La pandémie et son lot de mesures préventives ont eu un impact certain sur la vie quotidienne de la population française. En particulier la qualité du sommeil des adultes, important déterminant de santé et indicateur psychologique précieux, semble en avoir été considérablement et durablement altérée.

Le sommeil occupe un tiers de nos vies et est considéré à la fois comme un facteur d’équilibre et comme un déterminant de santé majeur.
Pour les adultes, il est en moyenne de 7 heures durant les jours de semaine et de 8 heures les week-ends. Il est découpé en quatre à six cycles composés de sommeil lent (léger ou profond) et paradoxal. La durée du sommeil évolue avec l’âge, puisqu’elle est en moyenne de 16 heures chez le nouveau-né. L’horloge biologique, située au niveau du noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus, influence les rythmes veille-sommeil, avec un noyau de sommeil entre 2 et 5 h du matin.1
La qualité du sommeil est altérée pour beaucoup d’adultes : 20 % des Français se plaignent d’insomnie chronique, c’est-à-dire datant de plus de trois mois. Et plus d’un tiers des adultes français dorment moins de 6 heures par nuit, seuil en dessous duquel une association forte a été démontrée avec des sur-risques de surpoids, d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension, de maladies cardiovasculaires et d’accident.2
Comme dans d’autres domaines de la santé, il aurait été très difficile d’imaginer avant la pandémie et le confinement quelles auraient pu en être les conséquences sur le sommeil. Certains ont pu penser que le confinement améliorerait le sommeil des travailleurs habituellement contraints à des trajets longs, au stress, à un manque d’activités de loisirs ; d’autres ont projeté les effets neurologiques centraux du virus ou les répercussions des troubles respiratoires sur le sommeil.
Au cours de plusieurs enquêtes réalisées par le groupe COCONEL3-6 concernant le confinement en France (encadré 1) et ayant fait l’objet de plusieurs publications depuis deux ans, nous avons constaté que le sommeil est un indicateur pertinent des événements personnels et collectifs de nos vies. Des recommandations simples doivent permettre d’en préserver la qualité, en général, et d’autant plus dans le cas où une nouvelle crise sociétale surviendrait.

Impacts de la pandémie sur le sommeil

Le sommeil est un des indicateurs retenus par le Baromètre de Santé publique France depuis 1995 (question unique portant sur les troubles du sommeil au cours des huit derniers jours). Les données acquises depuis cette date permettent d’avoir un repère de comparaison pour analyser les données collectées en période de pandémie de Covid-19 (encadré 2).
Quatre Français interrogés sur 10 déclaraient des problèmes de sommeil apparus ou aggravés avec le confinement. La prévalence des troubles du sommeil reste plus importante pour les femmes que pour les hommes en temps de pandémie, mais elle a davantage augmenté chez ces derniers par rapport aux chiffres de 2017.
Pour une grande majorité, les problèmes de sommeil et la fatigue induite avaient beaucoup perturbé les activités quotidiennes.
Contrairement à ce qui est habituellement constaté, les troubles du sommeil liés au confinement n’augmentent pas avec l’âge : les 18-25 ans sont les plus concernés. Les prévalences des troubles du sommeil sont restées stables dans cette tranche de la population, contrairement aux autres classes d’âge, montrant une persistance au-delà du déconfinement.
Les ménages modestes et ceux subissant des difficultés financières aggravées par le confinement ont été davantage impactés par les troubles du sommeil.
En revanche, continuer à travailler à l’extérieur du domicile semble avoir été un facteur protecteur : le maintien de cette activité a sans doute permis de limiter l’impact délétère du confinement, en particulier sur les routines quotidiennes et les heures de lever et de coucher.
La part des personnes consommant des somnifères s’est considérablement accrue, surtout chez les femmes, sans différence d’âge ou de catégorie socioprofessionnelle. Les patients ayant été infectés par le SARS-CoV-2 semblent avoir davantage utilisé ces thérapeutiques.
Enfin, l’exposition aux médias a été plus élevée pour les hommes, alors que la peur due à cette exposition était plus importante pour les femmes. Les problèmes de sommeil graves et aggravés, causés par une déficience diurne et/ou l’utilisation de somnifères pendant le confinement, étaient fortement associés à cette exposition et à cette peur.

