La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, conçue par l’Institut national du cancer, développe des actions et des outils selon quatre axes : prévention, limitation des séquelles et amélioration de la qualité de vie, lutte contre les cancers de mauvais pronostic, et garantie que les progrès bénéficient à tous. Le rôle essentiel du médecin généraliste y est affirmé.
Autour des Plans cancer successifs, la mobilisation d’une communauté investie a rendu possibles des avancées majeures en cancérologie. Incidence et mortalité standardisées des cancers connaissent ainsi une baisse régulière.1 Des défis demeurent néanmoins, qui appellent à poursuivre les efforts. Alors que près de la moitié des cancers sont évitables,2 que deux personnes sur trois souffrent de séquelles cinq ans après le diagnostic,3 et que de trop nombreux cancers ont des taux de survie à cinq ans inférieurs à 33 %,1 des actions plus fortes s’imposent. Elles sont portées par la nouvelle stratégie décennale de lutte contre les cancers.

Un cadre d’action renouvelé pour lutter contre les cancers

Lancée le 4 février 2021 par le président de la République, la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 porte une ambition renforcée, favorisée par un horizon à dix ans et un budget augmenté. Proposée par l’Institut national du cancer (INCa), elle est issue d’un travail de coconstruction avec les parties prenantes et de deux consultations citoyennes. Elle comporte 234 actions articulées autour de quatre axes : améliorer la prévention ; limiter les séquelles et améliorer la qualité de vie ; lutter contre les cancers de mauvais pronostic ; s’assurer que les progrès bénéficient à tous.
De façon inédite, ces orientations se déclinent en objectifs chiffrés. Il s’agit d’abord de réduire de 60 000 par an le nombre de cancers évitables à l’horizon 2040 et de réaliser 1 million de dépistages supplémentaires d’ici à 2025. Diminuer de deux tiers à un tiers la part des patients souffrant de séquelles cinq ans après un diagnostic constitue un autre ­impératif. Enfin, il est primordial d’améliorer significativement le taux de survie des cancers de mauvais pronostic. Pour attein­dre ces cibles, le pilotage du déploiement de la stratégie a été confié à l’INCa, en lien avec les ministères chargés de la Santé et de la Recherche.

Agir en cohérence dans tous les domaines

La stratégie se place résolument sous le signe de l’action collective pour faire progresser la lutte contre la maladie. Deux ans après son lancement, les premières avancées témoignent de cette dynamique.

Prévenir et dépister

En matière de prévention, des actions ont été engagées sur l’ensemble des facteurs de risque, comportementaux (tabac, alcool, alimen­tation, sédentarité) et environnementaux (rayons ultraviolets [UV], polluants) : mise en ligne d’un dispositif de lutte contre les fake news pour aider chacun à décrypter l’information,4 élaboration d’un jeu vidéo adapté aux enfants pour les informer sur les comportements de santé,5 lancement d’une nouvelle campagne sur les principaux facteurs de risque évitables, développement des maisons sport-santé, création d’un service numérique permettant d’accéder aux données sur la qualité de l’environnement autour de soi,6 diffusion des résultats des expertises en matière de risque UV.7
L’amélioration de l’accès au dépistage fait l’objet d’une attention particulière. Les modes de remise des kits de dépistage du cancer colorectal ont ainsi été diversifiés pour renforcer leur accessibilité (envoi postal direct à domicile, remise par le pharmacien).

Favoriser l’accès aux soins et améliorer la qualité de vie des patients

Des actions sont menées en faveur de l’accès à l’innovation, avec le financement du renforcement des consultations d’oncogénétique. L’offre d’imagerie médicale et de médecine nucléaire est soutenue, afin de réduire les délais d’accès aux examens. Un forfait pour un parcours global post-traitement aigu du cancer est mis en place pour faciliter l’accès aux soins de support (soutien psychologique, diététique, reprise de l’activité physique).
Afin de préserver la qualité de vie des personnes, des initiatives sont aussi lancées en faveur du maintien dans l’emploi et de la poursuite des études des personnes atteintes de cancer. Le délai du droit à l’oubli, enfin, est réduit de dix à cinq ans après la fin du protocole thérapeutique.

