Objectif
Connaître les principales hypothèses diagnostiques et les examens complémentaires pertinents.
Un souffle cardiaque est très fréquent chez l’enfant asymptomatique. Ce souffle est le plus souvent innocent (ou « fonctionnel », « bénin », « anorganique ») et résulte de turbulences liées à l’écoulement normal du sang à travers le cœur et les vaisseaux. Néanmoins, ce souffle est parfois dû à une anomalie morphologique cardiaque et le signe d’une cardiopathie pouvant nécessiter une intervention chirurgicale ou un cathétérisme interventionnel. La découverte d’un souffle de l’enfant est une situation fréquente et difficile pour le médecin généraliste ; elle nécessite souvent le recours à l’avis d’un cardiopédiatre.

Généralités

Épidémiologie

Les cardiopathies de l’enfant sont le plus souvent congénitales dans les pays développés. Les atteintes valvulaires acquises, comme le rétrécissement mitral, liées au rhumatisme articulaire aigu ont quasiment disparu ; il persiste néanmoins quelques foyers d’endémie ultra-­marins ou dans les pays en voie de développement. L’incidence des cardiopathies congénitales est estimée à environ 50 pour 1 000 naissances. Leur sévérité est variable. L’incidence des cardiopathies congénitales, de forme modérée à sévère, est de 6 à 8 pour 1 000 naissances. Il naît environ 6 500 à 8 000 enfants par an en France avec une malformation cardiaque congénitale. Elles sont la première cause d’anomalie morphologique congénitale et la première cause de mortalité infantile.

Historique

La prise en charge des cardiopathies congénitales a été transformée par le développement de la chirurgie cardiaque et du cathétérisme interventionnel. La première chirurgie cardiaque a été réalisée en 1939 par Robert E. Gross et John P. Hubbard, consistant en une ligature d’un canal artériel persistant. La première fermeture de communication interauriculaire par chirurgie cardiaque à cœur ouvert, sous circulation extracorporelle, a par la suite été réalisée en 1953 par John H. Gibbon. Puis de multiples techniques chirurgicales ont été développées, permettant de traiter ou de pallier la majorité des cardiopathies congénitales. Parallèlement, il est devenu possible de traiter certaines cardiopathies par voie percutanée. Une dilatation au ballonnet a permis de traiter une sténose valvulaire pulmonaire dès 1953. Ensuite, des prothèses auto-expansibles ont été développées pour obturer les shunts, comme le canal artériel persistant et la communication interauriculaire. Depuis le début des années 2000, il est devenu possible de remplacer des valves cardiaques par voie percutanée. Environ 3 500 interventions de chirurgie cardiaque pour anomalie congénitale sont réalisées en France chaque année.

Apport du diagnostic prénatal

Les progrès de l’échographie fœtale permettent désormais le diagnostic de nombreuses cardiopathies congénitales. Ce dépistage peut parfois conduire à une interruption médicale de grossesse lorsque la cardiopathie est d’une extrême gravité et non accessible à une prise en charge curative (ventricule unique, hypo­plasie du cœur gauche…), si la famille le souhaite et après examen de la demande par un comité d’experts au sein d’un centre de diagnostic prénatal. Pour d’autres malformations cardiaques comme la transposition des gros vaisseaux, le plus souvent létale après la naissance, le diagnostic prénatal a permis d’améliorer le pronostic par une prise en charge adaptée précoce dans une maternité de niveau 3 et à proximité d’un centre de cardiologie pédiatrique. Néanmoins, le diagnostic prénatal n’est pas réalisé ou réalisable dans tous les cas. Suivant le type de cardiopathie congénitale, le degré d’expertise et de formation du réseau d’obstétriciens, il n’est effectif que dans 50 à 80 % des cas. Enfin, certaines cardiopathies congénitales, comme la communication interauriculaire, ne sont symptomatiques que très tardivement et peuvent n’être diagnostiquées qu’à l’âge adulte.

