Un point clé : préparer le retour
Les problèmes organisationnels peuvent être très chronophages et parfois même sources de tension. Notamment lorsque le lien entre les professionnels d’institutions et ceux du domicile est fragile. Certains projets de soins validés en milieu hospitalier tiennent peu compte des réalités de l’ambulatoire. Pour éviter cela et installer de bonnes conditions de continuité des soins palliatifs à domicile, la HAS propose depuis juin 2016 des recommandations. Elles visent à préparer et anticiper ces retours et invitent les professionnels des institutions à reconnaître systématiquement et précocement les patients qui requièrent des soins palliatifs.1
Des outils sont proposés comme la fiche SPICT-FR ou encore Pallia 10 et Pallia 10 Géronto. La question « Serais-je surpris si ce patient décédait au cours des 12 prochains mois ? » peut aider les médecins à estimer intuitivement le pronostic. Pour les hospitaliers, la HAS a créé une check-list à 21 items à remplir avant la sortie. En outre elle a élaboré les critères de recours à l’HAD (
Interdisciplinarité : donner du sens et prévenir l’épuisement
Une meilleure organisation et répartition des rôles des divers protagonistes peut soutenir les professionnels en donnant du sens au projet de fin de vie, elle vise à améliorer l’efficacité du travail collectif et favoriser la continuité des soins.
Partager les questions avec des équipes ressources
Pluriprofessionnelles (médecin, infirmière, psychologue, assistante de service social…), elles ont des compétences cliniques et éthiques et peuvent faire fonction de tiers extérieur (précieux car pouvant désamorcer des situations complexes) soutenant les professionnels du domicile. Ainsi elles aident le médecin généraliste à prévoir des prescriptions anticipées en fonction des symptômes qui pourraient se manifester (dyspnée aiguë, vomissements, encombrement bronchique majeur, angoisse, douleur aiguë…).
Elles proposent des outils pratiques comme la fiche Urgence Pallia destinée à informer un médecin (autre que celui du patient) devant le prendre en charge en urgence, sur la situation du malade et ses souhaits (directives anticipées). Dans ces circonstances de fin de vie, des questions éthiques, vrais dilemmes pour le médecin, peuvent être discutées avec ces équipes ressources.
Cependant il semble qu’elles ne soient pas en nombre suffisant ni réparties de façon homogène sur le territoire.
Faire face au risque d’épuisement
Trouver une écoute et des espaces de paroles n’est pas toujours simple car le soutien psychologique des professionnels libéraux en souffrance, sujet tabou, a longtemps été négligé. La formation continue et les groupes de pairs ou Balint sont également une ressource. Cela permet d’analyser sa pratique, d’échanger sur ses difficultés avec d’autres professionnels et d’améliorer ses compétences, réduisant le stress en situation difficile.
De nombreuses associations et des initiatives régionales se sont développées pour fournir écoute, aide et assistance aux médecins (Aapml, Apss, Asra, Med’Aide, MOTS, PASS, SPS… ; liste non exhaustive). Nombre d’entre elles témoignent de la réticence des médecins à les consulter…
Accepter ses propres limites, celles de la médecine, fait partie d’un travail sur soi qui renvoie à sa propre finitude, même si elle reste toujours difficile à concevoir.
1. Qui décide de l’HAD, sur quels critères ?
Seuls le médecin traitant ou le praticien hospitalier peuvent orienter le patient vers l’HAD. L’accord du médecin traitant est nécessaire car il prend la responsabilité médicale des soins conjointement, le cas échéant, avec ses confrères spécialistes. Si le patient est suivi par un réseau de soins palliatifs et en HAD, la collaboration des 2 structures est souhaitable : répartition des niveaux de coordination et d’expertise, échanges réguliers d’informations entre HAD et réseau, et rencontres entre les équipes, incluant le médecin traitant. Un relais d’une structure vers l’autre est possible selon l’évolution de la charge en soins.
Critères de l’HAD
• Complexité de la situation et du patient, justifiant des soins multiples.
• Difficultés à organiser les soins et nécessité d’une coordination.
• Prescription d’un médicament réservé à l’usage hospitalier.
• Besoin d’accès à des ressources spécialisées.
• Technicité élevée des soins.
• Importance d’une permanence des soins (permanence téléphonique 24 h/24, 7 j/7).
2. Coordination de situations complexes : quels financements pour les soignants libéraux ?
Pour les médecins*
Visite longue (VL) et complexe réalisée au domicile du patient atteint de maladie neurodégénérative par le médecin traitant : 60 euros (3 x/an sauf aggravation).
Cette VL a été étendue depuis février 2019 aux patients relevant de soins palliatifs à domicile (avec un maximum de 3 par an). Ces visites comprennent, entre autres, l’organisation et la coordination de la prise en charge en lien avec l’équipe pluridisciplinaire de soins palliatifs.
Pour les infirmières
La lettre clé MCI (5 euros) est destinée à reconnaître « le rôle spécifique de l’infirmière en matière de coordination, de continuité des soins et de gestion des risques liés à l’environnement des soins ». Elle s’applique à chaque intervention auprès d’un patient en fin de vie.
Au sein des réseaux de santé
Des forfaits de coordination sont prévus, le plus souvent pour les médecins et/ou les infirmières avec une rémunération variable d’un réseau à l’autre (30 à 60 euros environ) versée « à la réunion » ou selon un forfait mensuel.
Dans les maisons de santé pluriprofessionnelles
La qualité et la coordination des soins faisant partie des indicateurs dits « socles », des rémunérations sont prévues pour des travaux en concertation pluriprofessionnelle (RCP) ou encore pour l’élaboration de protocoles pluriprofessionnels. Les situations des patients complexes en soins palliatifs font partie des thèmes prioritaires de ces protocoles.
* Source : www.ameli.fr
2. Serresse L. Paroles de médecins généralistes : comment font-ils avec les difficultés ressenties pendant l’accompagnement d’un patient en fin de vie ? Médecine Palliative 2011;10, 286-91.
3. Daydé MC, Derniaux A, Favre N, Gautier S. L’interdisciplinarité en pratique. Paris: Lamarre; 2019: 112 p.
4. Hirsch G, Daydé MC. Soins palliatifs à domicile : repères pour la pratique. Brignais: Le Coudrier; 2014: 206 p.
5. Ladevèze M, Levasseur G. Le médecin généraliste et la mort de ses patients. Pratiques et Organisation des Soins 2010;41: 65-72.