Des projets pour les prochaines années

Bien d’autres actions sont à mener dans les années à venir : déploiement d’un programme national de réduction du risque alcool, mise en œuvre d’un projet pilote pour le dépistage des cancers du poumon, proposition d’un programme national de pertinence et désescalade thérapeutique...
Répondre à ces enjeux requiert l’engagement de tous : institutionnels et associatifs, patients et usagers, chercheurs, praticiens hospitaliers et de ville.

Le rôle déterminant de la médecine générale

La médecine générale, par son implication tout au long du parcours de soins des patients, a un rôle essentiel à jouer.

Accompagner les changements de comportements

Le médecin généraliste est le premier relais d’information et le premier ­levier d’action pour accompagner les changements de comportements (détection et aide au sevrage des addictions, sensibilisation aux dépistages, à la vaccination). Il est l’un des principaux acteurs d’une approche à la fois plus globale et plus personnalisée de la prévention.
Le déploiement d’autoquestionnaires invitant à faire un bilan de sa santé permettra ainsi aux praticiens de proposer des programmes adaptés à chacun, en lien avec la mise en place annoncée de consultations de prévention.
La relation de confiance établie avec le médecin généraliste, la légitimité qui lui est accordée sont capitales pour renforcer l’adhésion aux actes de prévention. Pour exemple, l’extension de la vaccination contre le papillomavirus aux garçons consolide encore son rôle, alors que 86 % des patients identifient le rendez-vous médical pour ce geste comme la première source d’information sur le sujet.8 Dans ce cadre, l’INCa a élaboré, à destination des praticiens, une synthèse des réponses aux questions des parents.9
Des outils d’infor­mation de premier contact sur les dépistages sont aussi mis à disposition10 (encadré).

Pivot du parcours de soins, y compris dans l’après-cancer

Les évolutions thérapeutiques, et notamment la progression des soins en ambulatoire, donnent une place grandissante aux acteurs du premier recours et appellent une coordination accrue entre professionnels hospitaliers et de ville. La stratégie décennale 2021-2030 ouvre ainsi des perspectives nouvelles quant à la mise en place de formations communes aux professionnels de ces secteurs ou encore à la formalisation de protocoles de coopération.
D’ores et déjà, l’INCa a mis à disposition des médecins généralistes une série d’outils d’aide à la pratique présentant, du diagnostic au suivi, le parcours de soins des patients atteints de cancer11 (encadré).
Au-delà de la phase de traitement aigu, la stratégie décennale porte la mise en place d’une organisation pour la fin de traitement afin de proposer une organisation plus efficace du suivi, centrée sur le patient et son médecin traitant, et partagée avec tous les professionnels. Elle considère, plus largement, le rôle central du médecin généraliste dans l’après-­cancer (orientation vers les soins de support adaptés, appui face aux difficultés psychosociales, soutien à la réinsertion professionnelle, prévention tertiaire) et les moyens de l’aider à l’exercer. Une fiche consacrée à la préservation de la santé sexuelle et de la fertilité en cas de cancer a notamment été élaborée.12
Encadre

Pour en savoir plus et orienter vos patients

Différents outils pour la pratique, dont une collection consacrée à la pratique des médecins généralistes intitulée Du diagnostic au suivi ainsi que des fiches récapitulatives sur les sujets de prévention et de dépistage, sont disponibles sur le site Internet de l'INCa, e-cancer.fr, pour accompagner les médecins dans leur exercice et leurs échanges avec les patients.

Des dépliants et affiches sont proposés (téléchargement ou commande) sur le site e-cancer.fr afin de faciliter la sensibilisation des patients autour des différents cancers et de leur prévention.