Transition du fœtus au nouveau-né

Connaître la physiologie fœtale est indispensable à la compréhension de l’hémodynamique des cardiopathies congénitales. Chez le fœtus, l’oxygénation se fait par le placenta (les poumons ne sont ni ventilés ni perfusés du fait de l’élévation très importante des résistances artérielles pulmonaires). Le sang saturé remonte par l’artère ombilicale au système porte, puis au cœur, grâce à la perméabilité du ductus venosus. La valve d’Eustachi, à l’entrée de l’oreillette droite, permet au sang saturé de précharger le ventricule gauche grâce au shunt droite-gauche par le foramen ovale (le retour veineux pulmonaire est quant à lui totalement inexistant). Le ventricule gauche éjecte le sang saturé vers les artères coronaires et le cerveau. Le ventricule droit est rempli à partir de la veine cave supérieure d’un sang désaturé qui éjecte dans l’artère pulmonaire, puis dans l’aorte descendante par le shunt droite-gauche du ductus arteriosus (ou canal artériel). Le débit cardiaque chez le fœtus est donc combiné, le ventricule gauche pour l’aorte ascendante et le ventricule droit pour l’aorte descendante. Les shunts par le foramen ovale et le canal artériel sont vitaux pour la circulation fœtale, et leur fermeture in utero compromet le développement harmonieux des cavités cardiaques et des vaisseaux. Le diagnostic de communication interauriculaire ou de canal artériel persistant ne peut pas se faire in utero. À la naissance, l’oxygénation alvéolaire et la diminution de la sécrétion des prostaglandines placentaires entraînent une chute immédiate des résistances artérielles et, par voie de conséquence, une inversion du shunt auriculaire par le foramen ovale (qui se ferme en quelques mois). Le canal artériel inverse son shunt, devenant aorte-artère pulmonaire, puis se ferme en quelques jours. La transition fœtus/nouveau-né fait passer le cœur d’un débit cardiaque combiné à une circulation en série.

Examen clinique cardiovasculaire de l’enfant

L’examen clinique en période néonatale et chez le nourrisson permet le diagnostic de la majorité des cardiopathies congénitales (tableau 1). Le souffle est un élément clé du diag­nostic. Néanmoins, l’examen d’un souffle cardiaque de l’enfant s’intègre dans un examen clinique complet.

Âge

L’âge de l’enfant, ainsi que le terme de la naissance (prématuré ou postérieur à 37 semaines d’aménorrhée) et le poids de naissance (eutrophie ou retard de croissance intra-utérin) sont les premières informations notées.

Interrogatoire des parents

L’interrogatoire des parents apporte de précieuses informations.

Marqueurs de risque de cardiopathie congénitale

Les antécédents familiaux de cardiopathie congénitale sont recherchés. L’incidence de cardiopathie congénitale est plus élevée lorsqu’un parent au premier degré est atteint. Des antécédents familiaux de mort subite sont recherchés. Le déroulement de la grossesse est analysé. D’éventuels médicaments ou toxiques pris durant la grossesse sont notés. Le syndrome d’alcoolisme fœtal est associé à un risque accru de communication interatriale, communication interventriculaire et tétralogie de Fallot. Le diabète gestationnel, des infections maternelles durant la grossesse comme la rubéole, la fécondation in vitro notamment exposent aussi à un risque plus élevé de malformation cardiaque congénitale.

Limitation fonctionnelle

Chez le nourrisson, la difficulté à téter est la première limitation fonctionnelle. Elle est évaluée par l’apparition de sueurs et la nécessité de fractionner les repas. Les tétées « plaisir » deviennent longues et laborieuses. Chez l’enfant, l’intolérance se porte sur l’activité sportive.

Cassure pondérale

Les difficultés à la tétée, très caractéristiques des shunts gauche-droite, entraînent une inflexion de la courbe de poids. Un retard de croissance staturo-pondérale peut avoir une origine diverse (génétique, endocrinienne, digestive…).

Douleur thoracique, syncope, palpitations

La douleur thoracique est un symptôme souvent décrit par les enfants. Contrairement à l’adulte, l’étiologie cardiovasculaire est rare (moins de 1 %). La syncope, le plus souvent d’origine vasovagale, est très fréquente chez l’enfant. La survenue de symptômes à l’effort doit alerter et peut faire découvrir un obstacle sur la voie gauche (sténose valvulaire aortique, sous- ou supravalvulaire aortique, cardiomyopathie hypertrophique obstructive), une anomalie coronarienne (anomalie d’implantation ou de trajet, anévrisme coronarien séquellaire d’une maladie de Kawasaki) ou un trouble du rythme héréditaire (syndrome du QT long, syndrome du QT court, tachycardie ventriculaire catécholergique, syndrome de Brugada…), associés à un risque de mort subite de l’enfant.

