L’apparition d’un déficit cognitif léger est fréquente avec l’âge, mais seul un petit pourcentage de ces patients (environ 15 %) développera une véritable démence. Si certains facteurs de risque de progression ont été identifiés (allèle ApoE4, maladies chroniques), qu’en est-il des facteurs de protection, notamment de ceux modifiables ? Une étude prospective suivant une large cohorte de patients pendant 10 ans en a identifié six.
Les troubles de la mémoire sont fréquents avec l’avancée en âge. Cependant, seuls 15 % des patients chez qui un déficit cognitif léger (mild cognitive impairment, MCI) est diagnostiqué développent une maladie d’Alzheimer dans les deux ans suivants, alors que 30 % s’améliorent et 55 % restent au stade de MCI. Connaître les facteurs de protection modifiables, notamment ceux liés au style de vie, est essentiel pour bien conseiller les patients.
Dans cette vaste étude chinoise parue dans le BMJ, les auteurs ont suivi, de façon prospective, des personnes âgées de 60 ans ou plus qui avaient, à l’inclusion en 2009, des fonctions cognitives normales et avaient bénéficié d’un génotypage de l’apolipoprotéine E (ApoE). Pour rappel, cet allèle est associé à un risque accru de développer une maladie d’Alzheimer. Les participants ont été suivis pendant 10 ans, jusqu’en 2019.
Six facteurs liés à un mode de vie sain ont été évalués : une alimentation saine (respect des apports recommandés), un exercice physique régulier (≥ 150 min d’intensité modérée ou ≥ 75 min de forte intensité, par semaine), des contacts sociaux actifs (≥ deux fois par semaine), une activité cognitive intense (≥ deux fois par semaine), pas de tabac, pas d’alcool. Les participants ont été classés dans le groupe « favorable » s’ils avaient 4 à 6 de ces facteurs, dans le groupe « moyen » s’ils en avaient 2 à 3 et dans le groupe « défavorable » en cas de 0 ou 1 seul facteur. La mémoire était évaluée par le WHO/UCLA Auditory Verbal Learning Test et la cognition globale par le MMS test.
Au total, 29 072 participants ont été inclus (âge moyen de 72,23 ans), dont 48,54 % (n = 14 113) étaient des femmes. Un sur 5 était porteur du génotype ApoE ε4.
Un effet protecteur, même chez les personnes génétiquement prédisposées
Au cours de la période de suivi (2009-2019), les résultats montrent que si les capacités cognitives restent stables, la mémoire décline régulièrement avec l’âge, et ce de façon plus rapide chez les porteurs du génotype ApoE ε4.
Les participants du groupe « favorable » avaient un déclin de la mémoire plus lent par rapport à ceux du groupe « moyen » et surtout à ceux du groupe « défavorable ». Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que les auteurs trouvent des résultats similaires chez les participants porteurs du génotype ApoE ε4.
Parmi les facteurs de risque, une alimentation saine avait l’impact le plus fort pour freiner la perte de la mémoire, suivie – en ordre décroissant – par l’activité cognitive active, l’activité physique régulière, les contacts sociaux, l’absence de consommation de tabac, l’abstinence d’alcool.
Selon les auteurs, cette étude à grande échelle est la première à évaluer les effets de différents profils de style de vie, du statut ApoE ε4 et de leurs interactions sur les trajectoires de la mémoire sur une période de suivi de 10 ans. Les résultats fournissent des preuves solides qu’une combinaison de comportements positifs est associée à un déclin plus lent de la mémoire, aussi chez les individus génétiquement prédisposés.
Epelbaum S, Dubois B. Item 108. Confusion, démences (voir item 132). Rev Prat 2021;71(1);e21-28.
Jia J, Zhao T, Liu Z, et al. Association between healthy lifestyle and memory decline in older adults: 10 year, population based, prospective cohort study. BMJ 2023;38:e072691.