Le mouvement des soins palliatifs voit le jour en France dans les années 70-80 ; ils sont officiellement reconnus par la loi de 1999, et se structurent par la circulaire de 2008 et les lois de 2005 et 2016 (Leonetti et Claeys-Leonetti). Y accéder est donc un droit « pour tout malade dont l’état le requiert »… large définition incluant maladies graves, insuffisances d’organe, affections neurodégénératives, cancers, et bien d’autres.
Les soins de support ont été promulgués en 2005.Concernant uniquement la cancérologie, ils visent à une meilleure coordination des disciplines autour des besoins du malade. « Quand cela est nécessaire, il convient de veiller particulièrement à l’articulation avec la démarche palliative », dit la circulaire. C’est d’autant plus justifié que les préoccupations des soins palliatifs – traitements des symptômes physiques, soutien psychologique et accompagnement social – forment le « socle de base » des soins de support. Historiquement, nombre d’équipes mobiles de soins palliatifs, en particulier dans les centres de lutte contre le cancer, ont œuvré à cette approche globale du malade.
Dès lors, pourquoi garder le terme palliatif, inquiétant, et ne pas le fondre dans le mot « support » ?
En premier lieu, parce que la littérature internationale en valide le concept : en 2010, Jennifer Temel montre la pertinence d’une approche palliative précoce (early palliative care) sur la qualité de vie et la durée de vie dans le cancer du poumon métastasé.1 La cohorte traitée de façon classique vit 8,9 mois en moyenne versus 11,6 mois pour celle bénéficiant d’une double prise en charge (anticancéreuse et accompagnement global). Ce résultat interroge toujours les oncologues, alors que d’autres études le valident : « Il y a maintenant une évidence robuste que les soins palliatifs précoces améliorent la qualité de vie, diminuent la dépression et accroissent la satisfaction des soins. Ils peuvent aussi réduire l’utilisation de chimiothérapie près de la fin de vie dans le cancer du poumon et augmentent l’entrée et la durée de présence en structure palliative avec parfois augmentation de la survie. »2
Les soins palliatifs ont toujours soutenu les choix du malade, son désir, son confort : il est un sujet qui a son mot à dire sur ses traitements. Les soins de support tissent autour de lui un maillage sensé le soutenir. Cependant, cette organisation personnalisée visant la guérison peut aussi s’imposer à lui comme bien d’autres thérapies. Par exemple, la nutrition entérale ou parentérale... peut accroître le fardeau du programme médical… Le combat contre la maladie est fondamental pour les soins de support et, sans doute, les représentations du soin,3 de la santé et de la maladie au sein de la société sont-elles en jeu derrière ces mots si proches (support, palliatif) et parfois si lointains…
L’épigénétique, et donc une meilleure prise en compte de l’impact du mode de vie sur la santé, modifie les pratiques en cancérologie4 intégrant des disciplines comme l’hypnose, la méditation, la socio-esthétique… Dans le même temps, l’immunothérapie, les thérapies ciblées améliorant les pronostics ont relancé la forte médicalisation de la fin de vie.
Demeure la question de la mort. Au sein d’un parcours pour maladie grave, l’humain peut-il accueillir l’incertitude quant au résultat positif espéré ? L’approche early palliative care développée aux États-Unis avec « l’exploration de la compréhension et l’éducation à propos de la maladie et du pronostic ; la clarification du but du traitement ; l’assistance à la prise de décision médicale », est-elle exportable en pays laïc, où le médecin occupe l’espace laissé vacant par Dieu ?5 Les soins de support intègrent le palliatif comme toute dernière phase du cancer ; les soins palliatifs accompagnent précocement la maladie grave…
« Il n’en reste pas moins qu’il sera toujours difficile de mettre des mots sur le non-guérir, et de parler du mourir. »6Aussi, les soignants doivent pouvoir s’entendre sur quelques éléments fondamentaux. Il est important de faire comprendre au malade qu’il pourra toujours compter sur nous ; que le médecin et l’équipe ne sont pas limités dans leurs soins par l’avancée potentielle de la maladie.
Le malade peut refuser un soin (c’est un droit) ; il peut douter : on doit accueillir son questionnement et respecter son ambivalence.
Le médecin tient compte pour ses décisions de la vie entière du sujet et de son contexte psychosocial. Il prend en considération la réalité de la finitude humaine pour être raisonnable dans son obstination thérapeutique.
1. Temel JS, Greer JA, Muzikansky A, et al. Early palliative care for patients with metastatic non-small-cell lung cancer. N Engl J Med 2010;363:733-42.
2. Ferrell BR, Temel JS, Temin S, et al. Intégration of palliative care into standard oncology care: American society of clinical practice guideline update. J Clin Oncol 2017;35:96-112.
3. Bénézech JP. Le palliatif est un soin de la société. Sauramps Médical; 2018: 128 p.
4. Boukaram C. Le pouvoir anticancer des émotions. Montréal: Les éditions de l’homme; 2011: 176 p.
5. Bénézech JP. Les soins palliatifs ?... Merci, pas maintenant... ! Sauramps Médical; 2014: 128 p.
6. Aubry R, D’Hérouville D, Dayde MC, Hirsch G. Soins palliatifs et soins de support. Oncologie 2005;7:203-8.