Quelles sont les nouveautés concernant l’activité physique des patients en situation de handicap ?
En raison de l’augmentation de leur espérance de vie, ces patients sont aujourd’hui confrontés, en vieillissant, aux mêmes comorbidités et facteurs de risque métaboliques que la population générale (obésité, HTA, diabète, etc.). La question de la prévention chez eux – dont la lutte contre la sédentarité – est d’autant plus importante qu’il y a un risque de « sur-handicap » : un AVC ou un infarctus du myocarde qui surviendrait chez un patient paraplégique, par exemple, réduirait davantage encore son autonomie, avec un retentissement majeur non seulement pour lui mais également pour son entourage…
Or, aujourd’hui, cette prévention est loin d’être optimale, ce qui met en lumière un problème plus large d’accès aux soins pour les patients ayant un handicap. Ils sont souvent moins bien pris en charge, ne serait-ce qu’en raison des obstacles pratiques qui rendent l’examen clinique plus difficile et/ou chronophage dans les cabinets libéraux – ces derniers pouvant manquer d’équipements ou de personnel nécessaire (par exemple, l’aide d’un tiers pour transférer une patiente sur une table d’examen gynécologique).
Pourtant, concernant particulièrement l’activité physique, les généralistes vont sans doute recevoir de plus en plus ces patients au cabinet. Leur espérance de vie augmentant et les capacités des services de médecine physique et réadaptation ne suffisant plus, ces patients leur demanderont des conseils d’activité physique, des examens pour établir un certificat, voire des épreuves d’effort, etc.
Le MG doit donc connaître les possibilités d’activité qui s’offrent à eux, les spécificités de ces situations, et savoir les orienter !
Quelles sont ces spécificités ?
Le message essentiel à transmettre aux patients, c’est qu’aujourd’hui tout est possible : il n’y a quasiment aucune restriction à la pratique de n’importe quelle activité physique, quel que soit le handicap.
Pour autant, il y a des adaptations à réaliser, des réserves de pratique selon les cas. C’est, bien sûr, un peu plus compliqué qu’en situation « standard ». Or, force est de constater qu’à l’heure actuelle, la plupart des professionnels de santé ne sont pas formés à ces questions. Mais il existe heureusement des équipes spécialisées pluridisciplinaires qui aident à évaluer les limites et les potentiels physiques et cognitifs de chaque patient afin de lui délivrer des conseils pour une pratique parasportive adaptée à son handicap. Ces équipes réalisent aussi l’accompagnement et le suivi et s’occupent de l’équipement nécessaire à la pratique du parasport.
Comment les médecins traitants peuvent-ils faire le lien avec ces équipes ?
Le médecin généraliste peut orienter vers les services hospitaliers de médecine physique et de réadaptation (MPR), vers des structures spécialisées, ou s’appuyer sur un référent handicap… Mais il est vrai qu’en ce qui concerne l’activité physique et le parasport, le maillage territorial n’est actuellement pas satisfaisant, en dehors des structures destinées aux athlètes de très haut niveau.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons voulu créer l’Institut de santé parasport connecté (ISPC), dont la construction commencera en juillet 2024 et dont l’ouverture est prévue en 2026. Entièrement consacré au sport des patients ayant un handicap, l’ISPC repose sur trois piliers : la prise en charge clinique, la formation et la recherche. L’ambition est, à terme, d’avoir un vrai essaimage national à partir de cette structure de référence en Île--de-France, avec deux objectifs : assurer une formation dédiée dans l’ensemble des universités pour les professionnels de santé et améliorer le réseau pour rendre plus lisible la liste des intervenants au niveau local. Ce sera, en ce sens, une ressource précieuse pour la médecine générale.
De plus, l’idée est, in fine, de sortir le plus possible du cadre hospitalier actuel, pour faciliter et fluidifier les parcours des patients. Actuellement, les délais sont en effet très importants et les filières sont surchargées, car les médecins en services de MPR sont trop peu nombreux par rapport à la demande.
Il existe déjà une unité parasport-santé à l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches, qui préfigure cet institut. Ce département, en plein développement, fonctionne aujourd’hui avec une capacité de 1 200 passages par an (représentant 1/12e de son objectif final). Bon à savoir : les admissions ne sont pas conditionnées à une sectorisation, et nous recevons aussi des patients institutionnalisés.
