Les Fossoyeurs, livre enquête publié en janvier 2022, a révélé des maltraitances envers les résidents de certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).1 Des dysfonctionnements qui, s’ils s’avéraient exacts, sont condamnables. La justice est saisie, des enquêtes sont en cours, attendons leurs conclusions.
Cet ouvrage a aussi permis de rappeler les difficultés rencontrées par les Ehpad : le manque criant de personnel soignant, rend leur charge de travail difficilement compatible avec la bientraitance attendue envers une population très vulnérable. La première réaction de nos dirigeants a été d’augmenter les salaires des soignants et de débloquer une importante aide financière exceptionnelle ! Mais est-ce la seule et bonne réponse ?
Le maintien à domicile, les familles d’accueil, les structures de type béguinage, entre autres, sont certainement des solutions prioritaires qu’il est utile d’encourager en leur apportant les ressources humaines et financières nécessaires. Mais, face à la vulnérabilité croissante de personnes de plus en plus âgées, au poids épidémiologique de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, ces propositions alternatives rencontrent des limites. Des structures d’accueil plus spécialisées doivent donc coexister.
Les Ehpad ont été créés il y a vingt ans pour remplacer les maisons de retraite. Les enjeux démographiques et du bien-être des seniors ont évolué depuis ; il est possible que le type d’hébergement envisagé à l’époque ne réponde plus aux besoins actuels ! Les témoignages retranscrits dans l’ouvrage de Victor Castanet ne sont ainsi pas le simple reflet d’une maltraitance institutionnelle – qu’il ne faudrait pas pour autant généraliser –, ils pointent également une grande souffrance structurelle du secteur médico-social ; un profond malaise qui pourrait remettre en cause le modèle des Ehpad, leurs missions, fonctionnements et modes de financement mais aussi leurs contrôles.
Les Ehpad devraient être, d’abord et avant tout, de véritables lieux de vie où l’on est soigné et non des lieux de soins où l’on vit ! Des établissements plus petits, plus ouverts sur l’extérieur, plus intégrés à la vie sociale, peut-être plus intergénérationnels pourraient répondre à ce concept. Un personnel soignant en nombre suffisant, formé à la spécificité de la prise en charge du grand âge, est primordial. Si les soins médicaux et infirmiers ont parfaitement leur place dans le fonctionnement des Ehpad, ils ne sont pas nécessairement les plus importants. D’autres métiers (psychologues, animateurs, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens, actiphysiciens, art-thérapeutes…) sont tout aussi essentiels. Ils permettent d’accompagner et de freiner les pertes d’autonomie physique, cognitive ou comportementale ; autant d’actes de prévention malheureusement peu ou pas reconnus aujourd’hui par les tutelles, alors qu’ils participent à la bientraitance des personnes en institution. Cela renvoie aux modes de financement des Ehpad, très complexes, peu adaptés à la réalité de terrain, car davantage fondés sur des objectifs de résultats que sur les moyens mis en œuvre.
Il faut cesser l’Ehpad-bashing, peut-être supprimer le terme « dépendance » – trop négatif – de leur acronyme, et réfléchir à leur restructuration en privilégiant le bon recrutement des personnels et intervenants, la rigueur budgétaire, la transparence, l’humanisme et le décloisonnement social…
1. Castanet Victor. Les Fossoyeurs. Révélations sur le système qui maltraite nos aînés. Paris : Fayard ; 2022.