Le SOPK est l’endocrinopathie la plus fréquente chez les femmes en âge de procréer, touchant entre 10 à 13 % d’entre elles ; selon l’OMS, 70 % des cas ne sont pas diagnostiqués. Il se caractérise par une augmentation de la production d’androgènes ovariens, due à un dérèglement hormonal d’origine ovarienne et/ou centrale, qui induit un trouble de la folliculogenèse associant un excès de follicules en croissance et le défaut de sélection d’un follicule dominant (c’est l’observation de multitudes de follicules au développement inachevé, pris pour des kystes, qui a donné son nom à la maladie).
Le SOPK est la cause la plus fréquente de troubles de l’ovulation, d’hyperandrogénie et d'infécondité, et est associé à une insulinorésistance, des complications métaboliques (obésité associée dans 30 à 60 % des cas, risque de diabète multiplié par 3), une augmentation du risque cardiovasculaire et de cancer de l’endomètre (x 3 bien que le risque absolu reste faible) et un retentissement psychologique.
Quand l’évoquer ?
Le tableau clinique est très variable d’une patiente à l’autre, avec des manifestations allant de très légères à très handicapantes. Des cycles menstruels irréguliers, une acné sévère ou un hirsutisme font suspecter un SOPK.
L’hyperandrogénie clinique se caractérise, en effet, par un hirsutisme en premier lieu – pilosité excessive développée dans les territoires masculins (visage, thorax, dos, ligne blanche, creux inguinaux, faces internes et postérieures des cuisses) – évalué grâce au score de Ferriman et Gallwey (figure ; un score > à 6 le définit arbitrairement mais son évaluation reste subjective). Une acné est également évocatrice d’hyperandrogénie : dans ce contexte, elle est inflammatoire, sévère, de topographie masculine, sur au moins deux sites différents. À ces signes peut s’associer une alopécie du vertex, parfois isolée.
L’oligo-anovulation se manifeste par des troubles du cycle, le plus fréquemment par des cycles longs. Si des cycles irréguliers sont normaux durant la première voire les 2 premières années qui suivent la ménarche, ils sont pathologiques ultérieurement et doivent faire évoquer un SOPK, y compris durant l’adolescence, notamment : si durée < 21 jours ou > 45 jours entre 1 et 3 ans après la ménarche ; si durée < 21 jours ou > 35 jours voire spanioménorrhée (< 8 épisodes de règles par an) entre 3 ans post-ménarche et la périménopause ; en présence de toute aménorrhée secondaire(cycle > 90 jours), ou primaire au-delà de l’âge de 15 ans ou à 3 ans post-thélarche – bien que celle-ci soit plus rare. Toutefois, des cycles réguliers n’éliminent pas la possibilité d’une dysfonction ovulatoire.
Le SOPK est un diagnostic d’élimination, posé si au moins 2 des critères suivants sont retrouvés et après exclusion des autres causes (encadré) :
- oligo- ou anovulation ;
- hyperandrogénie clinique et/ou biologique ;
- ovaires polykystiques en échographie ou hormone antimüllérienne (AMH) élevée, chez l’adulte.
Quel bilan ?
La démarche doit être précise : le bilan vise à éliminer les diagnostics différentiels (encadré), étayer le diagnostic de SOPK et détecter des troubles métaboliques associés.
Bilan clinique
Afin d’éliminer un diagnostic différentiel, traquer : les signes de virilisation (raucité de la voix, clitoridomégalie, répartition androïde des graisses, micromastie, golfes fronto-temporaux…) en faveur d’une origine tumorale ; les signes d’hypercorticisme (vergetures pourpres, répartition facio-tronculaire des graisses, bosse de bison) qui traduiraient un syndrome de Cushing ; une galactorrhée, signe d’hyperprolactinémie ; une prise médicamenteuse (acide valproïque, progestatifs norstéroïdes).
Outre les troubles du cycle et/ou un hirsutisme, rechercher :
- un syndrome métabolique : mesure du tour de taille, de l’IMC, de la PA ;
- des signes d’insulinorésistance : acanthosis nigricans prédominant au niveau des grands plis (aisselles, aine, nuque).
À la ménopause, l’apparition d’un SOPK doit faire éliminer une cause tumorale.
Chez adolescente avec des critères diagnostiques partiels de SOPK, réévaluer à 8 ans post-ménarche.