Cancer info, un service proposé par l'Institut national du cancer, en partenariat avec la Ligue contre le cancer, est destiné aux patients et à leurs proches. Il donne accès à toutes les informations sous trois formes : téléphonique, numérique et papier.

• Le 0 805 123 124 (service et appel gratuits) est joignable du lundi au vendredi de 9h à 19h et le samedi de 9h à 14h. Une équipe constituée de spécialistes de l'information sur les cancers répond à toutes les questions.

Le premier niveau d'écoute est géré par l'INCa : il propose des informations générales d'ordre pratique, médical et social sur les cancers. Le deuxième niveau, assuré par la Ligue contre le cancer, met à la disposition des appelants un service d'écoute psychologique plus personnalisé, ainsi qu'une permanence juridique.

•Le site e-cancer.fr, dans son onglet « Patients et proches », propose une vingtaine de dossiers complets, classés par type de cancer ainsi que des dossiers pratiques portant sur des questions transversales comme les droits des malades ou les démarches administratives pendant et après la maladie. Des guides d'information à destination des patients, conçus en « miroir » des recommandations professionnelles, sur chaque type de cancer, les traitements et leurs effets secondaires éventuels, sont accessibles en téléchargement ou en commande gratuite sur le site.

• Différents documents peuvent être imprimés ou commandés sur le site pour un envoi gratuit par courrier.

Références
1. Defossez G, Le Guyader Peyrou S, Uhry Z, Grosclaude P, Colonna M, Dantony E, et al. Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018. 2019. Volume 1 – Tumeurs solides. https://vu.fr/qhny
2. IARC. Les cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France métropolitaine. 2018. https://vu.fr/LbRj
3. INCa. La vie cinq ans après un diagnostic de cancer. 2018.
4. « Les éclairages ». https://leseclairages.e-cancer.fr/
5. « Cancer fighter ». https://cancer-fighter.fr/
6. « Recosanté ». https://recosante.beta.gouv.fr/
7. INCa. Rayonnements ultraviolets et risques de cancer. 2021.
8. Enquête menée par BVA, pour l’Institut national du cancer et la Haute autorité de santé, par Internet entre le 20 juin et le 12 juillet 2019 auprès de 300 médecins généralistes et de 2002 parents de jeunes filles âgées de 11 à 19 ans et/ou de jeunes garçons de 11 à 14 ans.
9. INCa. Les arguments clés pour répondre aux questions de vos patients sur la vaccination contre les HPV. 2022. https://vu.fr/Szjt
10. Dépliants d’information simplifiés sur le dépistage. https://vu.fr/vkSi
11. « Outils pour la pratique des médecins généralistes. Du diagnostic au suivi ». https://vu.fr/oqzW
12. INCa. Préservation de la santé sexuelle et de la fertilité en cas de cancer. 2022.

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Résumé

La nouvelle stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, conçue par l’Institut national du cancer (INCa), vise à poursuivre les efforts initiés lors des précédents Plans cancer. Ses 234 actions s’organisent autour de quatre axes : renforcement de la prévention, diminution des séquelles et amélioration de la qualité de vie, lutte contre les cancers de mauvais pronostic, assurance que les progrès bénéficient à tous. Ces orientations sont assorties d’objectifs chiffrés. Deux ans après son lancement, les premières avancées s’appuient sur l’action collective. En matière de prévention, des actions ont été engagées sur l’ensemble des facteurs de risque, comportementaux et environnementaux, en matière d’information et de dépistage. L’accès aux examens, aux innovations thérapeutiques et aux soins de support est soutenu. À l’avenir sont prévus un programme national de réduction du risque alcool, un projet pilote pour le dépistage des cancers du poumon... Le médecin généraliste joue un rôle essentiel tout au long du parcours de soins des patients, et notamment en matière de prévention, pour accompagner les changements de comportement (information, dépistage...) et proposer des actions personnalisées. Au cours des traitements mais surtout dans l’après-cancer, il est le pivot d’une coordination accrue entre professionnels hospitaliers et de ville.