Comment se déroule un suivi au pôle parasport ?
Ce pôle est un centre ressource destiné à accueillir tout patient qui souhaite être accompagné et conseillé dans un projet d’activité physique adaptée à sa pathologie, en prévention primaire, secondaire ou tertiaire.
Sont principalement concernées les personnes porteuses d’un handicap physique, sensoriel ou cognitif : lésion médullaire (para- ou tétraplégie), paralysie cérébrale, poliomyélite, sclérose en plaques, traumatisme crânien, séquelles d’AVC… Ces consultations s’adressent aussi bien aux personnes qui n’ont jamais pratiqué un sport et cherchent à débuter qu’à celles qui pratiquent déjà et veulent continuer, en bénéficiant d’un suivi – après un accident, par exemple –, jusqu’aux athlètes de très haut niveau de l’Équipe paralympique de France, dont je suis le médecin.
Grâce au travail d’une équipe pluridisciplinaire (médecins, enseignants en activité physique adaptée, ingénieurs biomécaniques, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, orthoprothésistes, psychologues, etc.), nous proposons à la fois des consultations en médecine physique et de réadaptation et une prise en charge plus large en hôpital de jour, qui comprend trois parcours :
- capacitation : évaluation clinique (bilan articulaire, moteur, fonctionnel, examen cardiovasculaire, bilan biologique, test d’effort…) et instrumentale des capacités motrices, physiologiques et cognitives du patient, en lien avec une activité physique ou sportive en salle et sur site sportif ; elle peut être complétée par une évaluation diététique ;
- pratique : conseils de discipline, d’amélioration d’un geste sportif, voire d’une performance, création d’aides techniques spécifiques, à l’aide de technologies et d’infrastructures connectées ;
- « aller vers » : équipe mobile dont la mission est l’accompagnement du para-sportif sur son site de vie, en faisant le lien avec la structure sportive d’accueil (club, salle de sport, piscine...), notamment sur les dimensions d’inclusion sociale.
Ce suivi est pris en charge par l’Assurance maladie pour tous les patients en ALD (à l’exception de la partie « aller vers », qui reste toutefois sans frais pour le patient grâce à d’autres financements). Différentes modalités de financement complémentaire sont possibles : MDPH, mutuelles, assurances tiers, etc.
Nous disposons également d’un département social qui aide au financement de l’équipement – parce que le « problème » du parasport, c’est que les appareillages sont onéreux ! Les prix peuvent être un frein particulièrement important pour les jeunes patients qui veulent souvent essayer plusieurs disciplines – requérant donc des changements réguliers des prothèses, des équipements nécessaires... Nous avons développé un système d’économie circulaire où nous récupérons le matériel et le prêtons pour que ces patients puissent essayer le maximum de disciplines afin de trouver celle qui leur convient le mieux.
Comment orienter les patients vers votre pôle parasport ? Quel lien avec le médecin traitant ensuite ?
Les médecins peuvent envoyer un courrier à un médecin du pôle parasport de l’hôpital Raymond-Poincaré, un courriel à accueil@ispc-synergies.org ou appeler le 01 47 10 72 32. Le patient reçoit ensuite une convocation.
Un compte rendu du premier bilan effectué et des consultations suivantes est adressé au médecin traitant. Nous travaillons, en effet, toujours en lien avec les médecins généralistes qui sont, pour nous, des interlocuteurs privilégiés. D’une part, ce sont eux qui permettent aux patients qui « échappent au système » d’entrer dans ce parcours de soins parasport – par exemple, pour les blessés médullaires qui, une fois sortis du centre de rééducation, sont suivis en médecine générale. D’autre part, parce que notre travail est très proche de celui des généralistes : contrairement à la « médecine d’organes », nos disciplines s’inscrivent toutes les deux dans un suivi global et à long terme et dans une approche fonctionnelle – nous travaillons sur l’adaptation de la vie quotidienne et l’aménagement du domicile, établissons les certificats MDPH, etc.
D’où l’importance de travailler en réseau et en communication permanente. De la même façon que nous transmettons les comptes rendus après les consultations parasport, des médecins traitants sont désormais en lien rapproché avec le pôle et nous envoient des courriers lorsqu’ils constatent qu’un patient perd de l’autonomie à domicile, par exemple – et nous prenons alors le relais.