Bilan biologique
Il doit être réalisé entre le 2e et le 5e jour du cycle (ou après déclenchement des règles par progestatifs type dydrogestérone), à 8 h du matin, en l’absence de toute prise de corticoïdes et de contraception hormonale (au moins 3 mois après l’arrêt de cette dernière). Les dosages hormonaux sont surtout utiles lorsque le tableau clinique est incomplet. Ce bilan comprend :
- testostérone libre et totale (possible dès 12 - 15 ans), modérément augmentée en cas de SOPK : si taux normaux, envisager les dosages d’androsténédione et du sulfate sulfate de déhydroépiandrostérone (SDHEA), mais leur spécificité est faible ; si elle est très élevée (deux fois la limite supérieure), rechercher une tumeur androgénosécrétante (ovarienne ou surrénalienne) ; en outre, un taux de SDHEA très augmenté (> 20 μmol/L) oriente vers une tumeur surrénalienne ;
- éventuellement hormone antimüllérienne (AMH) chez l’adulte, mais inutile si réalisation d’échographie pelvienne (v. ci-après) ou si présence de troubles du cycle avec hyperandrogénie ; de plus, son utilisation est difficile en pratique en l’absence de consensus concernant le seuil de concentration minimal ;
- FSH, LH, estradiol : normaux en cas de SOPK mais effondrés en cas d’anovulation hypothalamique fonctionnelle (anorexie, sport de haut niveau) ; une élévation de la LH peut être retrouvée dans environ 50 % des cas ;
- prolactinémie, dont l’élévation isolée peut être responsable de troubles du cycle ;
- 17 -OH progestérone : élevée en cas de bloc en 21 -hydroxylase ;
- cortisol libre urinaire si suspicion d’hypercorticisme (syndrome de Cushing) ;
- hyperglycémie provoquée par voie orale 75 g ou à défaut glycémie à jeun ou HbA1c ;
- bilan lipidique : triglycérides totaux, cholestérol total, HDL-c, LDL-c.
Échographie pelvienne
Elle n’est pas nécessaire en cas de présence de cycles irréguliers avec hyperandrogénie.
Le critère diagnostique échographique, en privilégiant la voie endovaginale, est rempli :
- si l’un des deux ovaires comprend au moins 20 follicules antraux (2 - 9 mm) ;
- ou si le volume d’un des deux ovaires est d’au moins 10 mL ;
- ou si la section d’un des ovaires comprend au moins 10 follicules.
L’échographie n’est pas recommandée chez l’adolescente : il s’agit d’éviter des diagnostics par excès (ovaires multi-folliculaires fréquents durant les 8 ans post-ménarche), d’autant plus que ce critère n’est pas indispensable au diagnostic.
L’échographie abdomino-pelvienne est systématique chez la femme ménopausée pour éliminer une tumeur.
Quelle prise en charge ?
En l’absence de traitement curatif permettant de corriger l’accumulation de kystes ovariens, la prise en charge du SOPK vise à minimiser les signes cliniques, selon chaque profil, et les complications cardiométaboliques.
Les mesures hygiénodiététiques (régime méditerranéen, activité physique régulière, sevrage alcoolo-tabagique) sont donc fondamentales pour corriger le risque cardiovasculaire et l’insulinorésistance, et d’autant plus si le SOPK est associé à un surpoids ou obésité (viser une perte de 5 % du poids initial). Y associer : surveillance glycémique (tous les 1 - 3 ans) et de la PA (annuelle) et lipidique selon le risque cardiovasculaire.
Une contraception œstroprogestative (COP) est recommandée en 1re ligne chez les femmes – et peut être envisagée chez les adolescentes – pour traiter l’hyperandrogénie et les cycles irréguliers, après vérification des contre-indications (présence ++ de facteurs de risque vasculaire chez ces patientes). Aucune COP n’a montré de supériorité par rapport à d’autres, mais il convient de préférer les moins dosées en estrogènes (20 à 30 µg/j d’éthinylestradiol), avec le moins d’effets secondaires. En cas de cycles > 90 jours : COP ou progestatif (prévention du cancer de l’endomètre).
Les antiandrogènes sont indiqués pour la prise en charge de l’hirsutisme et de l’alopécie. En bithérapie avec la COP si celle-ci est insuffisante à 6 mois, en monothérapie si elle est mal tolérée. Préférer la spironolactone 25 - 100 mg/j (contre-indiquée pendant la grossesse : contraception efficace nécessaire). Enfin, il est conseillé d’associer une prise en charge cosmétique en cas d’hirsutisme (laser épilatoire).
