La prise en charge de la douleur de l’enfant est un droit fondamental. Qu’elle soit associée aux affections (traumatismes, maladies) ou aux soins, son traitement permet à l’enfant, en plus d’être soulagé, d’avoir confiance en l’équipe soignante et de se sentir en sécurité pour ses éventuelles futures expériences douloureuses.

L’attitude thérapeutique est très différente selon que la douleur est aiguë ou chronique. Les traitements médicamenteux sont au premier plan dans la douleur aiguë, alors qu’ils ne sont que peu utiles face à la douleur chronique (figure).

Ainsi, avant de traiter une douleur, il  convient :

  • d’en identifier le type (douleur aiguë, chronique, neuropathique) ;
  • d’évaluer son intensité ; un enfant peut l’auto-évaluer (entre 4 et 6 ans, avec l’échelle des visages ; de 6 à 8 ans, avec l’échelle visuelle analogique ; à partir de 8 à 10 ans, avec l’échelle numérique). Avant 4 ans, l’utilisation de grilles d’observation comportementale est nécessaire (échelle d’hétéro-évaluation Evendol, par exemple) ;
  • d’expliquer à l’enfant et à son entourage la cause de la douleur, le soin que l’on va apporter pour la traiter et les moyens que l’on va mettre en place pour y arriver.

Prise en charge de la douleur aiguë

Traitements non médicamenteux

Les explications apportées à l’enfant, en présence de ses parents, permettent de créer une bonne relation médecin-patient, de témoigner de son empathie, d’optimiser l’adhésion au traitement et ainsi son efficacité.

Les méthodes de distraction (raconter une histoire, dessiner, faire des bulles de savon, chanter, échanger verbalement) et/ou d’hypnose (pour les soignants formés) sont à associer systématiquement aux traitements médicamenteux pour les douleurs liées aux soins (pansements, vaccins…).

Pour le nourrisson, être dans les bras de l’un de ses parents, être en peau à peau, l’allaitement maternel ou la succion non nutritive avec une solution sucrée (saccharose 24 % ou glucose 30 %) sont des méthodes antalgiques efficaces pour les soins modérément douloureux, et qui peuvent être associées aux traitements médicamenteux pour des soins plus invasifs (associer la crème anesthésiante pour les effractions cutanées, vaccins, etc.). 

Traitements médicamenteux

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il existe trois niveaux de traitement par antalgiques.1 Outre ces trois classes, il est possible de recourir à l’utilisation du protoxyde d’azote et à l’anesthésie locale.

Antalgiques de niveau 1

Ils sont d’emblée prescrits à dose maximale, par voie orale ; il faut éviter la voie intrarectale afin de respecter l’intégrité du corps de l’enfant, et en raison de sa faible biodisponibilité.

Il est inutile d’augmenter la posologie si l’analgésie est insuffisante. Dans ce cas, il est possible d’associer deux antalgiques de niveau 1, ou d’ajouter un antalgique de niveau 2 ou 3. 

Le paracétamol, par voie orale, est prescrit à la posologie de 15 mg/kg toutes les six heures. Cette molécule a une efficacité sur les douleurs de faible intensité.

L’ibuprofène est l’anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) de référence chez l’enfant, par voie orale (sirop dosé à 10 mg/kg toutes les 8 heures ou 7,5 mg/kg toutes les 6 heures ; comprimés de 200 mg pour 20 kg, 300 mg [3  100 mg] pour 30 kg, et 400 mg à partir de 40 kg). Bien prescrit, il possède une marge de sécurité et une tolérance excellentes en pédiatrie. En traumatologie, son efficacité est comparable à celle des antalgiques morphiniques. Il s’agit du traitement de première intention pour les migraines et les dysménorrhées. Il faut en connaître les règles de bon usage rappelées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en 2020 :1

prescription à la dose minimale efficace, pour la durée la plus courte ;

  • arrêt du traitement quand le symptôme disparaît ;
  • en éviter l’usage en cas de varicelle ;
  • ne pas prolonger le traitement au-delà de trois jours en cas de fièvre et de cinq jours en cas de douleur ;
  • ne pas prendre deux AINS simultanément.

Antalgiques de niveau 2

Ils doivent être utilisés avec précaution en pédiatrie.