Cinq pistes pour éviter une nouvelle épidémie de troubles du sommeil

Les proportions élevées de sommeil de mauvaise qualité retrouvées au cours du confinement en France, et qui persistent chez ceux qui sont soumis au seul télétravail, montrent que le sommeil n’est pas obligatoirement amélioré par de meilleures conditions d’environnement, par le temps libre ni par l’absence de contraintes liées au transport et au travail. On aurait pu imaginer que les horaires moins stricts de sommeil, la réduction du bruit des transports, la diminution des tensions professionnelles auraient aidé les Français à mieux dormir. Cela n’a pas été le cas.
La plainte de mauvais sommeil est un marqueur sensible des événements traumatiques tant personnels que collectifs. Les trois facteurs contribuant à l’insomnie selon le « modèle des 3P » ont en effet été avérés : facteurs provoquants (déclenchant l’insomnie), facteurs précipitants et facteurs perpétuants.8 Des événements personnels et collectifs marquants perturbent le sommeil de manière chronique (notion de phé­nomène post-traumatique) :
– avoir un membre de sa famille, un proche hospitalisé en réanimation, perdre son emploi, être séparé de ses proches de manière brutale, ne plus avoir de cours à l’université ou à l’école… tels sont les événements fréquents, facteurs déclenchants, qui ont provoqué une insomnie durable chez les Français ;
– un stress environnant quotidien, augmenté des images violentes et des annonces dramatisées des décisions gouvernementales relayées par les médias, a précipité ces plaintes d’insomnie ;
– l’absence possible d’activité physi­que, les conditions de promiscuité (d’autant plus que les conditions de vie sont précaires), le défaut d’occupation professionnelle et/ou de distractions ont enfin perpétué ce mauvais sommeil.
Quelques recommandations consensuelles peuvent être délivrées pour éviter une autre épidémie d’insomnie et de mauvaise qualité de sommeil, en cas de nouvel épisode de confinement ou de stress collectif.

Dépister précocement les plaintes

La plainte de mauvais sommeil ne doit pas être banalisée et doit conduire à vérifier qu’elle n’entre pas dans le cadre d’une insomnie, qui pourrait devenir chronique et sévère.
L’insomnie est définie comme un trouble d’endormissement ou un éveil nocturne survenant au moins trois fois par semaine depuis au moins trois mois, avec des conséquences sur le fonctionnement dans la journée.9
Pour l’évaluer, il est recommandé d’utiliser un agenda de sommeil portant sur les dix à quatorze derniers jours recensant les heures de coucher, de lever, de sieste et les horaires de sommeil.10 La sévérité de l’insomnie est aussi appréciée par une échelle dédiée, l’indice de sévérité de l’insomnie (ISI), qui permet d’en apprécier l’évolution lors de la prise en charge (fig. 2).

Proposer des règles d’hygiène de sommeil individualisées

Une fois l’insomnie reconnue, il est recommandé de proposer des règles d’hygiène du sommeil adaptées, dans un colloque singulier entre médecin et patient.12 Les règles d’hygiène du sommeil ne s’appliquent en effet pas à tous de la même façon.
Quelques mesures générales peu-vent cependant être transmises :
– avoir des horaires de coucher et de lever réguliers ;
– ne pas rester au lit plus de 8 heures par 24 heures ;
– adapter ses horaires en fonction des caractéristiques de son horloge biologique (« du soir » avec des horaires plus tardifs, « du matin » avec des horaires plus précoces) ;
– protéger sa chambre du bruit extérieur et de la lumière (la lumière doit y être tamisée, la température fraî-che à moins de 20 °C) ;
– éviter les repas lourds le soir ; favoriser le repas de midi comme principal repas ; éviter le café, le thé, les boissons énergisantes après 17 h ;
– faire une activité sportive régu­lière, au moins 3 fois 20 minutes par semaine, en évitant, si possible, la soirée.
Ces règles sont adaptées en fonction de la situation du patient : en télé­travail, il s’agit d’augmenter les recommandations d’activité physique ; jeunes enfants au domicile, les horaires doivent être ajustés…