Examen physique


Recherche d'une dysmorphie

Une dysmorphie faciale, une anomalie des extrémités, une anomalie des organes génitaux externes, etc. peuvent orienter vers un syndrome génétique. L’anomalie chromosomique la plus fréquente associée à des cardiopathies congénitales est la trisomie 21. Dans 1 cas sur 2 environ, les enfants ayant une trisomie 21 ont une cardiopathie congénitale, et la moitié d’entre elles sont un canal atrioventriculaire. La délétion du chromosome 22q11 (syndrome de Di George) est souvent associée à une cardiopathie congénitale, notamment la tétralogie de Fallot. Le syndrome de Marfan, de morphotype caractérisé par les critères de Gand, est lié à une mutation génétique d’un gène de l’élastine, dont le risque est la dissection aortique. Le syndrome de Turner est associé à un risque accru de coarctation aortique. D’autres syndromes moins fréquents comme les syndromes de Williams-Beuren, CHARGE, Alagille, Holt-Oram, Noonan, Ellis-van Creveld, Costello… sont associés à des cardiopathies congénitales variées.

Inspection

Dans les shunts gauche-droite, la fréquence respiratoire peut être accélérée et, plus tard, le thorax déformé (par la dilatation du ventricule gauche), bombant en « tonneau ». Dans les shunts droite-gauche, une cyanose des téguments et des muqueuses apparaît lorsque le taux d’hémoglobine réduite est supérieur à 5 g/100 mL de sang capillaire moyen. La cyanose dans les cardiopathies congénitales est dite réfractaire, car non sensible à l’oxygène (fig. 1). La mesure de la saturation en oxygène, par un oxymètre de pouls, doit être systématique chez le nouveau-né car la cyanose n’est visible cliniquement que si la saturation est inférieure à 80 % (normale > 96 %). Une échocardiographie doit être pratiquée systématiquement en cas de désaturation non oxygénodépendante. Lorsque la cyanose est profonde et prolongée, un hippocratisme digital apparaît.

Palpation des pouls

La palpation des pouls fémoraux et axillaires est systématique. Elle permet d’apprécier leur fréquence et leur régularité. Des pouls mal perçus aux quatre membres suggèrent une insuffisance circulatoire d’origine ou non cardiogénique. Des pouls mieux perçus en axillaire qu’en fémoral suggèrent une coarctation aortique, qui est confirmée par un gradient tensionnel systolique supérieur à 20 mmHg.

Pression artérielle

La pression artérielle est mesurée avec un brassard adapté et comparée aux abaques pour l’âge. Une élévation de la pression artérielle de l’enfant est le plus souvent d’origine néphrologique, mais doit faire rechercher une coarctation aortique.

Souffle cardiaque

L’auscultation doit se faire dans des conditions propices : la salle d’examen doit être silencieuse et réchauffée. L’enfant doit être en confiance, rassuré par la présence de ses parents. L’auscultation est faite avec une membrane de stéthoscope de diamètre adapté à la taille de l’enfant. Chez le nouveau-né, le contact avec les mains de la maman et, si besoin, quelques gouttes de sérum glucosé à 30 % permettent d’apaiser les pleurs.
L’examen à la recherche d’un souffle cardiaque débute par la palpation du thorax avec la paume de la main pour localiser la pointe du cœur et rechercher un éventuel frémissement. L’auscultation se fait à différents foyers : parasternal gauche, parasternal droit, sous-xiphoïdien, à l’apex en sous-claviculaire sur le bord gauche du sternum et dans le dos. Le premier temps de l’auscultation consiste à identifier les bruits physiologiques du cœur. Le B1 correspond à la fermeture des valves tricuspide et mitrale. Le B2 correspond à la fermeture des valves aortique et pulmonaire. L’auscultation doit être suffisamment longue pour les bruits du cœur afin de les différencier des bruits respiratoires. Physiologiquement, on perçoit le plus souvent chez l’enfant un dédoublement uniquement inspiratoire du B2 lié à la fermeture retardée de la valve pulmonaire secondaire à l’augmentation du retour veineux cave par la dépression thoracique. Des bruits surajoutés B3 et B4 signent un galop et sont audibles dans une myocardiopathie dilatée hypokinétique.
Lorsqu’un souffle est identifié, les éléments suivants doivent être décrits :
  • le timing au sein du cycle cardiaque (systolique ou/et diastolique, au début, au milieu ou à la fin de la période (proto-, méso-, télé- respectivement) ;
  • la localisation (le foyer où le souffle est le mieux perçu) ;
  • le timbre (aigu, grave, doux, râpeux, aspiratif, humide, sec, rude) ;
  • l’intensité (cotée de 1 à 6 [1 : souffle difficilement audible ; 2 : souffle léger mais entendu immédiatement ; 3 : souffle très distinct sur une faible surface ; 4 : souffle très distinct sur une large surface ; 5 : souffle frémissant ; 6 : souffle entendu avec le stéthoscope décollé de la poitrine]) ;
  • l’irradiation (espace de diffusion où le souffle est étendu) ;
  • les signes associés (clicks valvulaires, dédoublement constant du B2…).
L’ancienneté du souffle et les circonstances d’apparition sont demandées aux parents.

