Pourquoi ces nouvelles recommandations ?
La prise en charge de la spondylarthrite a évolué en fonction des concepts et des nouveaux traitements : il fallait donc élaborer des recommandations actualisées pour sa prise en charge pratique. La spondylarthrite regroupe différentes entités : la spondylarthrite ankylosante, bien sûr (forme axiale avec atteinte radiologique), mais aussi les formes axiales sans atteinte radiologique, les formes périphériques (articulaires ou enthésitiques), l’arthrite réactionnelle et les rhumatismes associés aux manifestations extra-articulaires : psoriasis, maladies inflammatoires de l’intestin, uvéites… Ces recommandations englobent l’ensemble de ces entités et notamment le rhumatisme psoriasique. Le principe est de raisonner, au-delà de la classification nosologique, en termes de manifestation clinique de la pathologie.
Quels sont les grands principes de la prise en charge ?
La prise en change associe des médicaments et des traitements non pharmacologiques. Les mesures d’hygiène globale sont essentielles : arrêt du tabac (car celui-ci a une influence péjorative démontrée sur l’évolution de la maladie), réduction pondérale si nécessaire, activité physique régulière ; la kinésithérapie/rééducation voire la balnéothérapie sont préconisées en fonction de l’évolution de la maladie (en cas de limitation des amplitudes de mouvement par exemple). L’éducation thérapeutique a toute sa place dans cette pathologie, et les malades peuvent s’appuyer sur les associations de patients. Quant aux conseils nutritionnels, la Société française de rhumatologie (SFR) a publié récemment des recommandations : dans les rhumatismes inflammatoires chroniques, les régimes d’exclusion – très à la mode – n’ont pas lieu d’être proposés, faute de données sur leur efficacité ; au contraire, ils sont potentiellement dangereux surtout s’ils sont pratiqués sans encadrement médical.
Quelles nouveautés dans les traitements pharmacologiques ?
Les AINS sont toujours les traitements de première ligne (en l’absence de contre-indication), quelle que soit l’expression clinique de la maladie. Compte tenu de leurs nombreuses complications, les corticoïdes par voie générale ne sont pas recommandés mais des infiltrations de dérivés cortisoniques sont envisageables dans les atteintes périphériques, au niveau des sites symptomatiques. Les antalgiques peuvent être proposés ponctuellement pour lutter contre une douleur résiduelle, mais il faut faire attention au mésusage notamment des morphiniques.
Si ces traitements ne sont pas efficaces, les traitements biologiques peuvent être considérés en deuxième intention. Les critères d’initiation sont bien sûr très précis (niveau d’activité de la maladie suffisamment élevé, évalué par des scores spécifiques, associé à des éléments d’inflammation biologiques ou objectivés sur l’imagerie). Le choix du traitement dépend de la présentation clinique. En cas d’atteinte axiale, on s’oriente vers les biomédicaments ou les inhibiteurs de JAK. Dans les formes périphériques, on propose les traitements d’action lente comme le méthotrexate, puis, en cas d’échec, on passe aux thérapies ciblées (biologiques ou inhibiteurs de JAK).
Le choix de la biothérapie dépend du type d’atteinte extra-rhumatologique. Par exemple, les anti-TNF (Remicade, Humira…) sont efficaces sur les formes axiales, les formes périphériques, le psoriasis, l’inflammation intestinale et les uvéites, alors que les anti-IL-17 le sont sur les trois premières mais non sur l’inflammation digestive. Les anti-IL-23 ont montré une efficacité sur le rhumatisme psoriasique périphérique mais non sur les atteintes axiales…
En somme, l’ambition est de proposer un traitement personnalisé, « sur mesure », à adapter rapidement en cas d’échec.
Quel est l’objectif du traitement ?
L’objectif est de contrôler les symptômes et l’inflammation, d’améliorer la qualité de vie, mais aussi de préserver les capacités fonctionnelles et de prévenir les dommages structuraux. Nous savons aujourd’hui que plus l’on traite tôt et de façon efficace plus on a des chances d’obtenir une rémission/une maladie avec une faible activité et d’empêcher ou ralentir les lésions radiologiques. Le diagnostic précoce est donc un enjeu crucial, en particulier dans les formes périphériques !
Quels signes doivent alerter ?
En cas de lombalgie chez un adulte jeune (de moins de 45 ans), il faut rester vigilant devant certains signes : si le mal de dos réveille au petit matin, s’il s’accompagne d’une difficulté à la mise en route (dérouillage matinal) de plus de 30 min, s’il s’associe à des manifestations extra-rhumatologiques (ou à des antécédents) – psoriasis cutané (20 % des cas), uvéite (jusqu’à 30 % de cas sur l’ensemble de l’évolution), inflammation intestinale (maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique) –, il faut demander un avis rhumatologique.
Quel dernier message donner aux généralistes ?
Chez ces patients il ne faut pas oublier de prendre en compte les comorbidités, notamment cardiovasculaires – l’inflammation chronique augmente les risque CV et peut avoir un impact sur la tolérance de certaines classes thérapeutiques – mais aussi l’ostéoporose, car la spondylarthrite s’accompagne d’une diminution de la densité osseuse, surtout en cas d’atteinte axiale.
Propos recueillis par Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Wendling D, Hecquet S, Fogel O. Actualisation 2022 des Recommandations de la Société Française de Rhumatologie (SFR) pour la prise en charge en pratique courante des malades atteints de spondyloarthrite, incluant le rhumatisme psoriasique. Rev Rhum, 21 janvier 2022.
Dossier – Spondyloarthrites (élaboré selon les conseils du Pr Maxime Breban). Rev Prat 2018;68(7):729-74.
Alliot-Launois F, témoignage de Gaëlle. Vivre avec une spondylarthrite. Rev Prat 2021;71(9);993-4.