Éviter le recours systématique aux somnifères

Le recours aux somnifères pour traiter l’insomnie a considérablement évolué ces dernières années et au cours du confinement. Avant la pandémie, la prescription des hypnotiques ne cessait de diminuer en France, par suite des diverses limitations de prescription des benzodia­zépines et apparentés et des bonnes pratiques consensuelles suivies par les praticiens de médecine générale.12-13
Les hypnotiques restent néanmoins indiqués pour des périodes d’insomnie de courte durée (jusqu’à 28 jours) ou lorsque l’insomnie survient dans un contexte comorbide sévère : syndrome douloureux chronique, maladie psychiatrique, cancer. De plus, ils sont parfois indiqués pour le sommeil des aidants faisant face à des perturbations nocturnes sévères des malades qu’ils prennent en charge.
Parmi les différents médicaments hypnotiques, il s’agit de choisir, en fonction du type d’insomnie, celui qui a le plus de chance d’être efficace en présentant un minimum d’effets indésirables :
les hypnotiques Z (zopiclone et zolpidem) diminuent la latence d’endormissement et la durée des éveils nocturnes ; ils ont peu d’effet résiduel en raison de leur demi-vie courte et pratiquement pas d’effet rebond à l’arrêt du traitement. Ils sont donc souvent prescrits dans les insomnies aiguës ou d’adaptation ;
les benzodiazépines à demi-vie courte sont utilisées pour leurs propriétés hypnotiques ou anxiolytiques mais possèdent des effets résiduels fonction de la demi-vie, des effets indésirables (troubles de la mémoire, troubles cognitifs) et une baisse d’efficacité à long terme avec effet rebond à l’arrêt du traitement ;
la mélatonine ou ses agonistes n’a que peu d’indications dans l’insomnie, réservée aux insomnies associées à un décalage de phase (type retard de phase) ou chez certaines personnes âgées.
L’augmentation de prescription des hypnotiques lors du confinement montre qu’elle reste envisagée pour faire face aux situations de grandes difficultés, qu’elles soient individuelles ou collectives : stress, anxiété, dépression, perte de projet personnel ou professionnel. De plus, beaucoup de mesures d’hygiène habituelle (telles que l’activité physique, le contrôle de l’environnement, les thérapies comportementales) n’étaient pas applicables au plus fort de la crise.

Limiter l’exposition aux médias

Fondée sur les résultats des enquêtes relatant l’impact d’une surexposition aux médias et de leur contenu ressenti comme effrayant sur les troubles du sommeil,5 la recommandation de limiter l’exposition aux médias pour lutter contre l’insomnie en temps de crise est la plus originale de celles proposées.
Cette exposition perverse est apparue dès les premiers moments de la pandémie alors que la France n’était pas encore touchée mais que des images de morts et de confinements en Chine et en Italie étaient déjà diffusées sans retenue par les chaînes d’information.
Dans une logique concurrentielle commerciale, sans vraie étude d’impact de leur contenu, ces mêmes chaînes ont profité de la vulnérabilité de spectateurs sans activité professionnelle, ni liens de soutien, ni possibilité de s’évader, pour diffuser 24 heures sur 24 des images traumatiques sans véritables débats. L’origine post-­traumatique des troubles du sommeil et des troubles psychiatriques sévères survenus lors de la pandémie doit beaucoup à cette manière dont se sont comportés les médias.
La nouvelle vague liée au variant Omicron n’a en rien changé leurs habitudes, chacun rivalisant dans la projection dramatique de la pan­démie, avec des intervenants multiples et souvent peu qualifiés.
À notre connaissance, il n’existe pas à ce stade de discussion s’interrogeant sur leur responsabilité dans les atteintes psychologiques de la pandémie. Il nous semble qu’il est donc de la responsabilité des médecins de recommander à leurs patients présentant une insomnie ou des troubles du sommeil sévères d’éviter les chaînes d’information continue et de limiter la participation excessive aux réseaux sociaux à certains moments de la journée, notamment le soir. Ce nouveau type de prescription médicale devra bien sûr être évalué, et devrait être particulièrement destiné aux personnes vulnérables et sensibles au stress.