Caractéristiques d’un souffle innocent

Un souffle innocent est produit par l’écoulement normal du sang à travers le cœur et les vaisseaux (tableau 2). Une variation de débit modifie l’intensité du souffle. Un souffle innocent est de ce fait mieux entendu durant un épisode fébrile, de peur, d’anémie ou de déshydratation. Un souffle innocent est souvent inconstant. Il est aussi positionnel. Un changement de posture (couché, debout, assis) en modifie l’intensité. Il peut être demandé à l’enfant de gonfler le ventre pour réaliser une manœuvre de Valsalva. La baisse du retour veineux cave diminue alors l’intensité d’un souffle innocent. De même, un souffle fonctionnel s’affaiblit ou disparaît en position debout. Un souffle fonctionnel est uniquement systolique. Il est court, de durée brève. Il est unique, sans click ou autre anomalie associée. Il est de tonalité douce, musicale et d’intensité faible. Il est audible sur une petite surface, sans irradiation.
Certaines caractéristiques stétho-acoustiques alertent sur le risque de cardiopathies sous-jacentes. Ces anomalies doivent servir de drapeaux rouges, conduisant à un examen plus approfondi spécialisé. Un souffle holosystolique (odds ratio [OR] = 54) évoque ainsi une communication interventriculaire ou une insuffisance mitrale. Un souffle frémissant et une tonalité râpeuse sont en défaveur d’un souffle innocent (OR = 4,8 et OR = 2,4 respectivement). Un dédoublement fixe et constant du B2 évoque une communication inter­auriculaire (OR = 4,1). Un souffle d’intensité maximale au bord gauche du thorax oriente vers une coarctation (OR = 4,2). Un click systolique est évocateur d’un obstacle valvulaire (OR = 8,3). Un souffle diastolique n’est jamais fonctionnel.
Quelques souffles innocents ont été décrits.
Un souffle apexien, doux, musical, vibratoire et positionnel (disparaissant à l’orthostatisme) est parfois perçu entre 2 ans et l’adolescence (souffle de Still). Il serait lié aux vibrations du flux sanguin éjecté dans la chambre de chasse du ventricule gauche. C’est un des souffles innocents les plus fréquents.
Un souffle pulmonaire au bord gauche du sternum, systolique, aigu, doux, positionnel (diminuant à l’orthostatisme), sans click, avec irradiation dans le dos et en axillaire est lié au flux normal à travers la voie de sortie du ventricule droit.
Un souffle bénin de sténose pulmonaire périphérique du nouveau-né est un souffle innocent créé par la disparité de calibre entre le tronc artériel pulmonaire et les branches pulmonaires à cet âge. Durant la vie fœtale, 90 % du flux dans l’artère pulmonaire est dirigé vers le canal artériel. Les branches pulmonaires du nouveau-né sont de ce fait physiologiquement moins larges et naissent avec un angle plus aigu qu’observé chez l’enfant. Ces particularités anatomiques peuvent générer un souffle fonctionnel systolique au bord gauche du sternum irradiant dans le dos.
Un souffle fonctionnel mammaire est entendu sur la paroi thoracique (antérieur, aigu, doux, parfois prolongé en diastole, bilatéral) et correspondrait au flux sanguin à travers les artères mammaires internes.
Un souffle innocent haut situé avec irradiation dans les carotides et dans les creux sus-claviculaires est lié au flux systémique normal à travers la crosse aortique.
Un souffle innocent veineux continu est de tonalité grave, bilatéral, positionnel, augmentant en diastole et disparaissant lors de la rotation de la nuque, entendu entre 3 et 8 ans.