La codéine n’est plus autorisée chez l’enfant de moins de 12 ans du fait de sa variabilité d’action en fonction du polymorphisme du cytochrome P2D6 (qui transforme la codéine en morphine), et donc du risque de sous-efficacité ou de surdosage chez certains patients.2

Le tramadol a une autorisation de mise sur le marché (AMM) à partir de 3 ans à la posologie de 1 mg/kg toutes les six à huit heures, mais c’est aussi une prodrogue métabolisée par le cytochrome P2D6 ; son efficacité et sa tolérance sont donc soumises au même polymorphisme. Aux États-Unis et au Canada,3 il n’est plus recommandé chez l’enfant et l’adolescent. En France, le rapport de 2020 de l’ANSM a montré une augmentation des cas de mésusage et d’abus, entre autres chez les mineurs, en particulier souffrant de troubles dépressifs (associés ou non à des douleurs chroniques), avec des cas d’intoxication médicamenteuse volontaire au tramadol.4 

La nalbuphine s’administrant par voie intraveineuse ou rectale, est, quant à elle, très utilisée en milieu hospitalier mais n’est pas disponible en ville.

Antalgiques de niveau 3 

Ils sont représentés par la morphine, cheffe de file, dont le métabolisme est connu pour toutes les tranches d’âge, et pour laquelle il n’y a pas de posologie maximale (recherche de la posologie efficace). La morphine orale a l’AMM à partir de l’âge de 6 mois. De nouvelles formes galéniques orodispersibles avec des dosages pédiatriques (1 mg et 2,5 mg) ont été mises sur le marché en 2021 (Actiskenan oro). La posologie habituelle est de 0,2 mg/kg par prise toutes les quatre heures pour débuter.

En pratique, quelques situations nécessitent une prescription de morphine en médecine générale. Le médecin traitant peut ainsi initier ou renouveler une prescription de morphine orale :

  • dans le cadre des douleurs liées au cancer ;
  • en cas de gingivostomatite aiguë herpétique ou due au virus Coxsackie (herpangine) chez un enfant hyperalgique refusant de boire et/ou de manger.

Mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA)

Son action antalgique, anxiolytique et euphorisante, sa rapidité d’action (3 minutes avant d’obtenir l’efficacité), sa facilité d’usage ainsi que la réversibilité de ses effets en quelques minutes en font un médicament de choix pour prévenir la douleur des soins. S’il est très largement utilisé à l’hôpital, il peut également être indiqué en ville, dans certains cabinets, au Samu pédiatrique ou en hospitalisation à domicile (HAD). L’information du patient est nécessaire, avec des explications sur les effets du MEOPA et sur le déroulé du soin (voir les documents de l’association Sparadrap [encadré]).5

Crème anesthésiante lidocaïne-prilocaïne

Elle doit être appliquée sur peau saine. La profondeur de l’anesthésie cutanée varie avec le temps d’application : une application de soixante et quatre-vingt-dix minutes procure une anesthésie d’une profondeur respective de 3 mm et 5 mm. Au cabinet, pour les jeunes enfants, l’association de cette crème à la distraction et à l’allaitement maternel (ou à l’administration d’une solution sucrée) est recommandée pour les injections intramusculaires (vaccins ou antibiotiques par exemple).

Prise en charge des douleurs neuropathiques

Les douleurs neuropathiques sont liées à une lésion ou à une maladie du système nerveux somatosensoriel périphérique ou central. Comme chez l’adulte, le diagnostic est posé par l’interrogatoire, en recherchant les signes spécifiques précisés dans le questionnaire DN4 (fulgurances, brûlures, piqûres, hyperesthésie cutanée…). La version pédiatrique de l’échelle DN4 est téléchargeable sur le site Pédiadol (encadré).

En pédiatrie, aucun traitement n’a d’AMM contre les douleurs neuropathiques. 

Les médicaments les plus utilisés – hors AMM donc – sont :

  • l’amitriptyline (Laroxyl) par voie orale (en débutant à 0,1 mg/kg, pour atteindre progressivement la plus faible dose efficace sans dépasser 0,5 mg/kg) ;
  • la gabapentine (Neurontin) par voie orale en trois prises par jour (en débutant à 5 mg/kg/prise, puis en augmentant progressivement pour obtenir la plus faible dose efficace, jusqu’à 30 mg/kg/j).6
 

La neurostimulation transcutanée (TENS) est non invasive et très simple d’utilisation. Les électrodes sont apposées autour de la zone ou sur le trajet douloureux et conduisent un influx électrique dont la fréquence et l’intensité sont modulables. Cette méthode peut apporter un réel soulagement. Sa prescription initiale doit être réalisée par un médecin algologue.

