Le strabisme est caractérisé par une déviation des axes visuels et par des altérations sensorielles secondaires à cette déviation. Le strabisme fonctionnel, où aucune anomalie oculaire empêche la transmission de l’influx visuel au cortex, s’oppose au strabisme organique où les anomalies peuvent être secondaires à une pathologie oculaire. Le strabisme fonctionnel est une affection grave et fréquente (3 à 4 % de la population française) qui touche essentiellement l’enfant les premières années de sa vie ; non traitée, elle aboutit dans la majorité des cas à la perte fonctionnelle de l’œil dévié (amblyopie). Son traitement est indissociable de celui de l’amblyopie, il nécessite un examen rigoureux et un traitement adapté le plus précoce possible.
Il existe plusieurs types de strabisme, classés selon la déviation et la physiopathologie.

Strabisme précoce

Il survient entre le 2e et 6e mois de vie entraînant une absence de développement de la vision binoculaire responsable d’anomalies sensorielles ou motrices complexes.
Les signes cliniques :
  • sur le plan sensoriel :
  • absence définitive de correspondance rétinienne normale (CRN), signe principal ;
  • neutralisation de l’œil dévié qui protège de la diplopie ;
  • amblyopie (survenant dans 40 % des cas non traités) ;
  • absence de fusion binoculaire ;
  • absence de vision stéréoscopique.
  • sur le plan moteur :
  • déviation strabique : ésotropies (80 %) de grand angle le plus souvent, exotropie (10 %) nécessitant un bilan neuropédiatrique et neuroradiologique ; microstrabisme (10 %) ;
  • sur l’œil fixateur :
  • fixation en adduction avec torticolis, signe le plus fréquent, s’inversant au changement d’œil fixateur ;
  • nystagmus manifeste latent : présent dans 40 à 90 % des cas ;
  • fixation en incyclotorsion ;
  • asymétrie du nystamus optocinétique (NOC) ;
  • sur l’œil non fixateur :
  • déviation verticale dissociée (DVD) ;
  • déviation horizontale dissociée ;
  • hyperaction des muscles obliques inférieurs ;
  • syndrome alphabétique en A ou en V.
Ces signes moteurs témoignent d’un processus pathologique survenu sur un système optomoteur immature, avant que la vision binoculaire ne soit apparue et l’empêchant de s’installer.
Traitement :
  • des conséquences sensorielles :
  • correction optique totale de toute amétropie à tout âge ;
  • prévenir ou traiter l’amblyopie en faisant alterner la fixation (occlusion ou pénalisation) ;
  • des conséquences motrices : en obtenant un micro­strabisme ou une oculomotricité harmonieuse grâce au traitement par :
  • toxine botulique dans l’enfance avant 2 ans ;
  • chirurgie après 24 mois : le but est d’obtenir une déviation horizontale < 8 dioptries et/ou une déviation verticale < 4 dioptries.

Strabismes acquis ou normosensoriels

Ils apparaissent après l’installation de la vision binoculaire, après l’âge de 12 mois.

Strabismes convergents accommodatifs

Ils débutent tardivement entre 12 mois et 3 ans. Tout strabisme est partiellement accommodatif. Il en existe 2 types :

Strabisme accommodatif réfractif

Il s’agit le plus souvent d’enfants hypermétropes non corrigés.
Les signes cliniques :
  • sur le plan sensoriel, une amblyopie et une absence de vision binoculaire sont présentes si la prise en charge est tardive ;
  • sur le plan moteur, la déviation est intermittente au début, importante, stable, le plus souvent sans verticalité. La correction optique totale va permettre de différencier plusieurs types :
  • réfractifs purs : où la déviation est totalement corrigée par la correction de l’hypermétropie. Sur le plan évolutif, si le traitement est précoce, le pronostic est très bon par la seule correction optique totale (COT) de l’hypermétropie, associé ou non à un traitement d’occlusion ;
  • réfractifs partiels : où la déviation est partiellement corrigée par la correction de l’hypermétropie.

Strabismes accommodatifs non réfractifs

Ces strabismes sont liés à une anomalie du rapport convergence accomodative/accomodation (CA/A), en excès le plus souvent : strabismes accommodatifs avec incomitance loin-près. Ils sont dits « purs » ou « impurs » selon la disparition totale ou partielle de la déviation en vision de près après correction optique totale.

Strabismes convergents normosensoriels

Il s’agit :
  • d’ésophories et ésotropies décompensées ;
  • de strabisme aigu normo sensoriel ;
  • de strabisme circadien ;
  • d’ésotropie simple des myopes.

Strabismes divergents normosensoriels

Il s’agit :
  • d’exophories et exotropies décompensées ;
  • d’insuffisance de convergence.

Examen clinique

L’interrogatoire est primordial, il doit être méticuleux et détaillé. Il faudra rechercher les antécédents personnels et familiaux de l’enfant, l’histoire du strabisme et les facteurs de risque.
L’examen clinique sensoriel se fonde sur le comportement visuel et l’acuité visuelle dans le but de rechercher une amblyopie, sur la mesure de la réfraction sous-cycloplégique (mise en évidence d’une amétropie). L’examen clinique moteur de l’enfant consiste à évaluer la déviation strabique et ses conséquences.

Traitement et surveillance

Le traitement du strabisme est un traitement long et difficile dans la durée où le pronostic visuel de l’enfant nécessite une prise en charge globale. La prise en charge médicale est incontournable, dans le but de prévenir ou traiter l’amblyopie (correction optique totale, occlusion, pénalisation).
Le traitement chirurgical n’est pas urgent et ne sera réalisé qu’en phase de stabilité du strabisme, après l’âge de 24 mois.
La surveillance de l’acuité visuelle et de l’équilibre oculomoteur doit être réalisé tout au long de la vie de l’enfant et de l’adulte.

Dépistage

Le dépistage du strabisme est à réaliser par le pédiatre, le médecin de famille de l’enfant ou l’orthoptiste qui devra adresser l’enfant à un spécialiste au moindre doute, et ensuite s’assurer de la bonne observance du traitement de l’amblyopie.

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