Examens complémentaires et avis spécialisé

Une auscultation caractéristique de souffle innocent et un examen clinique normal justifient l’absence d’examen complémentaire. Un souffle organique et un examen cardiovasculaire anormal doivent en revanche conduire à une échocardiographie transthoracique, qui est un examen non invasif. Chez le nouveau-né, l’échocardiographie est pratiquée systématiquement devant un souffle même isolé compte tenu de la difficulté du dépistage des signes cliniques et de la rapidité d’évolution d’une cardiopathie. Un enfant avec une cardiopathie congénitale corrigée par chirurgie ou cathétérisme a le plus souvent un suivi planifié par le spécialiste référent. Néanmoins, une rupture de suivi est parfois observée en cas de conflit familial, de déménagement ou à l’adolescence. La persistance d’un souffle dans ce contexte peut être liée à une particularité anatomique mais peut aussi révéler une lésion résiduelle nécessitant un avis spécialisé.

Cardiopathies congénitales les plus fréquentes

Le type de souffle cardiaque, les symptômes et les signes fonctionnels des cinq cardiopathies congénitales les plus fréquentes sont présentés dans le tableau 3.

Communications interventriculaires

Les communications interventriculaires (CIV) sont les plus fréquentes et représentent 25 % des cardiopathies congénitales (fig. 2). Le diagnostic anténatal est possible, mais il reste difficile du fait d’une égalité de pression entre les deux ventricules. Une communication interventriculaire provoque un shunt ventriculaire gauche-droite qui surcharge les poumons et dilate les cavités gauches. L’auscultation cardiaque note un souffle holosystolique, maximal en parasternal gauche, et irradiant en rayons de roue. L’intensité du souffle cardiaque dépend du gradient transventriculaire et des résistances vasculaires pulmonaires.
En cas de communication interventriculaire de petite taille, l’enfant est asymptomatique. Le souffle cardiaque de communication interventriculaire est intense, du fait de pressions artérielles pulmonaires basses et ainsi d’un gradient transventriculaire gauche-droit important.
En cas de large communication interventriculaire, le souffle cardiaque s’associe à partir de la fin du premier mois de vie à des signes de shunt gauche-droite avec hyper­débit pulmonaire : dyspnée d’effort, polypnée, signes de lutte respiratoire, asthénie, sueurs aux tétées, difficultés aux tétées, stagnation ou cassure staturo-pondérale, bronchites à répétition. Le bruit B1 est fort à la pointe. Plus la communication interventriculaire est large, plus les pressions artérielles pulmonaires sont élevées, et plus le souffle de communication inter­ventriculaire devient faible. En cas d’hypertension pulmonaire, on entend un claquement du bruit B2 au foyer pulmonaire.
L’évolution naturelle d’une communication interventriculaire large est le syndrome d’Eisenmenger, pouvant apparaître à partir de 6-9 mois de vie. Il correspond à l’augmentation des résistances vasculaires pulmonaires, en réponse à l’hyperdébit pulmonaire prolongé. L’examen clinique est faussement rassurant : il n’y a plus ou peu de souffle cardiaque et les signes de shunt gauche-droite disparaissent. Les cavités gauches ne sont plus dilatées. Il existe une hyper­tension pulmonaire fixée, avec un shunt interventriculaire bidirectionnel, contre-indiquant la fermeture chirurgicale de la communication interventriculaire.
On distingue quatre types de communication interventriculaire en fonction de leur localisation dans le septum interventriculaire : périmembraneuse, infundibulaire, d’admission, et trabéculée ou musculaire. L’échocardiographie affirme le diagnostic, précise la taille et le type de communication interventriculaire, évalue son retentissement (surcharge volumétrique avec dilatation du tronc de l’artère pulmonaire, de l’oreillette gauche et du ventriculaire gauche, hypertension pulmonaire), recherche des complications (insuffisance valvulaire aortique par prolapsus d’une sigmoïde aortique dans la communication interventriculaire) et des lésions associées. La radiographie pulmonaire montre, en cas de shunt gauche-droite significatif, une cardiomégalie et une vascularisation pulmonaire accentuée.
Le risque commun à toutes les communications interventriculaires, quelle que soit leur taille, est l’endocardite d’Osler.
Les communications interventriculaires périmembraneuses et trabéculées se ferment le plus souvent spontanément. La fermeture chirurgicale n’est indiquée qu’en cas de communication interventriculaire large ou compliquée (fuite aortique).