Prise en charge des douleurs chroniques

L’augmentation actuelle de la prévalence de la douleur chronique semble fortement liée à la souffrance psychique des adolescents. Elle survient chez des patients ayant ou non une cause retrouvée pour expliquer l’initiation des douleurs mais chez qui il existe toujours des facteurs ayant permis leur installation, leur amplification ou leur prolongation dans le temps.

Des difficultés y sont souvent associées : troubles du sommeil, troubles de l’humeur avec ou sans idées suicidaires et/ou comportements auto-agressifs, troubles des conduites alimentaires, absentéisme scolaire (en lien ou non avec les douleurs).

Chez ces patients, l’usage de médicaments antalgiques est le plus souvent inefficace, et parfois détourné à des fins sédatives et anxiolytiques. 

Il est indispensable de passer du temps avec l’enfant ou l’adolescent, de chercher des événements de vie difficiles, récents ou passés, des préoccupations, des violences subies ou agies (scolaires, intra-familiales ou autres), des addictions chez les parents, qui pèsent sur l’enfant. Il est primordial, alors, de l’orienter vers un psychologue, afin de l’aider à percevoir comment la douleur s’est installée et quelle est sa fonction («  des maux à la place des mots  »).7 Parfois, l’enfant ou l’adolescent douloureux chronique est le « symptôme » d’un système familial en souffrance, et une prise en charge en thérapie systémique familiale peut être indiquée. Lorsque la situation est trop complexe, l’enfant doit être adressé à une consultation spécialisée dans la douleur chronique, où l’approche bio-psycho-sociale initiée en ville est poursuivie, avec un regard pluriprofessionnel.

Encadre

Sites utiles

  • Pédiadol, le site de référence sur la douleur de l’enfant : https ://pediadol.org/ 
  • Association Sparadrap, tous les documents d’informations sur les médicaments, le MEOPA, l’évaluation de la douleur : https ://www.sparadrap.org/ 
  • Dolomio, le nouveau site dédié à la douleur chronique et la migraine de l’enfant et de l’adolescent, réalisé par le centre de la douleur et de la migraine de l’hôpital Trousseau : https ://dolomio.org/ 
Références
1. ANSM. Bon usage du paracétamol et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : ces médicaments ne pourront plus être présentés en libre accès (en ligne). Décembre 2019 (mis à jour en mars 2021, consulté en mai 2023)
2. HAS. Recommandations de bonne pratique – Prise en charge médicamenteuse de la douleur chez l’enfant : alternatives à la codéine. 2016.
3. Société canadienne de pédiatrie. Les pratiques exemplaires pour l’évaluation et le traitement de la douleur chez les enfants. Paediatr Child Health 2022;27(7):438-48.
4. Nobile B, Eiden C, Peyriere H, et al. Les dangers du tramadol en cas de risque suicidaire. Rev Prat 2022;72(9):931-2.
5. Association Sparadrap. MEOPA (en ligne), sd, consulté en mai 2023. Disponible sur : https://bit.ly/3VMBioe
6. Fournier-Charrière E, Tourniaire B et le groupe Pédiadol. Douleur de l’enfant – L’essentiel. 2023. Disponible sur : https://bit.ly/41mupLN
7. Wrona SK, Melnyk BM, Hoying J. Chronic Pain and Mental Health Co-Morbidity in Adolescents: An Urgent Call for Assessment and Evidence-Based Intervention. Pain Manag Nurs 2021;22(3):252-9.

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essentiel

L’empathie, le temps passé avec le patient et ses parents, les explications sur les causes des douleurs et leur traitement, et la réévaluation sont des éléments indispensables à une prise en charge antalgique respectueuse et efficace.

Pour les douleurs aiguës, un AINS bien prescrit, et hors contre-indication, est aussi efficace qu’un opioïde faible, avec davantage de sécurité d’usage.

En pédiatrie, les antalgiques de niveau 2 sont à utiliser avec précaution. Il faut leur préférer la morphine orale sur une courte durée, pour des douleurs aiguës intenses résistantes à l’association paracétamol-ibuprofène.

Une approche bio-psycho-sociale centrée sur les éléments de vie de l’enfant est la base de la prise en charge de la douleur chronique pédiatrique.