Entreprendre une thérapie cognitive et comportementale

Les thérapies cognitives et comportementales de l’insomnie (TCCi), considérées comme le traitement de référence de l’insomnie chronique, sont bien protocolisées.12 Elles visent à rétablir une perception plus réaliste et plus positive du sommeil par des comportements adaptés.

Modalités comportementales : quatre axes de prise en charge

Outre l’hygiène de sommeil, les TTCi associent techniques de relaxation, restriction du temps passé au lit et contrôle du stimulus :
– les techniques de relaxation sont centrées sur la respiration et la détente musculaire, permettant d’éviter les ruminations et les pensées intrusives anxieuses au moment du sommeil ;
– la restriction du temps passé au lit a pour objectif d’ajuster ce temps à celui du sommeil pour améliorer l’efficacité du sommeil et atteindre un ratio (temps de sommeil/temps passé au lit) supérieur à 85 %. Ainsi, il est conseillé de retarder progressivement l’heure du coucher (ou d’avancer l’heure du réveil), de maintenir une heure de lever régulière et de ne pas faire de sieste dans la journée ;
– le contrôle du stimulus vise à restaurer un lien positif entre lit et sommeil en conseillant au patient insomniaque de réserver le lit uniquement à cet usage, de se lever lorsqu’il a le sentiment d’être bien réveillé et qu’il ne parvient pas à se rendormir (en général dans les 10 à 15 minutes), et d’attendre que l’envie de dormir réapparaisse en pratiquant une activité calme.
Les thérapies comportementales, pratiquées généralement en séances de groupe d’une dizaine de patients, donnent de très bons résultats à long terme.
Le manque de professionnels formés à ces techniques en est toutefois une limite.
De plus en plus de traitements assistés par internet sont proposés aux patients pour suivre ces thérapies cognitives et comportementales de l’insomnie, dont certains avec une évaluation sérieuse et validée.14

Restructuration cognitive : dédramatiser

La restructuration cognitive part du postulat qu’il existe une perception dysfonctionnelle du sommeil, de la situation et de soi-même qui amène le patient à éprouver des émotions négatives et lui font adopter des comportements qui le maintiennent dans son insomnie.
L’objectif des TCC est, dans un premier temps, d’identifier ces croyances ou pensées dysfonctionnelles pour essayer de les remplacer par des pensées alternatives plus réalistes et positives. À terme, cela doit permettre de diminuer l’intensité émotionnelle et de supprimer les comportements inadaptés. Le patient dédramatise, a alors des attentes plus réalistes et comprend mieux le fonctionnement de son sommeil avec les outils d’éducation thérapeutique.

Éviter la chronicisation du trouble

Le sommeil est un déterminant de santé complexe, contribuant à l’équilibre physique et psychologique et à la prévention de maladies chroniques. Il est aussi sensible aux événements de vie personnels et collectifs, comme lors de la pandémie de Covid-19. Savoir recevoir et analyser une plainte du sommeil est crucial dans la prise en charge médicale pour éviter le développement d’une insomnie chronique. 

Encadre

Méthode des enquêtes COCONEL

Les enquêtes COCONEL ont été réalisées par l’Institut français d’opinion publique (IFOP), qui dispose d’un panel préselectionné (access panel) de plus de 750 000 ménages français. L’échantillon de répondants est représentatif de la population française des 18 ans et plus, sur les critères d’âge, de sexe, de niveau d’éducation et de profession du chef de famille, après stratification par région et catégorie d’agglomération de résidence. Des analyses complémentaires peuvent être menées à la demande pour décliner les aspects traités selon les caractéristiques des enquêtés (âge, sexe, niveau socio-économique, diplôme, type de commune, région, orientation politique…) ou pour détailler les aspects du questionnaire non abordés ici : santé perçue et détresse psychologique (ces aspects seront suivis dans le temps), sorties et visites la veille de l’enquête, sociabilité distante (temps passé au téléphone et sur les réseaux sociaux), acceptabilité d’un éventuel vaccin contre le Covid-19.