Communications interauriculaires

Les communications interauriculaires (CIA) représentent environ 10 % des cardiopathies congénitales (fig. 3). Elles sont plus fréquentes chez les filles (sex-ratio 2/1). Le diagnostic anténatal des communications interauriculaires ostium secundum est impossible en raison de la perméabilité naturelle du foramen ovale. Le shunt gauche-droite dilate les cavités droites. L’auscultation cardiaque note un souffle systolique au foyer pulmonaire, peu intense, secondaire à l’hyperdébit pulmonaire.
Dans la majorité des cas, l’enfant est asymptomatique. L’examen clinique ne relève qu’un souffle cardiaque isolé. Quand le shunt auriculaire gauche-droite est important (communication interauriculaire large), il apparaît des signes de shunt gauche-droite. On distingue trois types de communication interauriculaire : ostium secondum (les plus fréquentes), ostium primum et sinus venosus.
L’échocardiographie affirme le diagnostic, précise la taille et le type de communication interauriculaire, évalue son retentissement (surcharge volumétrique avec dilatation du tronc de l’artère pulmonaire, de l’oreillette droite et du ventricule droit ; parfois hypertension pulmonaire de débit), recherche des lésions associées et, en cas de communication interauriculaire ostium secondum, étudie son éligibilité à la fermeture par cathétérisme interventionnel (longueur et épaisseur des berges).
Les complications tardives (après 30 ans) sont l’insuffisance cardiaque droite, les troubles du rythme auriculaire et l’hypertension pulmonaire fixée (rare). En cas de retentissement (clinique ou échographique), une communication interauriculaire ostium secondum doit être fermée. Ceci peut se faire par voie percutanée (cathétérisme interventionnel) à partir de 5 ans et si les berges sont suffisantes. Sinon, la fermeture est chirurgicale, sous circulation extracorporelle. La communication interauriculaire sinus venosus et les communications interauriculaires ostium primum nécessitent toujours une fermeture chirurgicale.

Canal artériel persistant

Le canal artériel, ou ductus arteriosus, est un vaisseau présent physiologiquement en période fœtale, faisant communiquer le tronc de l’artère pulmonaire et l’isthme aortique, jonction entre l’aorte transverse et l’aorte descendante. Dans les trois jours suivant la naissance, l’augmentation de la pression artérielle en oxygène entraîne une vasoconstriction du canal artériel, puis sa fermeture spontanée par prolifération de l’intima et thrombose intravasculaire.
Le canal artériel est dit persistant (CAP) chez un nouveau-né à terme lorsqu’il reste perméable au-delà du premier mois de vie. Le diagnostic anténatal est impossible puisque le canal artériel est physiologiquement ouvert chez le fœtus. La persistance du canal artériel provoque un shunt artériel gauche-droite qui surcharge les poumons et les cavités gauches (fig. 4). L’auscultation cardiaque note un souffle continu sous-claviculaire gauche. Le principal diagnostic différentiel est la fistule coronarocardiaque.
En cas de persistance de petite taille, l’enfant est asymptomatique. En cas de persistance large, le shunt gauche-droite est significatif et entraîne un B1 fort à la pointe et des signes de shunt gauche-droite. Les pouls fémoraux et huméraux sont amples, du fait d’un vol systémique diastolique par le canal artériel entraînant une baisse de la pression artérielle diastolique et ainsi une augmentation de la pression pulsée (différence entre les pressions artérielles systolique et diastolique). En cas d’hypertension pulmonaire, il existe un claquement du bruit B2 au foyer pulmonaire.
L’échocardiographie affirme le diagnostic, précise la taille et la forme du canal artériel, évalue son retentissement (surcharge volumétrique avec dilatation du tronc de l’artère pulmonaire, de l’oreillette gauche et du ventriculaire gauche, hypertension pulmonaire), recherche des lésions associées. La radiographie pulmonaire montre, en cas de shunt gauche-droite significatif, une cardiomégalie et une vascularisation pulmonaire accentuée.
La fermeture est indiquée en cas de large canal artériel avec shunt gauche-­droite significatif (dilatation des cavités gauches) ou en cas de canal artériel sans shunt significatif mais avec un souffle cardiaque, en prévention de l’endocardite d’Osler. La fermeture est percutanée, par cathétérisme interventionnel (la chirurgie n’étant réservée qu’aux très gros canaux d’enfants de petit poids).