La metformine peut être proposée, à visée métabolique et symptomatique, chez les adultes avec un IMC > 25. Il n’y a pas de preuves d’efficacité pour les patientes à l’IMC < 25 ni les adolescentes, mais elle peut être envisagée en alternative pour régulariser les cycles, en particulier chez les patientes ayant une contre-indication ou une intolérance à la COP (elle n’a pas d’action sur l’hirsutisme, toutefois). Posologie : initialement 500 mg/j avec augmentation progressive toutes les 1 à 2 semaines jusqu’à la dose maximale de 2,5 g/j chez l’adulte (2 g/j chez l’adolescente). L’association metformine + COP montre un maximum de bénéfice en cas de haut risque métabolique : IMC > 30, intolérance au glucose, facteurs de risque de diabète, facteurs de risque ethnique.
Si une infertilité est associée, un suivi spécialisé gynécologique est nécessaire en cas de désir de grossesse (recours à des inducteurs de l’ovulation nécessitant une surveillance rapprochée).
Enfin, la qualité de vie doit faire l’objet d’une attention particulière : dépister anxiété et dépression, troubles du sommeil, voire un éventuel trouble des conduites alimentaires, une dysfonction sexuelle (score FSFI, Female Sexual Function Index). Le cas échéant, orienter vers un soutien psychologique.
Diagnostics différentiels du SOPK
À éliminer devant une hyperandrogénie clinique
Bloc enzymatique en 21 -hydroxylase de forme non classique (à révélation tardive) : pathologie génétique de transmission autosomique récessive caractérisée par un déficit partiel en enzyme 21 -hydroxylase. Cette anomalie s’exprime par une accumulation de 17 -hydroxyprogestérone (17 -OHP), responsable d’un excès de sécrétion d’androgènes surrénaliens. Un taux < à 2 ng/mL élimine ce diagnostic.
Tumeur androgénosécrétante, d’origine ovarienne ou surrénalienne : extrêmement rare, mais à rechercher devant des signes d’hyperandrogénie sévère et explosive avec virilisation. L’imagerie localise la tumeur.
Hypercorticisme/syndrome de Cushing. A rechercher devant une hyperandrogénie et des troubles du cycle associés à un tableau évocateur : répartition facio-tronculaire des graisses (obésité androïde, bosse de bison), signes d’hypercatabolisme protidique (vergetures pourpres, atrophie cutanée, fragilité capillaire) ou encore HTA. À l’échographie, un aspect de SOPK peut y être associé, ce qui peut égarer le diagnostic. Ce dernier est confirmé par le dosage du cortisol libre urinaire sur 24 h (CLU ou FLU), couplé à un dosage de la créatininurie des 24 h.
Causes iatrogènes, recherchées à l’interrogatoire : prise de stéroïdes anabolisants ou de certains progestatifs de synthèse pouvant être responsable d’une hyperandrogénie. Il faut mettre à part l’acide valproïque (antiépileptiques) qui semble créer un SOPK de toutes pièces.
À éliminer devant des troubles du cycle
Hyperprolactinémie, avec parfois hyperandrogénie modérée (le tableau est donc proche de celui du SOPK) : rechercher une galactorrhée et on dose la prolactine. Si l’hyperprolactinémie est confirmée, il convient de réaliser une IRM hypophysaire.
Anovulation hypothalamique fonctionnelle : insuffisance gonadotrope fonctionnelle perturbant les cycles, sans hyperandrogénie, à suspecter dans un contexte de déficit énergétique (anorexie mentale, restriction alimentaire, sport de haut niveau…). Sont évocateurs les signes d’hypométabolisme : érythrocyanose, des extrémités, lanugo et frilosité. Les dosages hormonaux retrouvent un estradiol et une LH effondrés et une FSH plus ou moins abaissée.
Ressources pour les patients
Information : guide Ameli SOPK
Associations de patientes : Asso’SOPK, SOPK Europe
Helena Teede HJ, Tay CT, Laven JJE, et al. International Evidence-based Guideline for the Assessment and Management of Polycystic Ovary Syndrome 2023. Monash University, 2023.
Raccah-Tebeka B,Lacarrière C. Nouvelles recommandations internationales sur le SOPK. Gynéco Online, novembre 2023.
Fron JB. Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Recommandation 2023. Reco Médicales, novembre 2023.
Rolland AL, Parent C, Didier D. Syndrome des ovaires polykystiques. Rev Prat Med Gen 2012;26(892):855-7.
Inserm. Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). 2019.