L’enquête COCONEL est réalisée par internet : deux fois par semaine, un échantillon de 1 millier de personnes, représentatif de la population adulte française, est interrogé sur divers aspects de la pandémie.

Six enquêtes ont été réalisées depuis le confinement de mars 2020 : confinement et conditions de vie, proximité personnelle au Covid-19, opinions à l’égard du confinement, troubles psychologiques et du sommeil, pronostic sur la durée de l’épidémie.

Encadre

Résultats des enquêtes COCONEL

Lors de la première enquête COCONEL (31 mars-2 avril 2020), 74 % des Français interrogés rapportaient des problèmes de sommeil au cours des huit derniers jours (pour comparaison, en 2017, 49 % des adultes déclaraient avoir eu de tels problèmes).7

Dans plus de la moitié des cas, les personnes interrogées estimaient que les troubles du sommeil s’étaient amplifiés avec le confinement.

Pour deux tiers d’entre elles, ces problèmes de sommeil et la fatigue induite avaient beaucoup perturbé les activités quotidiennes.

Habituellement, les troubles du sommeil augmentent avec l’âge (prévalence d’environ 50 % pour les 65-75 ans).1 Au contraire, lors de cette première enquête, après deux semaines de confinement, elle atteignait son maximum pour les 18-25 ans (79 %), était plus basse (jusqu’à 64 %) parmi les 56-65 ans, et remontait (plus de 70 %) au-delà.

Persistance des troubles du sommeil après le confinement

Les troubles du sommeil ont été à nouveau analysés lors des vagues des 15-17 avril 2020 et des 7-10 mai 2020.2-6 Si l’on compare la prévalence de ces troubles pendant et avant le confinement à celles du Baromètre de Santé publique France 2017, en distinguant les deux sexes, elle a augmenté chez les femmes (de 66 à 81 %) comme chez les hommes (de 42 à 56 %) [fig. 1].

Après un mois de confinement, ces prévalences étaient presque identiques, puis ont légèrement diminué juste avant le déconfinement, tout en restant toujours très supérieures à celles de 2017. Pour les jeunes de 18-25 ans, la prévalence était toujours la plus élevée à la veille du déconfinement, et n’avait presque pas diminué (76 %), contrairement aux autres classes d’âge.

Profil sociodémographique des personnes les plus touchées (première enquête) [tableau]

 

Les troubles du sommeil étaient d’abord plus fréquents chez les femmes (75 %, contre 61 % des hommes) et les 18-25 ans (76 %, contre 64 % pour les plus de 65 ans), y compris une fois pris en compte les effets des autres facteurs. Ce sont les personnes issues de ménages modestes (71 %, contre 63 % de celles issues d’un ménage aisé) et celles dont le ménage connaissait des difficultés financières aggravées par le confinement (77 %) qui apparaissent comme avoir significativement le plus souffert de troubles du sommeil.

Les personnes interrogées qui continuaient à travailler à temps plein à l’extérieur de leur domicile se plaignaient moins souvent de troubles du sommeil : 56 % (72 % pour celles en télétravail ; 71 % pour celles en arrêt de travail ou dans une autre situation au regard de l’emploi). Ce résultat reste significatif une fois pris en compte les principaux effets sociodémographiques.

Avoir eu un membre du foyer infecté ou un proche atteint d’une forme grave n’était pas corrélé aux problèmes de sommeil.

A contrario, le temps passé quotidiennement à s’informer sur l’épidémie dans les médias était étroitement lié : 61 % pour les personnes consacrant moins d’une heure par jour à s’informer versus 73 % pour celles y consacrant quatre heures ou plus.

Impact des médias sur le sommeil

 

Deux scores ont été établis pour évaluer l’exposition quotidienne aux médias de presse, de télévision de radio ou d’internet (EM) et la peur due à cette exposition (PEM, construit à partir de témoignages sur le ressenti des informations reçues [« contenu souvent effrayant »]).5

Le score EM était plus élevé chez les hommes que chez les femmes, alors que l’inverse était vrai pour le score PEM (p < 0,001). Des analyses logistiques de régression ont révélé que les problèmes de sommeil graves et aggravés causés par une déficience diurne et/ou l’utilisation de somnifères (26,2 % des adultes) pendant le confinement étaient fortement associés aux scores EM et PEM.