Coarctation de l’aorte

La coarctation est une sténose de l’isthme aortique qui se développe après la fermeture du canal artériel (fig. 5).
Si elle est serrée et de constitution brutale, elle peut entraîner chez le nouveau-né vers 1 semaine de vie une insuffisance cardiaque, puis rapidement un choc cardiogénique par défaillance du ventricule gauche. L’ouverture du canal artériel par administration de prostaglandines peut améliorer la situation en attendant la correction chirurgicale (résection de la zone sténosée et plastie aortique). En cas de coarctation moins serrée ou plus progressive, la révélation est plus tardive, par une hypertension artérielle des membres supérieurs.
Le diagnostic de coarctation est clinique : diminution (ou abolition) des pouls fémoraux et gradient tensionnel entre les membres supérieurs et inférieurs. Il est confirmé par l’échocardiographie, qui recherche des lésions associées dont la plus fréquente est la bicuspidie aortique. Le scanner permet de préciser l’étendue de la zone coarctée.

Tétralogie de Fallot

C’est une cardiopathie conotroncale qui associe : dextroposition de l’aorte, communication interventriculaire conotroncale (aorte à cheval sur la communication), sténose pulmonaire et hypertrophie ventriculaire droite. Le diagnostic peut être fait en anténatal et doit conduire à la réalisation d’une amniocentèse, à la recherche de la microdélétion 22q11 (syndrome de Di George). Le sens du shunt par la communication interventriculaire dépend du degré de sténose pulmonaire. Gauche-droite à la naissance, le shunt devient droite-gauche chez le nourrisson, entraînant une cyanose et au maximum un malaise si la sténose pulmonaire devient critique. Le traitement est chirurgical vers le sixième mois de vie.

Sténose valvulaire pulmonaire

La sténose valvulaire pulmonaire entraîne une augmentation de la pression ventriculaire droite et une hypertrophie du ventricule droit. L’auscultation cardiaque note un souffle systolique éjectionnel au foyer pulmonaire. Chez le nouveau-né, la sténose peut être critique et entraîner une cyanose réfractaire, par shunt droite-gauche par le foramen ovale (ventricule droit défaillant). Le traitement est percutané, par cathétérisme interventionnel (dilatation de la valve par ballon).

Transposition des gros vaisseaux

La transposition des gros vaisseaux est une cardiopathie congénitale où l’aorte naît du ventricule droit et l’artère pulmonaire du ventricule gauche. À la naissance, elle entraîne une cyanose réfractaire intense souvent létale en quelques heures. La survie est liée à l’ouverture en urgence de la cloison interauriculaire par la manœuvre de Rashkind. Le dépistage anténatal a amélioré la survie en permettant un accouchement dans un centre spécialisé de cardiologie pédiatrique. La chirurgie correctrice (transposition des vaisseaux) est faite vers 7 jours de vie.

Perspectives : la 3D comme outil de communication et d’enseignement

Les progrès considérables en imagerie cardiaque de ces dernières années, tant échographiques que radiologiques, permettent des reconstructions et des impressions en trois dimensions (3D) des cœurs d’enfants atteints de cardiopathies congénitales. Ces outils sont devenus une aide à la communication entre chirurgien et familles mais aussi à l’enseignement de la cardiologie pédiatrique (fig. 6).
Points forts
Souffle cardiaque chez l’enfant

POINTS FORTS À RETENIR

Le souffle innocent est de loin le plus fréquent chez l’enfant. Une auscultation caractéristique et un examen clinique normal justifient l’absence d’examen complémentaire.

Les cardiopathies sont les plus fréquentes des malformations de l’enfant. Les plus graves d’entre elles peuvent être dépistées chez le fœtus par échographie morphologique.

Les cardiopathies congénitales peuvent être mineures (sans retentissement clinique et hémodynamique) et se corriger spontanément dans le temps.

L’échocardiographie est l’examen de choix pour évaluer des cardiopathies congénitales qui peuvent associer plusieurs malformations (shunt, obstacle de la voie gauche ou droite).

Les cardiopathies congénitales avec retentissement clinique ou hémodynamique sont pour la plupart accessibles à un traitement chirurgical ou percutané.

Toute cardiopathie congénitale a potentiellement un risque oslérien (sauf les communications inter-auriculaires).

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