Si le bénéfice clinique des statines a été prouvé par de multiples essais thérapeutiques contrôlés, la crainte de douleurs ou de faiblesse musculaires conduit de nombreux patients à arrêter le traitement. Quelle est la fréquence réelle de ces symptômes ? Comment faire en pratique en cas d’intolérance ?

 

Le bénéfice clinique des statines est incontestable d’après l’analyse de multiples essais thérapeutiques contrôlés. Leur effet biologique est important : 50 % de baisse de LDL-cholestérol pour les statines de forte intensité (par exemple, atorvastatine, fortes doses, 40 à 80 mg/j) ; 35 % pour les intensités moyennes (par exemple, simvastatine, 20 à 40 mg/j) et 25 % pour les faibles (par exemple, pravastatine, 10 à 20 mg/j).

Cette classe médicamenteuse est habituellement très bien supportée, mais elle induit 2 types d’effets secondaires :

Un risque de diabète, attendu à une fréquence de 1/1 000 sujets traités par an, le plus souvent chez les patients en situation de « prédiabète ». Pour ces personnes, il est établi que la protection apportée dépasse largement le risque lié au diabète, et la règle est de prendre des mesures pour contrôler la glycémie sans interrompre les statines.

Le second est l’intolérance musculaire. La myosite ou rhabdomyolyse, aussi grave que rare (1/100 000 patients par an) associe douleurs musculaires intenses et très forte élévation des créatines phosphokinases (CPK) et de la myosine. Dans cette situation, l’arrêt des statines est la règle.

Cependant, de nombreux patients (10 à 15 %) se plaignent d’une intolérance musculaire « banale » bénigne, qui disparaît sans séquelles à l’arrêt du traitement, mais qui est souvent responsable d’arrêt prolongé ou définitif du médicament. Son incidence réelle est difficile à apprécier car il y a un effet nocebo démontré

Dans un essai mené récemment au Royaume-Uni, avec des inclusions entre 2016 et 2018, 151 patients (âge moyen : 69 ans ; 58 % d’hommes), qui avaient arrêté (dans les 3 ans précédents) ou envisageaient d’arrêter un traitement par statine en raison d’effets indésirables musculaires, ont été randomisés pour réaliser 6 séquences de 2 mois où ils recevaient un placebo ou de l’atorvastatine à 20 mg par jour. L’essai se déroulait en double-aveugle. À chaque fin de période, les patients cotaient leurs symptômes musculaires sur une échelle entre 0 et 10. Les auteurs n’ont pas observé de différence en fréquence ou en intensité de ces symptômes au décours des périodes sous placebo ou atorvastatine. Des arrêts de traitements ont été observés chez 9 % des patients au cours des périodes sous atorvastatine et 7 % des périodes sous placebo.

L’originalité de cette étude est d’avoir inclus uniquement les patients qui avaient eu précédemment des symptômes pendant le traitement par statines. De façon intéressante, 2 tiers des patients ayant complété l’étude étaient convaincus de la bonne tolérance de ce traitement, puisqu’ils ont décidé de reprendre une statine sur le long terme. Cependant, cet essai a utilisé des doses intermédiaires d’atorvastatine (20 mg/j) : les effets pourraient donc être plus significatifs avec des dosages plus élevés.

 

 

 

Que faire en pratique si le patient se plaint de douleurs musculaires ?

Il faut savoir que la perception des effets indésirables n’est pas la même selon la pathologie. Si le traitement de l’hypertension artérielle associe parfois des molécules aux effets indésirables fréquents, les patients sont assez soucieux de leur niveau de pression artérielle pour ne pas remettre en cause le bien-fondé de la prescription. Il en va différemment avec les statines, traitement préventif dont le bénéfice n’est pas toujours cliniquement perçu : leurs effets indésirables, même minimes, sont généralement mal acceptés, d’autant que les médicaments sont au long cours.

Chez des patients sous statines, tout symptôme musculaire doit être considéré comme étant potentiellement une intolérance, sachant que celle-ci se manifeste généralement dans les premières semaines et intéresse les grands groupes musculaires. Même si ces conditions ne sont pas réunies, l’arrêt temporaire des statines permet de vérifier si les symptômes leur sont associés (disparition des myalgies quelques jours après l’arrêt du traitement), et le dosage des CPK renseigne sur l’importance de l’intolérance.

Si elle est avérée, il est conseillé de rediscuter avec le patient du bien-fondé de la prévention et de négocier avec lui une tentative de reprise d’une statine différente et/ou à dose moins intense, la perte d’efficacité pouvant être plus ou moins compensée par l’ajout d’ézétimibe.

Par ailleurs, pour lutter contre la mésinformation sur ces traitements, la Société française de cardiologie a récemment élaboré un document, à destination des patients :

Statines et maladies cardiovasculaires : de la fin de la controverse scientifique à la fin de la polémique ? Mars 2021. 

 

Pour en savoir plus

Herrett E, Williamson E, Brack K, et al. Statin treatment and muscle symptoms: series of randomised, placebo controlled n-of-1 trials. BMJ 2021;372:n135.

Schiele F. Prévention cardiovasculaire. Évaluer et traiter le risque CV, une démarche en trois étapes. Rev Prat Med Gen 2020;34(1041);365-70.

 

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

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