Prise d’hypnotiques

 

La prise de somnifères au cours des douze mois précédents a été signalée par 16 % des répondants, et plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes (18 % versus 13 % ; p = 0,02), sans différence selon les catégories de revenu des ménages ni selon l’âge. Avant la pandémie, cette consommation ne dépassait pas 9 % de la population générale. Parmi les 10 % de participants qui ont déclaré avoir contracté le Covid-19, 60 % des personnes atteintes d’une maladie confirmée par PCR ont déclaré avoir pris des somnifères au cours des douze derniers mois.

Références

1. Léger D. Les troubles du sommeil. Paris : Que sais-je ? Presses Universitaires de France, 2017.
2. Léger D, Richard JB, Collin O, Sauvet F, Faraut B. Napping and weekend catchup sleep do not fully compensate for high rates of sleep debt and short sleep at a population level (in a representative nationwide sample of 12,637 adults). Sleep Med 2020;74:278-88.
3. Beck F, Leger D, Cortaredona S, Verger P, Peretti-Watel P; COCONEL group. Would we recover better sleep at the end of Covid-19? A relative improvement observed at the population level with the end of the lockdown in France. Sleep Med 2021;78:115-9.
4. Peretti-Watel P, Alleaume C, Léger D, Beck F, Verger P; COCONEL Group. Anxiety, depression and sleep problems: a second wave of COVID-19. Gen Psychiatr 2020;33(5).
5. Léger D, Beck F, Fressard L, Verger P, Peretti-Watel P; COCONEL Group. Poor sleep associated with overuse of media during the COVID-19 lockdown. Sleep 2020;43(10).
6. Beck F, Léger D, Fressard L, Peretti-Watel P, Verger P; Coconel Group. Covid-19 health crisis and lockdown associated with high level of sleep complaints and hypnotic uptake at the population level. J Sleep Res 2021 Feb;30(1).
7. Beck F, Léon C, Léger D. Les troubles du sommeil en population générale. Évolution 1995-2005 des prévalences et facteurs sociodémographiques associés. Médecine/Sciences 2009;25:201-6.
8. Ellis JG, Perlis ML, Espie CA, Grandner MA, Bastien CH, Barclay NL, Altena E, Gardani M. The natural history of insomnia: predisposing, precipitating, coping, and perpetuating factors over the early developmental course of insomnia. Sleep 2021;44(9).
9. Sateia MJ. International classification of sleep disorders-third edition: highlights and modifications. Chest 2014;146(5):1387-94.
10. Natale V, Léger D, Bayon V, Erbacci A, Tonetti L, Fabbri M, Martoni M. The consensus sleep diary: quantitative criteria for primary insomnia diagnosis. Psychosom Med 2015;77(4):413-8.
11. Bastien CH, Vallières A, Morin CM. Validation of the insomnia severity Index as an outcome measure for insomnia research. Sleep Med 2001;2(4):297-307.
12. Riemann D, Baglioni C, Bassetti C, Bjorvatn B, Dolenc Groselj L, Ellis JG, et al. European guideline for the diagnosis and treatment of insomnia. J Sleep Res 2017;26(6):675-700.
13. Léger D, Ogrizek P. Insomnie [Insomnia]. Rev Prat 2007;57(14):1545-54.
14. Luik AI, Marsden A, Emsley R, Henry AL, Stott R, Miller CB, Espie CA. Long-term benefits of digital cognitive behavioural therapy for insomnia: Follow-up report from a randomized clinical trial. J Sleep Res 2020:e13018.

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Résumé

Des règles simples d’hygiène du sommeil peuvent être dispensées pour mieux affronter ces périodes de pandémie, de stress et d’isolement. Grâce aux données acquises, ces recommandations pourraient être affinées, incluant l’impact significatif de l’exposition aux médias, nouvel enjeu de prévention.