Soins visuels : faire face à une demande croissante

L’accès aux consultations ophtalmologiques est difficile. D’après la Dress,
la moitié des demandes de rendez-vous sont honorées en 52 jours mais ce délai peut attein- dre 3 mois dans certaines zones sous-dotées. Plus précisément, le délai moyen d’attente est de 80 jours, un quart des demandes aboutissent dans les 20 jours mais la moitié se matérialisent plus de 50 jours après. De ce fait, les généralistes sont souvent les premiers consultés pour des pathologies oculaires, des plus bénignes aux plus graves. Ils absorbent plus de 3 millions par an de demandes de soins non programmés pour un motif ophtalmologique ! Avec un minimum de moyens matériels et de savoir-faire pour des gestes techniques simples (page 321), il leur est tout à fait possible de prendre en charge la plupart de ces requêtes.
Examiner un globe oculaire et ses annexes, mesurer une acuité visuelle et en apprécier la baisse, faire préciser les caractéristiques d’une douleur oculaire ou les circonstances d’un traumatisme, évaluer le champ visuel ou la pression du globe au doigt et prendre en compte les comorbidités font partie de leurs compétences. Mais savoir détecter tout signe ou affection pouvant altérer gravement et rapidement le pronostic visuel (les drapeaux rouges) est une priorité. Il est donc important d’avoir des correspondants ophtalmologistes rapidement disponibles, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas !
En effet, la démographie ophtalmo- logique est en souffrance en raison d’une sous-attribution chronique de postes formateurs : seulement 155 internes y ont eu accès en 2018 (alors qu’il faudrait en former 240 par an selon le Syndicat national des ophtalmologistes de France, SNOF). Comme pour la médecine de premier recours, l’urgence est à la restructuration de l’offre de soins. Actuellement, l’activité principale de nombreux ophtalmologues est encore de répondre aux sollicitations de patients ayant besoin de lunettes. Une prestation qui ne nécessite peut-être pas 12 ans d’études ! Il est certain que ces examens permettent parfois de détecter des glaucomes débutants ou des problèmes rétiniens. Toutefois, le travail aidé, véri- table partage de compétences avec l’orthoptiste sous la responsabilité de l’ophtalmologiste, se met en place. Aujourd’hui, d’après le SNOF, 60 % des ophtalmologistes y ont recours et le nombre de patients vus grâce à cette organisation a augmenté de 26 % selon la CNAM.
Une autre piste est la télémédecine. L’ophtalmologie a été un précurseur en matière de télé-expertise avec le développement des rétinographies pour la surveillance des fonds d’œil des patients diabétiques ! Pour des problèmes d’urgences relatives mais complexes, des téléconsultations pourraient être envisagées, surtout en zones sous-denses. Elles offriraient un très bon service tant aux professionnels de santé concernés qu’à leurs patients. Pour 2019, Thierry Bour, président du SNOF, souhaite inciter les ophtalmos à mettre en place des plages spécifiques pour les patients requérant une consultation rapide, développer la prise de rendez-vous en ligne et l’exercice en multi-sites, tendance déjà bien présente dans cette spécialité…