Le diagnostic de spondyloarthrite (SpA) axiale repose sur un faisceau concordant d’arguments cliniques (antécédents familiaux de SpA, rachi- algies et douleurs sacro-iliaques inflammatoires, enthésites, éventuelles manifestations extra-articulaires) et paracliniques (imagerie, biologie).1-4 Ces divers éléments font partie des critères de classification actuels (fig. 1).2 Certains peuvent être dus à d’autres affections et orienter à tort vers une spondyloarthrite.

Pièges cliniques

Rachialgies inflammatoires

Elles peuvent révéler une pathologie infectieuse (spondylodiscite, arthrite septique articulaire postérieure) ou microcristalline (chondrocalcinose, plus rarement goutte) généralement chez des sujets plus âgés (la SpA débute plutôt avant 45 ans). Des rachialgies majorées en décubitus (donc habituellement responsables de réveils nocturnes) peuvent être induites par des processus expansifs intracanalaires, le plus classique étant le neurinome intracanalaire. Inflammatoires avec raideur lombaire et syndrome biologique d’inflammation, elles peuvent être révélatrices d’une aortite ou d’une fibrose rétropéritonéale ; le diagnostic est parfois difficile, d’autant que ces affections peuvent s’associer à une SpA.

Douleurs fessières

Elles peuvent orienter par erreur vers une pathologie de l’articulation sacro- iliaque. C’est le cas de certaines sciatiques tronquées, de pathologies de la hanche (coxarthrose par exemple), de syndrome articulaire postérieur lombaire dû à une irritation du rameau cutané de la branche postérieure du nerf rachidien (syndrome de Maigne), ou encore d’un syndrome du piriforme (muscle du plan profond de la fesse).

Enthésites

Cette atteinte des zones d’insertion du tendon sur l’os et le périoste est une des caractéristiques de la SpA. Les sites de prédilection sont le calcanéum (insertions postérieure, achilléo-calcanéenne et sous-calcanéenne), la tubérosité tibiale antérieure (qui peut faire discuter une épiphysite), la région trochantérienne. Ces localisations sont également volontiers le siège de tendinites communes ou microtraumatiques. Les tableaux sont parfois trompeurs avec douleur à la mise en route à l’origine d’un pseudo-dérouillage en cas de tendinite (de durée bien plus courte – quelques minutes – que dans la SpA : 30 minutes). Cliniquement, la douleur siège électivement sur le tendon qui peut être épaissi. En cas de doute, l’échographie distingue l’atteinte tendineuse de celle de l’enthèse.
Des douleurs tendineuses diffuses avec parfois des enthésites peuvent être favorisées par certains troubles métaboliques (hyperuricémie, dyslipidémie) ou la prise de certains médicaments (quinolones, rétinoïdes). Des douleurs diffuses à de nombreux points d’insertion tendineuse sont une des caractéristiques de la fibromyalgie, état polyalgique chronique permanent avec asthénie et troubles du sommeil. Une fibromyalgie peut accompagner des maladies inflammatoires chroniques, elle est plus fréquente chez les patients atteints de SpA que dans la population générale.5

Pièges d’imagerie

Imagerie sacro-iliaque

Elle occupe une place importante dans le diagnostic de SpA axiale. L’atteinte sacro- iliaque est centrale (fig. 1).
En radiographie standard, la sacro- iliite de la SpA se caractérise par une érosion associée à une condensation des berges sacro-iliaques pouvant évoluer vers l’ankylose. Cependant, cette condensation n’est pas spécifique à la SpA. On la retrouve dans l’ostéose iliaque condensante, affection de définition radiographique, le plus souvent asymptomatique, survenant classiquement chez la femme multipare. La condensation est alors localisée uniquement sur le versant iliaque, de forme triangulaire à base inférieure, sans atteinte de l’interligne (fig. 2).
Dans l’arthrose sacro-iliaque, volontiers responsable de douleurs fessières mécaniques, la condensation des berges s’accompagne d’un pincement de l’interligne et éventuellement d’ostéophytes dans sa partie inférieure.
Un aspect d’ankylose sacro-iliaque peut être la conséquence évolutive d’une infection habituellement unilatérale de cette articulation, ou être en rapport avec une affection hyperostosante (maladie de Forestier), avec un pont d’ossification de la capsule antérieure de la sacro-iliaque, sans modification de l’interligne.
En IRM, la sacro-iliite peut se traduire, même en cas de radios normales, par un œdème de l’os spongieux (ostéite) de part et d’autre de l’interligne, avec un hyposignal en séquence T1 et hypersignal en T2 ou STIR ou T1 avec contraste.3, 4 Un tel aspect n’est cependant pas spécifique d’une atteinte inflammatoire. Une sacro-iliite infectieuse peut donner une image semblable, habituellement unilatérale, avec en revanche une extension du signal inflammatoire dans les parties molles, et une possible collection (suppuration).
Un œdème de l’os spongieux juxta-arti- culaire peut également être dû à des microtraumatismes (chez les sportifs, dans le post-partum) ou à des fissures de contrainte (localisation préférentielle sur le versant sacré), en particulier en cas d’ostéoporose. Enfin, une sacro-iliite inflammatoire a été ponctuellement rapportée dans d’autres affections systémiques à composante rhumatologique (lupus, sarcoïdose, Behçet, maladie périodique…) posant le problème d’une éventuelle association à la SpA.

