fœtus.

De son côté, le HCSP n’est pas du même avis : il considère que les limites de cette étude rendent ses conclusions insuffisamment robustes pour recommander le dépistage et le traitement systématique des femmes enceintes primo-infectées par le CMV. D’une part, les effectifs de l’étude sont jugés insuffisants (90 patientes) pour montrer l’impact du délai entre la primo-infection et la mise en route du traitement ou celui de la durée du traitement. D’autre part, le critère de jugement principal, à savoir la transmission maternofœtale du CMV, n’est pas le plus pertinent : le HCSP souligne que le critère clinique de la diminution des séquelles chez l’enfant infecté in utero aurait été plus pertinent, et que, à cet égard, une publication future était annoncée par les auteurs de cette étude mais elle n’a pas encore été fournie, trois ans après la publication originale.

Quelles recommandations ?

Dans son avis du 4 février 2024, le HCSP considère donc que :

  • l’infection congénitale par le CMV peut être grave au niveau individuel mais que ses conséquences sont rares à l’échelle de la population en France ;
  • la généralisation du dépistage conduirait à un nombre élevé de faux positifs ;
  • il n’a pas été identifié de traitement ayant fait la preuve d’une efficacité et d’une sécurité suffisantes pour être utilisé dans le cadre d’un programme de dépistage systématique.

Au regard de ces critères, il maintient la recommandation de ne pas mettre en œuvre un dépistage systématique de l’infection par le CMV chez les femmes enceintes. Il est précisé qu’aucun pays ne recommande ce dépistage généralisé.

Il recommande, en revanche :

  • de renforcer les actions destinées à promouvoir les mesures d’hygiène recommandées (tableau), au travers de la diffusion de ces informations aux professionnels et aux parents, par une communication répétée et de la structuration de campagnes pour le grand public ;
  • de poursuivre les efforts de recherche sur la prévention de la primo-infection à CMV chez les femmes enceintes et sur les infections congénitales et leurs séquelles après réinfection ou réactivation du CMV au cours de la grossesse (essais randomisés, études médico-économiques, mise en place de cohortes représentatives comparant des femmes infectées et non infectées et des enfants infectés et non infectés in utero par le CMV…) ;
  • de mener des études des effets indésirables du valaciclovir prescrit à forte dose au cours de la grossesse, en lien avec le système national de pharmacovigilance.

Pour en savoir plus
HCSP. Dépistage systématique de l’infection à cytomégalovirus pendant la grossesse. 4 février 2024.
À lire aussi :
Leruez-Ville M, Ville Y. Infection par le cytomégalovirus chez la femme enceinte.  Rev Prat Med Gen 2023;37(1073);28-35.
Martin Agudelo L. Infection à CMV chez la femme enceinte : le dépistage n’est pas systématique.  Rev Prat (en ligne) 29 octobre 2021.

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