Imagerie du rachis

Les aspects évocateurs en radio conventionnelle sont des ossifications sous-ligamentaires fines formant les classiques syndesmophytes qui peuvent aboutir à une ankylose rachidienne, voire à l’extrême à une colonne bambou.
L’arthrose rachidienne peut se manifester par des ostéophytes, naissant également de l’angle vertébral, mais plus épais, d’orientation plus horizontale et ne donnant pas d’ankylose rachidienne.
Autre piège classique : l’hyperostose vertébrale ou maladie de Forestier. Peu symptomatique et survenant le plus souvent après 50 ans, elle réalise des ponts osseux épais, prédominant au rachis thoracique, sur son bord droit, reliant au moins 3 disques adjacents. Les localisations lombaire, cervicale et sacro-iliaque sont possibles et fréquentes.
D’autres pathologies peuvent s’accompagner d’ossification rachidienne : certains troubles du métabolisme phosphocalcique (rachitismes hypophosphatémiques, hyperparathyroïdie) ou des affections plus rares à substratum génétique, comme la fibrodysplasie ossifiante progressive qui s’accompagne d’autres anomalies squelettiques, ou encore certaines thérapeutiques (rétinoïdes)... Les fluoroses (eau contaminée) peuvent induire une ostéosclérose diffuse et une ossification des enthèses.
À l’IRM, certaines lésions dégénératives (arthrosiques) situées sur les angles vertébraux peuvent mimer une SpA. Les discopathies de type Modic 1 (maladie du disque intervertébral et de l’os sous-chondral) peuvent être trompeuses. Des lésions de type inflammatoire sont observées dans les atteintes rachidiennes infectieuses ou les localisations rachidiennes d’arthropathies microcristallines.

Pièges biologiques

Il n’y a pas de marqueur biologique spécifique de la SpA axiale. La CRP est synonyme d’inflammation, mais son élévation dans la SpA est inconstante et modérée. Il n’y a pas d’auto-anticorps, détectable en routine, qui soit associé. HLA-B27 est fréquemment retrouvé chez les malades (environ 75 % des cas). Mais il ne s’agit pas d’un marqueur pathologique, car il est présent chez 8 % de la population générale caucasoïde. Le piège est de porter le diagnostic sur sa seule présence : l’équation B27 positif = SpA est fausse !
Si chaque élément peut être source de confusion, c’est la confrontation et la recherche de cohérence avec les autres items qui aboutiront au diagnostic de SpA axiale.
Références
1. Claudepierre P, Wendling D. Spondylarthrite ankylosante. EMC (Elsevier Paris), Appareil locomoteur, 2019, 14 p, article [14-230-A-10].
2. Rudwaleit M, van der Heijde D, Landewé R, et al. The development of Assessment of SpondyloArthritis international Society classification criteria for axial spondyloarthritis (part II): validation and final selection. Ann Rheum Dis 2009;68:777-83.
3. Sieper J, Poddubnyy D. Axial spondyloarthritis. Lancet 2017;390:73-84.
4. Sieper J, Rudwaleit M, Baraliakos X, et al. The Assessment of SpondyloArthritis international Society (ASAS) handbook: a guide to assess spondyloarthritis. Ann Rheum Dis 2009;68(Suppl 2):ii1-44.
5. Wendling D, Prati C. Spondyloarthritis and fibromyalgia: interfering association or differential diagnosis? Clin Rheumatol 2016;35:2141-3.

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essentiel

Le diagnostic de spondyloarthrite axiale est fondé sur un faisceau d’arguments concordants.

L’œdème sacro-iliaque vu en IRM peut être dû à d’autres mécanismes.

La positivité d’HLA-B27 n’est pas synonyme de SpA.